Tribune Libre La dénutrition en France : comment lutter contre une « maladie » silencieuse ?

 

 

« De ton alimentation tu feras ta première médecine » disait Hypocrate.

La citation reste toujours actuelle, compte tenu que la dénutrition reste une maladie invisible qui touche encore 2 millions de Français. En ces temps de « réconfinement » il est urgent de se sensibiliser au rôle essentiel de la nutrition pour la prévention de santé, notamment pour les catégories les plus fragilisées par la pandémie. La communication ministérielle est de plus en plus anxiogène pour que l’opinion publique soit concentrée sur le pourcentage de lits occupés en réanimation et la courbe des morts de la COVID 19 afin de se plier avec rigueur au respect des gestes barrières. Le contexte devient du coup malheureusement très favorable à une « maladie silencieuse » : la dénutrition, et en particulier, la dénutrition des seniors.

La « maladie silencieuse » en chiffres
Le comité de lutte contre la dénutrition indique que celle-ci touche 2 millions de personne en France et est la cause de nombreuses complications notamment chez les seniors. 400 000 personnes âgées à domicile souffrent de dénutrition et 50% de celles-ci sont dénutries en sortie d’hospitalisation. Lors de la première vague du printemps, nous avons vu, sur le terrain, le phénomène s’accentuer.
En cause : les périodes longues d’hospitalisation des personnes touchées par la COVID 19 ainsi que la difficulté pour les personnes isolées à accéder à l’alimentation.

Causes et conséquences
La sensibilisation reste faible sur ce phénomène massif dont les conséquences sont méconnues et les causes multiples. Les idées reçues sur ce sujet sont légions et notamment celle qui consiste à penser que les besoins nutritionnels baissent avec l’âge. Il est largement prouvé que cela est faux et qu’en moyenne les besoins d’une personne âgée restent sensiblement les mêmes que ceux d’une personne adulte. Face au Covid, mais également pour la majorité des maladies, les besoins nutritionnels augmentent pour que le corps puisse lutter plus efficacement contre la maladie.
La conséquence de la dénutrition est souvent une perte de masse musculaire et donc une fragilité accentuée qui va augmenter les risques de chute et d’hospitalisation.

In Frigo véritas !
En cette période de manque de ressources hospitalière, il est urgent de se sensibiliser à ce risque majeur et de trouver les moyens simples de couvrir les besoins alimentaires, notamment pour les ainés. Des structures spécialisées depuis longtemps sur ce malaise se sont mobilisées dans ce sens lors de la première phase de confinement.

Cependant, parmi toutes les solutions avancées et les différentes techniques de soin ou de prise en charge, « Manger par plaisir » reste la plus efficace et la meilleure des solutions. Un travail de recherche pour des solutions gustatives qui excitent les papilles et remontent le moral doit être multiplié. Comme le disait en son temps le professeur genevois Charles-Henri Rapin « In Frigo véritas » : une étude clinique publiée en 2000 dans «The Lancet » montrait que les hospitalisations des personnes âgées étaient corrélées au remplissage de leur réfrigérateur.
Réapprendre à manger « à la française »

En 2010, l’UNESCO décidait de classer le « repas gastronomique des Français » comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Le comité avait noté que la gastronomie française relevait d’une « pratique sociale coutumière destinée à célébrer les moments les plus importants de la vie des individus et des groupes ». Car au-delà des plats, ce qui constitue le repas à la française, c’est la pratique sociale qui l’entoure : la convivialité, le plaisir du goût, le partage, l’association avec le vin, le lien aux terroirs, etc. Pour les personnes âgées et/ou isolées, il est important de trouver l’aide nécessaire pour se faire livrer les courses ou les repas en privilégiant la variété et un choix large de menus afin de répondre à toutes les envies. Echanger sur les menus avec les aidants ou à travers les réseaux sociaux, redécouvrir le « cérémonial » des arts de la table afin de retrouver la sensation du plaisir des yeux… avant le plaisir du goût.

Pour lutter contre la dénutrition, les séniors doivent privilégier une alimentation et un mode de consommation qui leur procure du plaisir, cela paraît anodin, mais c’est primordial au maintien d’un alimentation suffisante.

Paul Tronchon, président de Saveurs et Vie