La vérité est ailleurs... L'engouement des Français pour le paranormal à l'heure du vaccinoscepticisme

A l'heure où la crise sanitaire met en lumière une profonde défiance dans les vaccins dans un contexte de diffusion croissante des récits complotistes (ex : « Hold-up »), la question se pose de savoir quelle peut être la part d'irrationalité dans le succès des discours « antisciences » en général et dans le vaccinoscepticisme en particulier. Or, à l'occasion du lancement d'un site dédié aux arts divinatoires, l'Ifop a réalisé une enquête qui montre une croissance continue du nombre d'adeptes des parasciences (voyance, sorcellerie, astrologie...) qui, si elles font parfois sourire certains, méritent d'être analysées très sérieusement quand on sait que l'engouement pour le paranormal apparaît étroitement lié à l'adhésion aux thèses complotistes et antivaccinistes..

 

Publiée par la Fondation Jean Jaurès, cette note de Louise Jussian (Ifop) montre notamment comment la croissance du nombre d'adeptes des parasciences - comme la voyance, la sorcellerie ou l'astrologie  - prend, dans le contexte de crise sanitaire actuele, une tournure inquiétante au regard de leur étroite corrélation avec l'adhésion aux thèses complotistes

 

LES CHIFFRES CLÉS

 

  1. Contrairement à certaines idées reçues qui tendent à les réduire à des croyances obscures et marginales, les parasciences suscitent un phénomène d'engouement majoritaire : 58%, déclarent croire à au moins une des disciplines de parascience, à savoir l'astrologie (41%), les lignes de la main (29%), la sorcellerie (28%), la voyance (26%), la numérologie (26%) et la cartomancie (23%).
  2. Et, ce phénomène n'est pas seulement répandu, il est également en hausse continue depuis au moins une vingtaine d'années :

 

- la croyance dans l'astrologie a augmenté de 8 points par rapport à 2000, atteignant aujourd'hui les 41%

 

- la croyance dans les prédictions des voyant(e)s a également crue de manière continue en vingt ans (plus 8 points) pour s'élever aujourd'hui à 26%.

 

- Alors qu'à peine 1 Français sur 6 croyaient dans les envoutements et la sorcellerie il y a 40 ans (18% en 1981), cette forme de parasciences séduit maintenant près de 3 Français sur 10, soit 28% (+ 10 points depuis 1981).

 

  1. Cette croyance dans les parasciences se traduit concrètement en actes : plus d'un quart des Français ont déjà consulté un spécialiste (26%) au moins une fois au cours de leur vie, dont 18% pour de l'astrologie, 14% pour de la voyance, 10% pour de la cartomancie, et 6% pour de la numérologie.
  2. Et là aussi, le phénomène semble progresser au fil des années, si on en juge par la hausse du taux de consultation de voyant(e)s : plus 5 points entre 1986 et 2020.
  3. A noter que ce recours aux parasciences pour chercher une clé d'explication à une/sa situation a été assez répandu à l'occasion de la crise sanitaire puisque 20% des adepets ont vu un spécialiste cette année à propos du Covid-19.
  4. Or,  cet engouement pour le paranormal mérite d'être pris au sérieux quand on sait qu'il est étroitement liée à l'adhésion aux thèses complotistes et antivaccinistes : la proportion « d'anti-vax » étant nettement plus élevée chez les adeptes des horoscopes (73% chez les Français en consultant tous les jours) que chez ceux n'en consultant jamais (51%).
  5. Plus largement, la croyance dans les parasciences s'avère corrélée à une plus grande disposition aux visions complotistes du monde si l'on en juge par la proportion d'adeptes de l'horoscope (c'est-à-dire le consultant au moins une fois par semaine) chez les Français « complotistes » : 33% chez ceux croyant à au moins 7 théories complotistes, soit un taux quatre fois supérieur que ce que l'on observe chez les Français ne croyant à aucun complot (8%).

 

Graphique : Le niveau de croyance dans les parasciences, évolution depuis 1981  

 

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Graphique : Taux d'adhésion aux thèses antivaccinistes en fonction de la fréquence de consultation de l'horoscope

 

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Le point de vue de Louise Jussian, chargée d'étude à l'Ifop

La croyance dans le paranormal apparaît donc comme une pratique de plus en plus ancrée en France, notamment chez les plus jeunes, les femmes, et les antisystèmes (lepénistes, mélanchonistes...) qui se saisissent en particulier des outils fournis par ces disciplines. Ce phénomène vient contrebalancer l'idée de « l'apogée » matérialiste et scientifique de nos sociétés contemporaines qui aurait dû être renforcée par l'augmentation du temps de scolarisation. Si ce phénomène peut surprendre, il n'est pas isolé et revêt les mêmes caractéristiques que la diffusion des idées complotistes : parasciences et complotisme étant des phénomènes culturels relevant des même leviers sociaux et comportementaux, et répondant au même rejet des institutions (politique, médiatique, religieuse...). Tous deux signes d'une irrationalité de la simplicité comme moyen de pallier le déficit de confiance dans les diverses institutions censées être des guides, ces deux phénomènes sont aujourd'hui confrontés à la crise du Covid-19, catalyseur de ces courants de pensées. Parasciences et complotisme semblent être mobilisés par les mêmes personnes pour atteindre les mêmes fins : la réassurance.