A la lumière de la kabbale hébraïque



J’ai rencontré Rivka Crémisi voilà déjà vingt-six ans, en mai 1989, au petit jardin René-Le Gall du XIIIe arrondissement de Paris où je donnais des cours réguliers hebdomadaires de disciplines corporelles énergétiques chinoises telles que le Qi Gong, le Tai Ji Quan et le Ba Gua Zhang. Rivka était alors en pleine quête de son identité profonde, de sa mémoire ancestrale, et surtout de son projet d’incarnation sur terre. À cette époque, elle se formait professionnellement aux massages de différentes cultures traditionnelles. La nécessité de comprendre les lois fondamentales de l’édifice physique et la complexité de l’organisme vital du corps humain, en dehors de l’enseignement classique occidental, a conduit notre rencontre.

Je suis venue en France dans les années quatre-vingt, à l’invitation de médecins français, pour participer à un projet de recherche en médecine traditionnelle chinoise. C’était l’époque où l’anesthésie par acupuncture pratiquée en Chine continentale pour des opérations chirurgicales sans produits chimiques a suscité une immense curiosité intellectuelle dans le monde médical occidental. Une équipe composée de médecins français a décidé de percer ce mystère. Le résultat des deux années de recherche qui ont suivi a donné des explications scientifiques à cette approche. Par la suite, un grand nombre de médecins occidentaux ont désiré apprendre l’acupuncture pour en faire leur spécialité.

De ce fait, ils m’ont demandé de rester en France pour leur enseigner la vraie pratique traditionnelle. Je m’y suis trouvée alors professeur d’acupuncture ! Très vite, je me suis rendu compte que la main de mes apprentis n’avait pas eu l’occasion de développer le sens polyrythmique pour le maniement d’une aiguille afin de ponctuer correctement un point d’acupuncture. Leur façon d’insérer une aiguille n’était pas du tout rythmée.

Chaque point d’acupuncture est une zone neuro-énergétique bien déterminée et répond à un biorythme spécifique. Je leur disais alors que la main d’un bon acupuncteur est semblable à celle d’un bon violoniste, qui porte en elle toute la complétude polyrythmique de la vie intra-utérine, reliée à la première palpitation rythmée du placenta. Il fallait d’abord que je leur façonne la main ! Traditionnellement, nous pratiquons les gestes innés embryonnaires, dits « mudras », pour développer la motricité articulaire de la main afin de pouvoir modifier ou restaurer les différentes brisures biorythmiques de l’organisme vital par l’application d’une aiguille. La médecine traditionnelle chinoise considère que la plupart des maladies, surtout chroniques, proviennent de cassures biorythmiques importantes. Je disais même que l’idéal était d’apprendre à jouer du violon pour développer la vélocité digitale et devenir ainsi un acupuncteur compétent.

Par ailleurs, les lignes de force énergétiques, les méridiens en question, n’étant pas encore tracées ni creusées dans les couches tissulaires de l’organisme vital de l’apprenti, la transmission de l’impulsion énergétique ne pouvait pas être déclenchée par la ponctuation vibratoire de l’aiguille. J’ai donc décidé non seulement de créer une école de disciplines corporelles, mais aussi une école de violon basée sur les lois énergétiques pour former de futurs acupuncteurs efficaces et compétents. En même temps, le ministre de la Jeunesse et des Sports a décidé de faire entrer les disciplines corporelles énergétiques chinoises dans le programme de l’Éducation nationale. Une fédération française de Qi Gong, de Tai Ji Quan et d’arts martiaux a été créée pour délivrer des certificats d’aptitude à enseigner. Je faisais alors partie de l’équipe formatrice de la fédération. Beaucoup de personnes s’inscrivaient à mon école pour être formées en tant que futurs enseignants. Je donnais des cours des disciplines diverses, tant pour la pratique que pour la théorie, à la manière traditionnelle, quatre matinées par semaine au petit jardin René-Le Gall durant onze années. Un grand nombre d’enseignants énergétiques ont été formés pendant cette période-là.

Revenons à ma première rencontre avec Rivka, il y a vingt-six ans. Ce jour-là, elle s’est présentée en tant que juive tunisienne. Elle m’a tout de suite raconté son parcours personnel, y compris sa quête d’identité profonde en cours. Je me souviens si bien de ses réactions émotionnelles et son ressenti corporel après ses premiers cours de Qi Gong. Une irradiation lumineuse émanait de son visage à chaque fois, bouleversée et apaisée à la fois comme si elle venait d’arriver au bon port, après avoir traversé un long voyage en franchissant dix mille étapes difficiles pour accéder enfin à « l’autre rive ».

Les années suivantes, Rivka faisait partie de mes élèves les plus assidus. Très rapidement, elle avait eu un appel intérieur qui lui dictait que le travail du corps ferait partie de son projet de vie. Elle ne manquait jamais un cours. Elle apprenait et pratiquait avec joie et persévérance. Simultanément, elle étudiait la Torah et la Kabbale avec des rabbins pour approfondir sa mémoire ancestrale. Chaque semaine, elle me faisait part de son émerveillement sur sa découverte de la conscience du corps, et aussi sur la connaissance sacrée révélée par l’étude des textes bibliques.

Les années passant, un lien profond à la fois humain et spirituel se tissa dans le cœur et dans l’âme de chacune de nous, à travers l’étude et la pratique de ces deux grands trésors de l’humanité : la tradition kabbalistique hébraïque et la tradition énergétique chinoise.

Je disais à Rivka, ainsi qu’à mes autres élèves de tradition juive, que rien ne nous arrive par hasard. Quand j’étais jeune acupunctrice, je me trouvais à exercer mon métier à Hong Kong, là où j’ai été formée en médecine traditionnelle chinoise. Les circonstances de la vie m’ont conduite à devenir l’acupunctrice de la communauté juive, et je me suis trouvée à soigner le rabbin de la synagogue de Hong Kong, ancien déporté d’Auschwitz, chaque vendredi avant l’arrivée du Shabbat. C’est vraiment par mon métier d’acupunctrice que j’ai découvert cette sublime sagesse et cette extraordinaire lumière spirituelle contenues dans la Torah et véhiculées par la tradition hébraïque. Je me suis alors mise à l’étudier grâce au rabbin de la synagogue, avec une grande joie et une immense ouverture du cœur. À chaque leçon, j’ai ajouté une nouvelle dimension spirituelle hébraïque à ma propre mémoire traditionnelle. Une plus grande clarté transparente a illuminé mon âme, toujours en quête de la lumière de l’Infini.

Plus tard, le rabbin de la synagogue ainsi que la communauté juive de Hong Kong m’ont envoyée en Israël pour former les médecins en acupuncture, afin que les anciens déportés qui revenaient en nombre à ce moment-là sur la terre de leurs ancêtres, après avoir tant souffert de la Shoah, puissent bénéficier des soins d’une médecine restauratrice douce, efficace et peu coûteuse. J’ai eu alors l’honneur d’introduire la beauté et la sagesse de la pratique médicale de mes ancêtres sur une autre terre sainte, bâtie et sanctifiée par tant de grands êtres de lumière.

Kar Fung WU  - Professeur de médecine traditionnelle chinoise et des disciplines corporelles énergétiques
À Paris, le 31 mai 2015, jour de la fête des Mères

                                                           

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