Une vision énergétique du corps à la lumière de la kabbale hébraïque

La kabbale n’a pas toujours eu bonne presse (en français, le mot a donné « une cabale », terme peu élogieux). La mystique reste toujours douteuse, elle qui peut faire basculer dans la folie meurtrière, si elle n’est pas encadrée par le garde-fou d’une raison morale. Le Talmud déjà nous met en garde à travers ce récit :

« Quatre personnages pénétrèrent dans le verger des secrets : Ben Azaï, Ben Zoma, L’Autre et Rabbi Aquiba. Ben Azaï contempla et mourut ; Ben Zoma contempla et en devint fou, L’Autre apostasia (d’où son surnom de L’Autre), seul Rabbi Aquiba entra en paix et sortit en paix. »
(TB Haguiga 14b)

Des commentateurs explicitent la victoire de Rabbi Aquiba : il sortit en paix, parce qu’il entra en paix. Paix avec lui-même, pacification de son être qui pouvait alors s’adonner à des regards portés par-delà le visible immédiat. Rabbi Aquiba est entré en paix et sortit en paix, sans doute aussi parce qu’il eut la chance, la grâce ou le mérite d’avoir rencontré les maîtres qui jalonnèrent son parcours spirituel pour le conduire toujours vers la vie, la sienne et celle de l’autre.

En hébreu, kabbalah (kabbale) ne signifie rien d’autre que « réception », réception d’un savoir antérieur, confié par un maître qui initie le disciple autant à un savoir qu’à un savoir-être.

La kabbale est une science de l’être, la science de la réception de l’être, au nom de l’Être absolu, dont le nom, le chem, le YHWH, se décline en J’étais-Je suis-Je serai.

La tradition kabbaliste remonte aux temps les plus antiques de la tradition d’Israël, on y découvre la figure, devenue légendaire, de Rabbi Simon fils de Yohaï (début du iie siècle apr. J.-C.), ou plus succinctement Bar Yohaï, à qui, pieusement, on a attribué l’écriture du Zohar (« Livre de la Splendeur »), même si sa forme définitive est due à l’espagnol Moïse de Léon (1250-1305). Bar Yohaï devient ainsi le vecteur de la tradition secrète d’Israël qui remonte à Moïse lui-même.

Quel est le sens de ce secret ? De ce sod ?
Le kabbaliste nous enseigne que le texte biblique, et tout particulièrement la Torah (le Pentateuque) se lit à plusieurs niveaux : le sens littéral, le sens allusif, le sens éthique, et enfin le sens secret. Pour nous, ce sens secret traduit l’intériorisation de l’histoire biblique. Par exemple, la sortie d’Égypte ne désigne plus la sortie de l’esclavage du peuple d’Israël, mais la libération du sujet de ses propres formes d’asservissements (colère, orgueil, passion, etc.).

Rabbi Aquiba avait réussi cette libération, il avait unifié les différents niveaux de son être intellectuel, émotionnel, physique, au point qu’au jour de sa mort, dans un martyr insupportable, il récitait vaillamment le Chémâ Israël, proclamant l’unité divine au cœur de ce monde où l’espérance du bien rencontre les horreurs barbares.

La kabbale peut alors offrir des voies de guérison, d’apaisement, d’illuminations bienfaisantes. C’est  là que le travail de Rivka Crémisi intervient.

La découverte de la kabbale s’inscrit dans la découverte de son passé séfarade, dans cette Tunisie de la nostalgie juive qui sent bon le jasmin et l’amitié judéomusulmane. Jusque là pourtant, son esprit s’était enraciné dans un autre Orient, extrême celui-là, puisque ses racines poussaient en Chine. Qi Cong, Tai Ji Quan. Dans la fulgurance d’une rencontre avec elle-même, Rivka Crémisi comprend que l’espace est un leurre : Chine, Tunisie, France, Israël, tous les pays du monde sont reliés par la même cause qui donne vie aux espaces, aux choses et aux êtres. « Et le septième jour furent achevés les cieux, la terre et tout ce qu’ils contiennent. » (Genèse 2, 1) Ce TOUT qui procède du UN TOUT se dit KHOL [kaf – lamed] qui en lecture inversée donne LEKH [lamed – kaf] qui veut dire « VA » comme l’appel divin à Abraham. On ne peut saisir ce tout divin qui est infini que par le mouvement, la fragilité de la marche qui cherche son point d’équilibre.

« Et le septième jour furent achevés les cieux, la terre et tout ce qu’ils contiennent. » La tradition juive entend cet « achèvement » du point de vue de Dieu, mais non comme un achèvement du point de vue de l’homme. En d’autres termes, Dieu achève, pour que l’homme commence.

Concrètement, Rivka Crémisi saisit que le corps de chair et le corps des lettres hébraïques – l’un des matériaux les plus prisés du kabbaliste – se travaillent de la même manière. Elle témoigne de cette rencontre en écrivant : « Le kabbaliste et l’énergéticien creusent des sillons vers le souffle primordial, siège de la lumière divine. »

Dans ce livre dense et profond, Rivka Crémisi nous propose d’abord une lecture de la Genèse. Une lecture des soixante-dix visages de la Torah, voire des six cents mille interprétations comme l’enseigne la tradition juive. La Torah ne se lit pas selon un sens unique, le texte est un, mais les visages qui s’y penchent découvriront chacun un aspect particulier. Il fallait être kabbaliste et énergéticienne pour y découvrir ce que découvre notre auteur.

Pourtant, cette lecture n’est qu’un début. De la lecture des lettres bibliques, Rivka passe à la lecture de notre corps. Ce qui pourrait paraître comme deux domaines différents se révèle dans l’harmonie d’Adonaï. Le sous- titre du livre se comprend davantage en fin de parcours qu’en début de lecture « splendeur des lettres, splendeur de l’être ».

Ce livre se lit, se relit, se médite, se parcourt en nous parcourant. Il demande une certaine familiarisation avec des concepts, des évidences mystiques. Ce livre est précieux, surtout dans notre temps contemporain qui voit ressurgir un retour aux religieux guerriers et sanguinaires, où les réseaux sociaux, simples outils de communication plus sophistiqués que nos anciens téléphones, permettent de répandre les haines les plus folles, les maladies de l’âme les plus démentes.

Si ce livre permettait d’apaiser un tant soit peu ces écumes de rage, dayénou « cela nous suffirait », car ce qu’il y a à haïr dans la violence verbale ou physique, c’est la violence elle-même, et non ceux qui la transportent, malheureuses victimes d’une occultation de la lumière de la paix.

Rivka Crémisi plante des graines de sagesse. Comme dans la parabole évangélique, on ne sait où les graines tombent, mais il y a des lieux où elles donnent une belle récolte. Nous espérons que l’ouvrage de Rivka Crémisi contribuera à offrir une belle récolte de sagesse et de paix pour le lecteur qui répandra à son tour ces étincelles de sainteté.

Philippe Haddad Rabbin

                                                                                         

 

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Splendeur des lettres, splendeur de l être