Réseaux / Des relations structurelles dans l’espace


On pourrait parler de « position » dans le réseau sachant qu’une position se définit non seulement de façon géographique et spatiale, mais plus généralement par des ensembles de relations statiques entre soi et les autres entités par exemple d’être reconnu comme faisant autorité dans tel ou tel domaine, sur tel ou tel territoire, etc.

La position d’une entité doit évidemment être en parfaite concordance et harmonie avec son idiosyncrasie, c’est-à- dire avec les caractéristiques et propriétés singulières qui la définissent et la distinguent des autres : chacune doit se poser (ou être posée) là où elle peut devenir pleinement ce qu’elle est déjà potentiellement.

Il faut méditer ceci : la position d’une entité au sein du réseau lui donne du sens. elle ne lui donne pas tout son sens, mais le sens qu’elle lui donne est indispensable. La position dans le réseau définit la fonction potentielle de l’entité ; elle exprime le « pour-quoi » elle est là, ce que les autres entités du réseau attendent d’elle et la raison profonde pour laquelle elles comptent sur elle. Bref, elle exprime la raison d’être de l’entité dans la raison, ce « pour-quoi » elle s’y trouve et « pour-quoi » on lui fait confiance.

Pour reprendre la métaphore de l’équipe sportive (au football, par exemple), untel est « ailier » ; c’est sa position dans l’équipe, c’est-à-dire sa relation structurelle avec les autres au sein de ce réseau d’habiletés et de capacités qu’est l’équipe. Cette position a été définie, d’abord, parce qu’elle est nécessaire au développement d’une tactique de match au sein d’une stratégie de victoire. ensuite, elle a été confiée (le mot est là, d’importance, appelant la confiance) à untel parce qu’untel a les talents, compétences, habiletés et capacités (donc l’idiosyncrasie) adéquats pour remplir cette fonction au sein de l’équipe.

La position d’une entité au sein d’un réseau peut être définie de bien des manières.
une position peut être géographique : par exemple, l’entité de Lucenay-l’evêque a pour mission de couvrir les activités du réseau sur le territoire du Morvan ; c’est sa spécificité, sa mission, sa fonction et cette entité-là a été construite avec des femmes et des hommes qui ont, en eux, les capacités particulières nécessaires pour traiter avec les habitants de ce lieu à fort caractère.

une position peut aussi être technique et relever de compétences ou savoir-faire spécialisés : par exemple, dans le réseau des entités d’une belle firme de services numériques, telle entité regroupera les spécialistes de la maintenance logicielle, et telle autre, ceux des dépannages critiques et des interventions d’urgence.

une position peut encore être historique : par exemple, le club des séniors a pour mission, au sein des habitants de telle région, de regrouper les mémoires et de transmettre les parlers ou les coutumes du coin.

On pourrait ainsi, non seulement, multiplier les critères de positionnement à l’infini, mais aussi les combiner entre eux pour construire un maillage extrêmement fin par recoupements et regroupements mutuels.

C’est ainsi que l’on peut dessiner la structure positionnelle future au départ d’une grosse entité monolithique et hiérarchique que l’on voudrait transformer en un réseau de petites entités autonomes. Lorsque l’on est confronté à un tel projet – ce qui sera de plus en plus souvent le cas dans toutes les organisations, qu’elles soient politiques, sociétales, économiques, noétiques ou pratiques –, la première étape consiste à dessiner la carte des positions structurelles des futures entités. admettons qu’il s’agisse de transformer un bloc hiérarchique de cinq cents personnes en un réseau de dix entités autonomes et fédérées de cinquante personnes chacune. Comment procéder ?


Il faudra, d’abord, définir avec soin la nature profonde du projet collectif qui devra animer toutes ces entités et leurs membres. Ce n’est pas, je le sais bien, l’étape la plus simple, mais sans elle, rien de durable ou de solide ne se fera. Nous avions déjà insisté, plus haut, sur le rôle capital de « colle » du projet collectif. Ce projet doit d’abord être vrai car trop souvent, on affiche un projet attractif qui n’est qu’un leurre, un attrape-nigaud, un emballage rutilant masquant des buts réels d’une autre nature. une telle approche est vouée à l’échec, dans tous les cas, à plus ou moins brève échéance, selon l’habileté au mensonge, à la rouerie et à la manipulation de ses mandataires.

