Cyberespace : les dérives


Des utilisations du cyberespace découlent des dérives, notamment celles qui nous intéressent : les cyberviolences. On appelle cyberviolences les violences perpétrées en ayant recours aux moyens de communication électroniques. Ces violences commises en ligne présentent des particularités qui les distinguent des violences ordinaires.

LA SPÉCIFICITÉ DES CYBERVIOLENCES : L’anonymat
En ligne, il est plus facile de rester anonyme que dans la rue. Comme le souligne Catherine Blaya, « l’utilisation de pseudonymes, la falsification d’identité, l’ouverture de boîtes e-mails temporaires ou la création de personnages fictifs sur des réseaux sociaux afin d’agresser autrui en toute impunité demandent seulement quelques instants». Ainsi, l’anonymat est facilité par l’usage des outils numériques. Grâce à eux, chacun·e peut devenir qui il·elle désire, au moins un instant.

Il faut néanmoins relever que l’anonymat n’empêche pas que les cyberviolences soient le plus souvent une violence de proximité : 52 % des agresseurs sont d’anciens amis et 36 % des ex-petits amis
.
L’effet « cockpit »
Les auteurs Wannes Heirman et Michel Walrave parlent d’un effet « cockpit » pour décrire la distance créée par l’usage des nouvelles technologies entre l’auteur et la victime42. D’après eux, « il existe une certaine analogie avec les pilotes de chasse qui, dans un cockpit protégé et très loin de leur cible, ne réalisent pas directement les dommages occasionnés ». Le résultat de l’effet « cockpit » est que, derrière son écran d’ordinateur, l’auteur des violences n’a pas conscience des dommages qu’il cause chez la victime, il n’a pas à faire face à ses souffrances et se trouve dépourvu de toute empathie. Ainsi, certaines personnes insultent et harcèlent via leur clavier quand elles n’auraient jamais commis de tels actes en face à face. Internet désinhibe.

Bartholomé Girard, ancien président de SOS Homophobie, fait le constat suivant : « Manifester sa haine contre les homosexuels dans l’espace public est devenu politiquement incorrect ces dernières années, on utilise donc un moyen plus anonyme que sont les avatars et les pseudos sur Internet. »

L’absence de limites de temps et d’espace
Une autre particularité des cyberviolences est la possibilité qu’offre le cyberespace de briser le temps et les distances. Un message peut ainsi être envoyé dans le monde entier, des milliers de fois, quasi instantanément.

Internet ouvre aussi la possibilité aux agresseurs d’attaquer des personnes qu’ils ne connaissent pas. Les possibilités d’agression sont infinies.

Par ailleurs, leur caractère public accentue le sentiment d’humiliation subi par la victime. En permettant de toucher une très large audience en un temps réduit, l’usage de ces nouvelles technologies permet de décupler les atteintes à la réputation et à la dignité humaine.

Enfin, l’absence de limites dans le temps et l’espace des violences commises réduit les possibilités de les faire cesser. La victime ne peut y mettre fin en quittant une pièce, les violences la poursuivent, partout, tout le temps, via son Smartphone qu’elle ne quitte jamais.

QUI SONT LES VICTIMES ET LES AUTEURS DES CYBERVIOLENCES ?
N’importe qui peut se retrouver victime d’une cyberagression : que l’on soit jeune ou âgé·e, une personnalité publique ou usager•e occasionnel•le des réseaux sociaux, que l’on y expose sa vie privée ou non. Nul·le n’est à l’abri d’une cyberviolence.

Néanmoins, la professeure Catherine Blaya démontre que le risque d’exposition aux cyberviolences augmente selon le type de contenus partagés en ligne, les relations qu’on y crée et le temps qu’on passe sur les réseaux sociaux. Plus celui-ci est important, plus on est susceptible de partager des contenus et plus on risque d’être victime. La pratique numérique la plus corrélée au fait d’être victime est l’appartenance à des réseaux sociaux. Mais attention, une victime n’est jamais responsable des violences qu’elle subit.

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LES FEMMES ET LES RÉSEAUX SOCIAUX EN CHIFFRES
• 76 % des femmes utilisent les réseaux sociaux, contre 72 % des hommes.
• 92 % des jeunes femmes âgées de 15 à 18 ans possèdent un compte Snapchat.
• 78,8 % d’entre elles utilisent Facebook.
• Les femmes ont une plus grande propension à diffuser leurs données et images personnelles en ligne.
L’utilisation massive des réseaux sociaux surexpose les femmes aux risques de cyberviolences. Les jeunes femmes qui sont des digital natives et qui utilisent davantage les nouvelles technologies sont d’autant plus touchées.
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Catherine Blaya démontre également que c’est une caractéristique que l’on retrouve chez les agresseurs : ils passent eux aussi plus de temps que la moyenne sur Internet et les réseaux sociaux. Pour le reste, les caractéristiques des agresseurs en ligne sont semblables à celles des agresseurs hors ligne, et les outils numériques interviennent comme des facilitateurs de la commission de l’infraction.

Les cyberviolences se présentent sous des formes variées. Elles peuvent être ponctuelles ou répétées, être commises par une personne seule ou en réunion, cibler une victime en particulier ou un groupe de personnes. Certaines sont la transposition en ligne de violences que l’on connaît dans la vie physique, quand d’autres sont propres au cyberespace.

Elles présentent aussi parfois un caractère sexiste ou sexuel. Les cyberviolences sexistes et sexuelles procèdent de la transposition dans le cyberespace du sexisme que connaît notre société : le cybersexisme. L’espace numérique est ainsi utilisé comme un support des rapports de domination au service du patriarcat.

Association Stop Fisha

 
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