Vivre longtemps et en bonne santé est un droit légitime, un devoir
Je me souviens, enfant, quand mon père exprimait son inquiétude de mal vieillir et de préférer mourir jeune plutôt que de souffrir et de dégénérer lentement. Une de mes voisines octogénaire, Odette, a gardé précieusement une trousse de médicaments pour se suicider au cas où son vieillissement tournerait mal. Plusieurs de mes patients m’ont fait part de leur crainte de tous les scénarii qui pourraient assombrir leurs vieux jours, avec leur cortège de maux et de maladies. L’un me disait : « Je ne veux pas perdre la tête et devenir gaga », l’autre : « Je ne veux pas perdre ma vue pour rester autonome et vivre chez moi dans mon appartement », mais la plainte des douleurs et des maladies était lancinante. Mon professeur de français en Grèce m’expliquait que vieillir prenait deux i comme les deux béquilles d’une personne âgée. Comme si mal vieillir était incontournable.
J’ai observé aussi dans mon travail des personnes de soixante-dix, quatre-vingts et même quatre-vingt-dix ans qui étaient en parfaite forme. Elles profitaient de la vie et géraient leur capital santé depuis longtemps. L’autre jour, ma fille me racontait que la grand-mère de sa copine de classe venait de se marier à plus de soixante-dix ans. Mal vieillir n’est donc pas une fatalité ni un passage obligé.
Il est parfaitement légitime de désirer une vie qui, tant qu’elle dure, dure au mieux et, pourquoi pas, plus longtemps. Je ne suis pas le seul à le penser. Peut-être partagez-vous aussi ce désir. Dans ce cas, ce livre est pour vous.
Au fond, que signifie vieillir ? Est-ce une question stupide ? Pas si sûr. Il est facile de reconnaître le vieillissement par les cheveux blancs, la peau ridée, la prise de poids autour de la taille, la perte du tonus et de la force musculaire, la mémoire défaillante, l’anorexie ou le manque de réflexes. Il est par contre plus subtil de repérer le processus du vieillissement en cours avant qu’il ne se manifeste, c’est-à-dire dès l’âge de 40 ans environ. Et c’est à ce stade que nous devons commencer à agir. Notre problème dans le monde occidental n’est pas de vieillir, de vivre longtemps, mais de savoir comment vieillir. Nous avons à relever un défi d’ordre qualitatif ; réussirons-nous à rajouter des années à notre vie et de la vie à nos années ?
Tout un pan de la médecine s’est érigé qui se nomme « la médecine anti-âge », abrégé en « MAA ». La MAA est la médecine du futur qui répond à ce besoin de vivre le plus longtemps et dans les meilleures conditions possibles. C’est une médecine qui rassemble les avancées technologiques les plus modernes en diagnostic, en chirurgie, en nutrition et en produits pharmaceutiques. Elle est obligatoirement préventive et multidisciplinaire.
Une MAA efficace doit faire appel tant à la médecine académique qu’à la médecine alternative. La nutrition, la biochimie, la génétique, l’endocrinologie, la toxicologie, la psychothérapie, la phytothérapie, les compléments nutritionnels ne sont pas de trop pour lutter contre les maladies débilitantes et invalidantes du vieillissement.
La gérontologie est la branche de la médecine qui étudie le processus du vieillissement. Encore un mot d’origine grec, gerons, qui signifie vieillard. Les gérontologues définissent le vieillissement comme étant un processus continuel, universel, progressif, intrinsèque et délétère – ou en abrégé CUPID. En vieillissant, nous devenons CUPID (et non cupides).
Ce processus fait décroître notre capacité à maintenir notre équilibre, notre harmonie vitale que les scientifiques appellent « homéostasie ». L’environnement pollué, le stress, l’alimentation déséquilibrée, de mauvaises prescriptions médicamenteuses sont des exemples de flèches dirigées contre notre homéostasie et qui accélèrent notre vieillissement, causant les maladies chroniques qui ne cessent d’augmenter dans les pays industrialisés.
Prévenir vaut mieux que guérir. Et pour bien prévenir, il faut s’informer. J’ai voulu dans ce livre rassembler ce que j’ai appris dans mon expérience professionnelle pour vous offrir des pistes de recherche, de réflexions et de pratique. On ne peut constituer un capital santé sans penser à épargner préalablement. Beaucoup de nos mots français ont des origines grecques, comme le mot docteur, en grec iatros, qui signifie « enseignant ». Le médecin devrait être un éducateur, un professeur de la santé. Combattre les maladies n’est qu’une partie de sa mission.
Par ignorance, par manque d’information et de formation adéquate, nous héritons, acquérons et transmettons à nos enfants des mauvaises habitudes responsables de nos maladies et de notre vieillissement accéléré. Je ne peux probablement pas prolonger ma vie, mais je peux éventuellement éviter de la raccourcir. Je peux parfaitement influencer ma qualité de vie. Ce livre a pour but de vous proposer quelques pistes à explorer pour vous aider à arriver à bon port.
