
Paris, 7 avril 2022
Après avoir épuisé tous les recours légaux pour obtenir la liste complète des bénéficiaires français des subventions européennes versées au secteur de la pêche entre 2007 et 2016, BLOOM se tourne vers la toute nouvelle plateforme citoyenne de la Cour des Comptes pour demander l’ouverture d’une enquête sur la mauvaise gestion des données publiques révélée par ce parcours du combattant contre l’administration.
En France, il est aujourd’hui impossible d’avoir accès à des données publiques exhaustives et exploitables sur l’allocation des fonds publics au secteur de la pêche, malgré le cadre réglementaire de l’Union européenne qui oblige les États membres à publier les listes des bénéficiaires de subventions publiques.
Depuis sept ans, BLOOM multiplie les demandes à l’administration (en l’occurrence la Direction des pêches maritimes et de l’aquaculture - DPMA) et les actions en justice pour obtenir la liste complète des bénéficiaires français du Fonds européen pour la pêche (FEP, 2007-2016) : deux saisines de la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs) en 2015 et 2018, un recours pour excès de pouvoir auprès du Tribunal administratif de Paris en 2019 et un pourvoi en cassation auprès du Conseil d’État en 2021 n’ont toujours pas permis d’obtenir entièrement gain de cause [1].
« Notre parcours ubuesque met en lumière un problème d’opacité structurelle et volontaire de l’administration » explique Frédéric Le Manach, directeur scientifique de BLOOM. « La direction des pêches bloque toute participation de la société civile à la conduite des affaires publiques dans le secteur de la pêche. Nous sommes face à un cas de mauvaise administration caractérisée ».
Parvenue au bout d’un cycle d’impuissance civique, BLOOM salue l’ouverture par la Cour des Comptes, le 9 mars dernier, d’une plateforme de participation citoyenne permettant à la société civile de soumettre et de participer au choix des sujets d’enquêtes. Nous saisissons l’occasion pour soumettre une requête demandant à la Cour des Comptes d’ouvrir une enquête sur les manquements graves de la Direction des pêches :
Les scientifiques ont établi que la majorité des subventions publiques encourageaient la surpêche et bénéficiaient à la pêche industrielle, première cause de destruction de l’océan. L’Objectif de développement durable 14.6 de l’ONU prévoyait l’interdiction des subventions néfastes d’ici 2020. Dans ce contexte, la rétention par l’administration d’informations critiques permettant d’identifier les catégories d’aides à éliminer en urgence pour mettre la France en conformité avec les objectifs européens et internationaux n’a rien de fortuit. La mauvaise foi des pouvoirs publics et leur détermination à ne pas se soumettre aux normes de transparence sont un puissant révélateur de leur complicité avec les acteurs de la pêche industrielle. À l’heure de l’urgence climatique et d’une crise sans précédent pour le vivant, cet état de fait a assez duré. En diligentant une enquête sur la gestion des données de subventions par l’administration, la Cour des comptes a l’occasion d’opérer un changement structurel essentiel pour la préservation de l’océan.
Pour en savoir plus
Les manquements de l’administration vont à l’encontre de l’Initiative européenne en matière de transparence qui a établi la nécessité de rendre compte aux citoyens de l’utilisation des crédits communautaires [2] et des engagements internationaux pris par la France en matière d’ouverture des données publiques et de transparence**,** notamment dans le cadre du PGO (Partenariat pour un gouvernement ouvert) qui doit contribuer à la mise en œuvre des ODD (Objectifs de développement durable) de l’ONU [3].
Références
[1] https://bloomassociation.org/nos-actions/action-juridique/subventions-a-la-peche-action-juridique/
[2]. Commission des communautés européennes, Livre vert. Initiative européenne en matière de transparence, COM (2006) 194 final, Bruxelles, 3 mai 2006.
[3]. https://www.modernisation.gouv.fr/transformer-laction-publique/partenariat-pour-un-gouvernement-ouvert