Un collectif de personnalités lance un appel pour le classement des terres agricoles de Gonesse et de Saclay au patrimoine mondial de l’UNESCO


Des personnalités du monde de la recherche et de la culture lancent dans le journal Le Monde un appel au gouvernement pour le classement des terres du Triangle de Gonesse et du plateau de Saclay sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.
Menacées de destruction imminente par deux projets de métro – la ligne 17 Nord et la ligne 18 Ouest du Grand Paris Express - les terres de Gonesse et de Saclay forment selon les auteurs de l'appel un patrimoine naturel et culturel d’une valeur exceptionnelle, qui exige une protection forte.

Après un été 2022 marqué par « des pics de température à 45 degrés, une sécheresse sans précédent, des incendies et tempêtes qui ravagent des régions entières », les signataires, parmi lesquels le professeur de micro-biologie des sols au Museum national d’histoire naturelle Marc-André Selosse, l’écologue et auteur principal du 6e rapport d’évaluation du GIEC Wolfgang Cramer, et le mathématicien et ancien député de l’Essonne Cédric Villani, dénoncent dans les colonnes du Monde le choix des aménageurs de la métropole parisienne, qui consiste « à défendre encore et toujours une ‘croissance’ aussi hypothétique que ravageuse ».

« Sur le plateau de Saclay, la Société du Grand Paris persiste à vouloir construire la ligne 18 Ouest du Grand Paris Express, qui détruirait des milliers d’hectares de terres arables dans une zone actuellement sans habitant, et alors que d’autres solutions de transports publics, moins destructeurs et plus adaptés aux besoins des habitants et travailleurs du plateau, sont possibles », lit-on dans l’appel.

Au nord de Paris, où le chef de l’Etat Emmanuel Macron et la ministre de la Transition écologique, l’actuelle Première ministre Elisabeth Borne, avaient décidé en novembre 2019 l’abandon du projet de méga-centre commercial EuropaCity, le lancement du chantier de la ligne 17 Nord a été annoncé pour l’automne. Pour justifier cette desserte, le gouvernement a décidé la construction sur le Triangle de Gonesse d’une cité scolaire et d’un internat, prévus « dans une zone où l’habitat est interdit en raison du bruit des avions ». Un choix décrit comme « particulièrement absurde ».

« Il est encore possible d’éviter ce gâchis », affirment les signataires, parmi lesquels le professeur d’agronomie Marc Dufumier et Isabelle Goldringer, directrice de recherches à l’INRAE. Ces spécialistes des systèmes agricoles soulignent le caractère remarquable des terres de Gonesse et de Saclay, dont les rendements ont permis le développement de Paris et de sa région depuis le Moyen-Âge. « Ces sols, d’une valeur géologique et hydrologique exceptionnelles, (…), sont constitués de limons éoliens profonds - entre 3 et 4 mètres d'épaisseur à Saclay, jusqu’à 6 mètres sur le Triangle de Gonesse » , précise l’appel.

Outre leurs fonctions nourricières, les espaces agricoles de Gonesse et de Saclay rendent de nombreux services écosystémiques : une épaisse couche d’argile permet l’absorption de l’eau, réduit le ruissellement et atténue les risques d’inondation. «Pendant les épisodes de grande chaleur, les terres jouent un rôle important dans la régulation du micro-climat de la région parisienne, touchée de plus n plus fréquemment par le phénomène des îlôts de chaleur urbains en raison de la très forte artificialisation de ses sols ».

Signé par la philosophe Isabelle Stengers, la journaliste Marie-Monique Robin et les écrivains Marie Desplechin et Camille de Toledo, l’appel décrit également la valeur patrimoniale de ces territoires péri-urbains: « Les paysages et le patrimoine bâti – corps de fermes, églises, lavoirs, pigeonniers, moulins, aqueducs - du plateau de Saclay et de la plaine de France constituent un témoignage exceptionnel du mode de vie agricole autour de Paris, dont l’approvisionnement alimentaire, contrairement à Londres, dépendait presque exclusivement des terres situées à proximité des zones habitées ».

Selon l’appel, le classement des terres agricoles de Gonesse et de Saclay permettrait aux collectivités d’Île-de-France «de s’engager enfin dans la constitution d’une Ceinture verte alimentaire autour de Paris », « à l’heure où le prix des matières premières, notamment agricoles, explose ». Ainsi, poursuit l’appel, « les pouvoirs publics démontreraient que la véritable innovation au XXIè siècle ne consiste plus à urbaniser sans fin les territoires péri-urbains, mais à les cultiver pour et avec leurs habitants ».

Une série d’arguments joints en annexe de l’appel constitue la première étape dans la constitution du dossier de candidature des terres de Gonesse et de Saclay au classement du patrimoine mondial de l’UNESCO.

La France, première destination touristique au monde, compte 49 biens classés au patrimoine mondial de l’humanité. Défendu par les pouvoirs publics à partir d’une liste indicative, chaque dossier est ensuite soumis au Comité du patrimoine mondial, chargé d’instruire les candidatures.

En 2010, l’UNESCO a notamment classé « le repas gastronomique des Français » comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Le classement des terres de Gonesse et de Saclay, en attribuant une protection à des sols d’une valeur exceptionnelle, constituerait une première dans l’histoire de cette organisation internationale.

Le texte de l’appel sera lu à 20 heures lors de la soirée « URGENCE Gonesse-Saclay » organisée le vendredi 16 septembre dans la salle Olympe de Gouges à Paris, dans le 11e arrondissement (15, rue Merlin).