Qui veut la peau de la démocratie sanitaire ?

Blogosphère et presse écrite se relaient pour délivrer des analyses à l’emporte-pièce sur la démocratie sanitaire. Pas assez ci, pas assez ça. Sans doute, mais ce n’est pas une raison pour tout confondre et disqualifier une évolution accomplie dans tous les pays modernes. C’est sans doute ce progrès qui dérange, notamment tous ceux qui trouvent décidément inadmissible que les usagers s’organisent, spécialement au sein du Collectif interassociatif sur la santé !

Mise au point 

Qu’est ce que la démocratie sanitaire ? Sûrement pas un concurrent direct de la démocratie représentative, via l’élection des députés et sénateurs. Sûrement pas non plus un concurrent direct de la démocratie sociale, via les syndicats d’employeurs et de salariés siégeant à la Sécurité sociale.

Tout simplement un processus visant à renforcer l’implication des citoyens dans les décisions de santé. Tant pour chacun d’entre eux, en leur conférant des droits comme le consentement ou l’accès au dossier médical, que collectivement, en organisant leur représentation au sein d’instances de santé où les usagers se trouvent à parité avec d’autres parties prenantes : professionnels de santé, établissements de soin, scientifiques et experts…

Deux lois françaises se sont attachées à traduire cet esprit en droit, la loi Kouchner de 2002 et la loi Touraine récemment votée.

Une singularité française ? 

Non. En France, on appelle ça la démocratie sanitaire. Peu importe l’appellation, c’est une évolution internationale. Qu’on l’appelle l’implication, « patient-engagement » ou « empowerment ». De Boston à Prétoria, d’Ottawa à Paris, et de Malmö à San Paulo, le monde de la santé pense que c’est une très bonne nouvelle que de rendre les citoyens plus autonomes dans leurs décisions en santé et mieux à même d’exprimer leurs préférences collectives. C’est aussi vrai à Bombay et à New Delhi, et l’indien Amartya Sen a reçu le prix Nobel pour sa théorie des capabilités, autre appellation de l’empowerment.

Si ça gêne certains, qu’ils osent alors proclamer qu’ils veulent une exception française marquée par un repli obscurantiste en retrait de cette évolution constatée et plébiscitée partout ailleurs.

La Conférence nationale de santé (CNS) 

C’est une commission administrative placée auprès du ministre chargé de la santé. Comme bien d’autres commissions. Avec le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, elle se distingue par le fait qu’y sont représentées toutes les parties prenantes du système de santé. Elle est là pour donner des avis aux pouvoirs publics, de son propre chef ou sur demande du ministre chargé de la santé.

Son indépendance est mise en cause après qu’un ex-collaborateur de la CNS a critiqué son fonctionnement. Si les allégations rapportées sont fausses, à l’instance de le dire, et vite maintenant ! Si c’est vrai, à elle d’en tirer toutes les conséquences.

Pour sa part le CISS, qui ne dispose d’aucun élu dans la commission permanente de la CNS, a proposé à plusieurs reprises des amendements législatifs afin de renforcer l’indépendance de la Conférence nationale de santé et des Conférences régionales de la santé et de l’autonomie.

L’Institut pour la démocratie en santé (IPDS)

Certains s’étonnent qu’il ait reçu des financements pour conduire ses trois missions : former les cadres du système de santé, construire un pôle de références documentaires, soutenir la recherche. Tout cela dans son domaine éponyme. Certains estiment qu’il fait concurrence à la CNS.

D’abord, ces trois missions ne sont pas celles de la CNS. Il n’y a donc pas de doublon. Ensuite, sa logique n’est pas une logique d’avis comme à la CNS mais d’accompagnement du changement avec tous ceux qui ont envie de faire progresser la démocratie en santé dans les équipes soignantes, dans les établissements, dans la recherche, et au cœur des actions et services de santé dont bénéficient nos concitoyens. Enfin, pour cela il a reçu une dotation de l’Etat : il ne manquerait plus que ce fut l’inverse ! Et cet argent n’a pas été pris sur le fonctionnement de la CNS mais sur celui des associations figurant à l’article L. 1114-5 du code de la santé publique.

L’Union des associations agréées

Elle a été créée par la loi, comme notamment l’Union nationale des professions de santé. A parité avec l’Union nationale des caisses d’assurance maladie et l’Union nationale des organismes complémentaires d’assurance maladie. Pas de quoi fouetter un démocrate, tout de même !

Un groupe de travail se met en place en vue de résoudre sa composition, ses modalités de fonctionnement et son financement. Rien de moins normal. Il est composé d’associations membres du CISS. Pas surprenant, plus de 80 % des mandats de représentation des usagers sont exercés bénévolement par des membres d’associations adhérentes au CISS et à son réseau. C’est un fait, un simple fait. Cela ne constituait pas une raison pour réserver aux associations non adhérentes au CISS un traitement différent en leur offrant seulement une procédure d’expression écrite de leurs attentes. Nous l’avons dit, et même écrit, dès que l’annonce de la composition du groupe de travail a été connue.

Le Collectif interassociatif sur la santé 

Il est attaqué pour avoir mis dans l’agenda public trois préoccupations centrales pour les Français : progression des déserts médicaux, augmentation des dépassements d’honoraires et croissance des restes à charge. On peut juste déplorer que le haut niveau d’engagement du CISS dans ces domaines n’ait pas permis de résoudre ces trois sujets comme nous l’entendions.

Pour autant, nous n’allons pas nous taire. Parce que l’expression des attentes de nos concitoyens est une mission légale. Pour ceux qui l’ignorent, c’est la loi Kouchner qui précise que « Seules les associations agréées représentent les usagers du système de santé dans les instances hospitalières et de santé publique ». Pardonnez-nous, on n’avait pas compris que nous étions admis dans ces enceintes pour nous taire ! Vous n’aimez pas ce que nous disons ? Ce n’est pas grave. Nous non plus nous n’aimons pas ceux qui méprisent les malades surtout quand ils militent pour la qualité des soins et l’égalité d’accès à ces mêmes soins.

Si certains pensent qu’il faut continuer à creuser les inégalités d’accès aux soins, à ne pas écouter les malades et à prescrire des actes inutiles, c’est leur choix. Ce ne sera jamais le nôtre.

Oui, nous sommes financés pour cela par la puissance publique. Rien d’étonnant. Comme il vient d’être dit, c’est une mission légale. Qu’un Etat finance des associations pour révéler des dysfonctionnements d’un système de santé peut égarer certains esprits mais pas les adeptes de la théorie du « malade réformateur ». Nous en sommes. Et nous sommes fièr-e-s que la République en soit également ! Par ailleurs, les professionnels de santé sont également financés par l’Etat, spécialement au sein des unions nationale et régionales des professions de santé : on aimerait que soit communiqué le montant consolidé des financements publics alloués pour le fonctionnement et les actions de ces unions. Celui du CISS, depuis toujours rendu public en toute transparence, apparaîtrait alors bien modeste. Très modeste.

La démocratie sanitaire, c’est pour tout le monde. Toutes les parties prenantes : les associations d’usagers comme les autres. Et autant que les autres. La parité de droits est l’essence même de la démocratie. S’en étonner, c’est s’avouer bien faibles.

Plus d"infos sur www.leciss.org/