Pour qu’un réseau tienne, il faut un vrai projet qui tienne et qui permette à chacun de ses membres de s’y identifier et de s’y engager parce qu’il y trouvera la fierté dont il a besoin pour galvaniser ses propres énergies. sans fierté de ce que l’on fait, ce que l’on fait n’est que corvée et l’on n’y fait que le minimum alimentaire... et pour que fierté il puisse y avoir, il faut injecter, dans le projet collectif du réseau, une bonne dose de noblesse. Ce mot qui paraîtra peut-être désuet, est ici capital. sans noblesse, point de fierté ; sans fierté, point d’adhésion, point d’implication.

La cohésion d’un réseau vient de la fierté d’appar- tenance qu’en ressentent ses membres, et donc de la noblesse de son projet collectif.

Il n’y a pas de mystère. Il n’y a pas de miracle. Mais quelle que soit la noblesse intrinsèque de ce projet collectif, ce critère de noblesse est absolument nécessaire, mais jamais suffisant. encore faut-il que le réseau offre, à chacune de ses entités, la possibilité de s’y accomplir elle-même, avec les autres et non contre elles. Pour reprendre l’analogie avec le fonctionnement du corps et de ses organes, rappelons que la bonne santé du corps requiert et induit la bonne santé de chacun de ses organes : les tactiques du type « sacrifice » ou « abnégation » sont condamnées à l’échec. une entité  réseau qu’à la condition sine qua non que cette coopération lui permette d’accomplir sa propre nature et de satisfaire ses propres attentes.

Résumons. Le premier stade crucial de la constitution d’un réseau est la définition d’un projet collectif qui soit, à la fois, suffisamment noble pour engendrer de la fierté et suffisamment riche pour permettre la réalisation spécifique de chacune de ses entités. L’idée de la richesse d’un projet collectif est cruciale ; elle implique que le projet soit assez profond et ouvert pour permettre l’accomplissement conjoint du tout et de chacune de ses parties.

Ceci posé, il reste à dessiner la carte des positions structurelles des diverses entités: dans notre exemple, nous devrions spécifier l’idiosyncrasie d’une dizaine d’entités futures composées, chacune, d’une cinquantaine de personnes. Comment procéder ? Tout simplement en analysant avec soin tous les mots impliqués dans la définition du projet collectif. Imaginons que notre projet soit : « actualiser et transmettre les traditions culturelles du Morvan ».

On voit tout de suite un tableau fonctionnel à triple entrée : de première part, actualiser (donc chercher, trouver, formaliser, mémoriser) et transmettre (donc traduire, enseigner, éditer, diffuser), de deuxième part, les traditions culturelles (langages, expressions idiomatiques, accents, fêtes, valeurs, croyances, pratiques, cuisines, métiers, etc., la liste est infinie) et de troisième part du Morvan (que l’histoire a scindé en plusieurs cantons aux spécificités marquées). Voici donc venir un exemple – parmi d’autres grilles d’analyse possibles – d’une matrice qui permettra de définir des entités à l’intérieur d’un projet collectif bien défini.

Retenons ceci : le dessin des positions structurelles au sein d’un réseau doit refléter très fidèlement la teneur de son projet.

Vient enfin l’étape délicate de la meilleure répartition des ressources dont on dispose – des gens, essentiellement, mais aussi des budgets, des matériaux et matériels, etc. – sur cette matrice positionnelle donc, de l’optimisation du rapport entrene coopère au sein d’un les idiosyncrasies singulières et les fonctions à pourvoir au sein des entités du réseau. Pour réussir cette étape, il faut, avant toute autre chose, bien connaître, en profondeur, la nature précise des ressources dont on dispose.

en ces matières, comme en toute matière complexe, tout est affaire de cas particuliers. Il n’y a pas de mystère. Il n’y a pas de miracle. encore une fois.

 

      Marc Halévy             
                                                                              

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