Lutter contre les cyberviolences

Le 17 mars 2020, la France se confine. Du jour au lendemain, nos vies sociales se dématérialisent entièrement. Le confinement accélère la digitalisation de notre quotidien : le cyberespace se développe, les violences en ligne aussi.
Sur les réseaux sociaux, les services de modération saturent. Un signalement sur Instagram donne la réponse suivante : « En raison de l’épidémie de coronavirus (Covid-19), nous avons actuellement moins de ressources disponibles pour examiner les signalements.  Par conséquent, nous ne pouvons examiner que les contenus qui présentent le plus grand risque de préjudice. » PHAROS, la plateforme de signalement de contenus illicites en ligne du ministère de l’Intérieur ne compte alors qu’une vingtaine de personnes. L’association e-Enfance de protection des mineur·e·s sur Internet comptabilise 350 appels par semaine1, soit 50 par jour. Dans les commissariats, l’urgence sanitaire sert d’excuse aux refus de plaintes pour violences en ligne : « Il y a des priorités 1. »

Alors que les services de protection en ligne sont surchargés, les cyberviolences déchirent les réseaux sociaux et les comptes fisha explosent 2.

Ces comptes, qui se forment sur les réseaux sociaux, ont pour objet la diffusion de contenus à caractère sexuel de jeunes femmes, pour la plupart mineures, sans leur consentement. Sur ces images sont épinglés les noms des victimes, ainsi que leur âge, adresse, établissement scolaire, numéro de téléphone. Tout pour les retrouver. Très vite, ces comptes se créent par centaines, par région, par département, ville ou quartier.

À la diffusion de ces images à caractère sexuel s’ajoutent du harcèlement et des menaces lorsque les jeunes femmes demandent à ce que les contenus soient supprimés. Des enregistrements vidéo de viols et d’agressions sexuelles sont aussi diffusés sur ces comptes.

L’objectif des comptes fisha ? Humilier, afficher. Si les comptes fisha existaient déjà, au mois d’avril 2020, ils réunissaient une communauté de plusieurs centaines de milliers de personnes. Le groupe Telegram3, le plus important, comptait à lui seul 233 000 membres4.

Sur un même compte, une dizaine d’infractions pénales peuvent être recensées. Les victimes se comptent par centaines.
Comme si, parce qu’on n’avait plus accès aux rues, ceux qui agressent les femmes et les personnes appartenant à des minorités de genre5 avaient trouvé un nouvel espace pour le faire : Internet.

Le 1er avril 2020, Élyse, 16 ans, victime d’un compte fisha, met fin à ses jours au Havre. Bien que virtuelles, ces violences ont de graves conséquences sur les victimes et force est de constater que les comptes fisha tuent.
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Le 20 mars 2020, le premier Tweet utilisant le hashtag #StopFisha est publié pour lancer l’alerte. C’est de ce hashtag qu’est né un collectif.

Formé dans l’urgence, le collectif Stop Fisha s’est organisé pour aider les victimes, signaler les comptes dangereux et sensibiliser l’opinion publique. Il réunit aujourd’hui une communauté de plus de 17 000 personnes et est devenu une association loi de 1901 en novembre 2020.

Nous fédérons des bénévoles qui traquent et signalent les comptes fisha ; offrons un accompagnement moral et juridique aux victimes de cyberviolences sexistes et sexuelles ; sensibilisons aux mécanismes du cybersexisme et cherchons à donner, à tous·tes, les outils pour se protéger et se défendre face aux violences en ligne.

Nous recevons encore chaque jour des messages de victimes ou de proches de celles-ci qui nous alertent et nous demandent de l’aide. Nous avons réalisé des centaines de signalements, tant auprès des réseaux sociaux que de PHAROS. Plusieurs plaintes ont aussi été déposées et une enquête a été ouverte à la suite d’un signalement au parquet de Paris. Sans cesse, nous alertons les pouvoirs publics : il est urgent d’agir pour faire d’Internet un espace sans violence.

Nous, ses cofondatrices, nous sommes rencontrées sur Instagram et Twitter. Nous ne nous connaissions pas. Nous avons entre 16 et 50 ans. Nous sommes avocate, étudiantes, lycéennes, salariées. Nous ne nous étions jamais vues. Alors que nous étions confinées aux quatre coins de la France, nous avons uni nos forces pour lutter, ensemble, contre le cybersexisme.

À travers le livre présenté ci-dessous, ce que nous voulons, c’est définir et faire connaître les manifestations, les conséquences et les acteurs du cybersexisme pour, ensemble, mieux les combattre.

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NOTE AUX LECTEUR·ICE·S
Nous prenons le parti dans cet ouvrage d’utiliser l’écriture inclusive partout, sauf lorsque nous parlons des auteurs de cyberviolences sexistes et sexuelles qui sont, dans la grande majorité des cas, des hommes6.

Nous avons fait ce choix pour mettre l’accent sur le caractère patriarcal, genré7 et systémique de ces violences.

Il arrive néanmoins qu’une femme soit autrice de cyberviolences.

Nous tenons à dire aux victimes que nous condamnons toutes les formes de cyberviolences sexistes et sexuelles, quel qu’en soit l’auteur, et que nous les soutenons inconditionnellement.
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Association Stop Fisha

 
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