Histoire des religions : la naissance et les origines de Jésus

L’année de la naissance de Jésus n’est pas connue précisément. Les dates retenues oscillent désormais entre l’an 7 et l’an 5 avant notre ère, l’imprécision étant due aux travaux du moine Denys le Petit qui fixa le début de l’ère chrétienne, qui s’est imposé progressivement à partir du xie siècle à partir de données erronées. Traditionnellement fêtée le 25 décembre, la date de la naissance de Jésus est conventionnelle...



L’année de la naissance de Jésus n’est pas connue précisément. Les dates retenues oscillent désormais entre l’an 7 et l’an 5 avant notre ère, l’imprécision étant due aux travaux du moine Denys le Petit qui fixa le début de l’ère chrétienne, qui s’est imposé progressivement à partir du xie siècle à partir de données erronées. Traditionnellement fêtée le 25 décembre, la date de la naissance de Jésus est conventionnelle. Elle aurait été fixée au ive siècle pour coïncider avec la fête romaine du sol invictus, célébrée à cette date, à l’instar celle de la naissance du dieu Mithra, né selon la légende, également un 25 décembre. En outre, ce choix permettait une assimilation de la venue du Christ, à la remontée du soleil après le solstice d’hiver. Avant cela, la Nativité était fêtée le 6 janvier, ce qui est toujours le cas pour l’Église arménienne apostolique, tandis que l’Église catholique romaine y fête, désormais, l’Épiphanie qui célèbre la venue des rois mages à Bethléem.

S’il est communément admis que Jésus est un Juif galiléen, son lieu de sa naissance n’est pas connu avec certitude. Les historiens hésitent entre le berceau familial de Nazareth, où il passa toute sa jeunesse, et la ville de Bethléem en Judée. Cette ville, rappelons-le, est celle du roi David, de la lignée duquel le Messie attendu par les Juifs devait descendre, selon la prophétie de Michée. Si la tradition, construite avec le temps, lui attribue une conception extraordinaire, car ne passant pas par une relation physique, pour les Juifs, Jésus était le fruit de l’union illégitime de sa mère, Marie, avec un soldat romain du nom de Julius Panthera. Ainsi, dans le Talmud, on trouve une vingtaine de passages ou il est appelé Yeshu’a ben Panthera, Jésus fils de Panthera. Ce que contestera Origène (185-254), père de l’exé- gèse biblique dans son Contre Celse. Pour lui, puis au ive siècle pour Épiphane, évêque et théologien chrétien, Marie aurait conçu son fils en restant vierge et le serait ensuite resté. Cette virginité perpétuelle est contestée par les protestants qui croient qu’elle eut d’autres enfants après Jésus. En fait, rien ne permet d’étayer cette conception merveilleuse, d’autant plus, comme nous l’avons vu en introduction1, qu’il n’est fait que très peu mention de Marie dans les évangiles.

C’est vers la trentaine, qu’entouré de quelques disciples, il entreprit une brève carrière de prédication itinérante d’une durée, communément estimée à trois ans. Celle-ci se déroula essentiellement en Galilée, avec quelques séjours en Judée pour se rendre à Jérusalem à l’occasion de fêtes juives. Pratiquant aussi des guérisons, il suscita un vif engouement et une profonde ferveur, tout en s’attirant la méfiance des autorités politiques et religieuses. C’est ce dernier point qui semble avoir justifié son arrestation, puis sa condamnation et sa crucifixion vers l’an 30 à Jérusalem pendant la fête juive de la Pâque, sous l’administration du préfet Ponce Pilate. La chronologie de cette période de vie publique est extrêmement confuse, les évangiles présentant en effet des épisodes parallèles dans des ordres parfois différents, ce qui interdit de les interpréter dans une logique purement temporelle. On a aussi du mal à s’accorder sur le fait qu’il se définissait, ou non, comme Messie, d’autant qu’il n’a laissé aucune instruction ni écrit.

L’environnement politico-culturel de l’époque
Il est important de comprendre que la Palestine du ier siècle connaît une grande effervescence politico-religieuse. S’y croisent alors plusieurs courants qui témoignent d’un extraordinaire foisonnement religieux, réformateur et purificateur, qui atteste d’une société en proie à de profonds bouleversements. Cette région connaît en effet à l’époque de nombreuses révoltes reli- gieuses à connotation prophétique voire messianique, que les autorités romaines perçoivent plutôt comme des phénomènes politiques. Néanmoins, il semble qu’indépendamment de la présence effective de ses troupes et de sa répression des troubles à l’ordre public, le pouvoir romain soit resté relativement discret. Sauf évidemment en ce qui concerne la collecte des impôts !