La plupart du temps, nous ne mourons pas de vieillesse, mais de maladie. C’est la maladie qui tue, et non pas l’âge. Selon la respectable et célèbre revue Science, si nous pouvions éliminer les quatre maladies que sont le diabète, la congestion cérébrale, les maladies cardiovasculaires et le cancer, nous pourrions vivre UN siècle presque !
Les cancers et les maladies cardiovasculaires tuent huit à neuf fois sur dix. Le cancer à lui tout seul est un grand faucheur de vie, il détruit 30 % des vies humaines. Il paraîtrait que la grève des médecins serait un facteur de longévité. La grève des médecins en Israël (1973) aurait abaissé le taux de mortalité de 50 %, celle de Los Angeles (1976) de 18 %. Aiguisez votre sens du discernement avec tous les professionnels de la santé (dont je fais partie) soi-disant détenteurs de la vérité médicale. Se faire hospitaliser n’est de loin pas sans risque. Les médecins gérontologues sont bien placés pour le savoir. Ils évaluent soigneusement les risques de mortalité et de morbidité de la personne âgée malade tant à l’hôpital qu’à son domicile. Croyez-moi, la marge est souvent étroite. La prise de médicament est source de danger et d’ennuis et pas seulement de guérison et de bénéfices. Nous oublions que le temps à lui tout seul peut être guérisseur. Le vieillissement peut dans certains cas améliorer et guérir la dermatite atopique, l’asthme bronchique, la rhinite allergique, l’hyperactivité, l’épilepsie, les migraines et la dépression, par exemple.
Dans le sujet qui nous occupe dans ce livre, le bon sens est notre meilleur allié. Prenons l’exemple typique du sport, source de santé. Le sport, oui, mais à condition que ce soit un sport pratiqué avec modération et régularité, comme la marche, la musculation, le stretching ou tout bêtement les balancements, et si possible en plein air et dans la nature.
Nos parents et grands-parents installaient souvent une balançoire à l’extérieur de leur maison. Ils n’étaient pas fous. Le balancement est un excellent entraînement préventif des chutes dont les conséquences sont un véritable fléau et source de mortalité. Le but n’est pas de se fatiguer et de réaliser des exploits de compétition. Le sado-masochisme sportif est à bannir. Le sport, pour un senior, doit être une source de plaisir et de santé et non pas une cause de maladie et d’usure accélérée. Pour se motiver à se promener régulièrement au bord du lac, par exemple, rien ne vaut la balade à deux avec votre meilleur ami ou votre partenaire de vie.
Le bon sens rejoint la science en nous dessinant une pyramide anti-âge. La base de la pyramide est constituée de notre mode de vie et notre précieux capital génétique non renouvelable. Plus nous sommes riches en capital génétique, plus nous pouvons nous permettre des « dépenses » ou des écarts dans notre mode de vie saine. À l’inverse, nous pouvons préserver ce capital par exemple en dormant suffisamment dans le calme, en modérant la consommation d’alcool, de cigarettes et de médicaments, en mangeant des aliments de qualité, en buvant de l’eau pure, en pratiquant un sport adapté, en priant, méditant...
Le deuxième étage de la pyramide est constitué par les vitamines et les minéraux dont notre corps a davantage besoin avec l’âge, tout comme pendant la croissance de l’enfance.
Le troisième étage est celui du complément alimentaire, nutritionnel et de plantes utiles à notre système nerveux et hormonal ; enfin, au dernier étage, nous pouvons avoir recours si besoin aux hormones et aux médicaments.
Ce qui est à retenir, c’est qu’il ne faudrait pas construire notre pyramide anti-âge à l’envers et commencer tout de suite à avoir recours à l’artillerie lourde constituée par les médicaments chimiques et les hormones de synthèse. D’autres diraient : « Il ne faut pas mettre les bœufs avant la charrue. »
Devenir centenaire est une spécialité de famille. Les frères et sœurs de familles centenaires ont plus de chance de fêter leur centenaire que les autres : dix-sept fois plus de chance si je suis le frère d’un ou d’une centenaire et huit fois plus de chance si je suis la sœur d’un ou d’une centenaire. Les recherches du Dr Perls et de ses collègues ont mis le doigt sur le chromosome 4 qui serait responsable d’une longévité ex- ceptionnelle. Si les trois facteurs principaux de la longévité sont géné- tiques, environnementaux et socio-économiques, comment en évaluer l’importance relative ? Le débat n’est pas encore clos et les recherches se poursuivent, comme l’étude faite en Islande appelée « AGES » (Age, Gene, Environnemental Study) sur quinze mille participants.
Prenons-nous en main, préparons notre vieillesse ; la sagesse nous le dicte, ne rien faire, se laisser glisser sur la pente serait dangereux. Nous pouvons devenir des seniors au lieu de « vieillards ». Nous pouvons réduire les risques et le temps des maladies débilitantes et invalidantes. Profitons de la vie, de nos proches que nous aimons tellement, offrons-leur le plus précieux des cadeaux : bien s’occuper de notre vieillesse pour être dans la meilleure forme possible, afin de ne pas être une charge.
Dr Antoine Bechaalany
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