Le judaïsme n’était pas alors tant une religion que des pratiques et des symboles unissant un peuple. Mais ses expressions étaient diverses et témoignaient aussi de tentatives d’actualiser les lois mosaïques et de vivre la Torah. Quatre courants s’en partageaient alors l’influence. Les sadducéens, liés au pouvoir sacerdotal, enclins aux compromis avec les occupants pour maintenir leur pouvoir. Les pharisiens, nationalistes et rigoristes, que l’on trouvait plutôt dans la bourgeoisie et les commerçants. Les zélotes étaient proches de ces derniers mais souhaitaient susciter la rébellion contre les Romains. Enfin, les esséniens, dont les membres vivaient à l’écart en communauté, dans l’ascèse et la pureté. À noter que les habitants de la Galilée dont faisait partie Jésus, quoique Juifs, étaient considérés comme des étrangers en Judée, et donc à Jérusalem. Entre ces deux régions, les habitants de la Samarie étaient considérés comme non-Juifs et constituaient de ce fait un groupe distinct.

L’enseignement de Jésus et sa postérité
Sur le plan de la morale, l’enseignement de Jésus promeut des notions d’amour qui sont synthétisées dans le Sermon sur la montagne qu’on lui prête, et en particulier les Béatitudes et la prière du Notre Père qu’il donna à cette occasion. Plus qu’une interprétation littérale de la loi mosaïque, il semble vouloir en donner une interprétation plus spirituelle. Rappelons aussi que Jésus figure en bonne place dans le Coran. Les musulmans le considèrent d’ailleurs comme un prophète important qui, comme sa mère « Myriam », mérite de leur part un profond respect. L’insistance marquée sur la filiation à Marie est un clair rejet de la filiation divine de Jésus pour les musulmans dont la tradition souligne cependant le caractère miraculeux de la naissance sans père connu. Il convient aussi de souligner que, contrairement aux autres guides spirituels, que nous évoquons dans cet ouvrage, les disciples, puis les adeptes du Christ, feront rapidement et clairement état de son origine divine et ainsi que de son intimité avec son Père divin.

Les propos attribués à Jésus et à sa prédication ainsi que ses faits et gestes sont bien connus dans notre culture occidentale où son influence est majeure. C’est pourquoi nous ne les détaillerons pas dans ce chapitre. Le lecteur qui souhaitera les approfondir pourra le faire avec la très abondante littérature disponible ou en puisant dans la bibliographie proposée à la fin de cet ouvrage. Cela pourra lui permettre de mieux appréhender les spécificités des principales Églises chrétiennes ainsi que la manière dont se sont construites leurs divergences. De notre côté, nous nous attarderons sur quelques faits qui nous semblent attester que le message christique, tel qu’il fut proclamé à son origine ait, lui aussi, rapidement été altéré, transformé, et parfois même déformé. Que ce soit par l’excès d’enthousiasme de nouveaux convertis prosélytes. Par le prisme déformant d’adeptes élevés dans des cultures différentes, qui ont pu nous livrer une traduction approximative de témoignages ou de propos de seconde main. Ceci, d’autant plus facilement qu’ils n’en perçurent pas toujours tant la subtilité que le sens spirituel. Mais aussi, parce que des élites sacerdotales s’égarèrent trop souvent en privilégiant l’adhésion, de leurs adeptes, à des dogmes ou à des rites formels, ainsi qu’une transmission trop littérale de préceptes. Préceptes, dont le caractère élevé s’estompa d’autant plus rapidement qu’il fut parfois sacrifié à des considérations matérielles ou à des ambitions temporelles.

Ce qui est communément admis par les diverses traditions
Les diverses traditions chrétiennes tirent leur légitimité de leur filiation revendiquée avec les premiers disciples du Christ, qui est censée cautionner leur interprétation des quatre évangiles. Or ces textes, qui constituent le canon des Églises chrétiennes, ne nous donnent quasiment aucune information entre la naissance de Jésus et le début de sa vie publique, que l’on considère être son baptême par Jean le Baptiste. On retient de ces textes qu’il s’entoure d’apôtres, dont la tradition veut qu’ils aient été douze, mais dont les noms varient tandis que l’on comprend qu’un cercle plus large de disciples l’entourait également. C’est un message d’amour universaliste qui constitue le cœur de sa prédication. Il reprend aussi l’annonce du Royaume de Dieu, en des termes qui, s’ils reprennent l’attente des Juifs qui espèrent la venue d’un Messie, précisent cependant qu’elle n’est pas à attendre dans ce monde terrestre. Son enseignement et son action témoignent non seulement d’une très bonne connaissance des textes religieux et de la loi juive, mais aussi d’un profond respect de la loi mosaïque. Jésus utilisera dans son enseignement deux méthodes typiques des docteurs de la loi qui lui étaient contemporains : le commentaire des textes canoniques et l’usage des paraboles, sur lesquelles il bâtit d’ailleurs sa pédagogie. Son action et sa prédication suscitent des réactions fortes mais contrastées. On trouve à la fois des témoignages sur de grandes foules qui le suivent et le cherchent, ce qui démontre un indéniable succès populaire, et d’autres sur une vie quasi clandestine au milieu de populations hostiles.

 

Christophe Queruau Lamerie     
                                                                              

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