Une année d'expérience porteuse de promesses
Il y a un an, Emmaüs alternatives et la Ville de Montreuil (93) s'engageaient à renforcer leur accompagnement des personnes vivant dans la rue par l'installation, sur l'espace public, de 12 casiers offrant aux personnes SDF la possibilité de déposer leurs affaires dans un endroit sécurisé. Un an après, le premier bilan est encourageant. La pose de ces casiers a contribué à améliorer les conditions de vie de 11 sans-abri.
Entre le 15 octobre 2018 et aujourd’hui, 11 personnes SDF vivant à Montreuil, ont pu bénéficier d’un casier solidaire et de l’accompagnement social qui y est associé. Les 12 casiers, implantés rue de Vincennes dans la continuité de la place de la Croix-de-Chavaux, ont permis au service de maraude d'Emmaüs Alternatives d'identifier 10 hommes et 1 femme, âgés de 30 à 70 ans, vivant à la rue depuis de nombreuses années et très éloignés de toute structure d'entraide puis de leur proposer, en échange des clés de ces casiers, d'être accompagnés par un travailleur social.
« Montreuil se félicite de ce partenariat solidaire et créatif avec Emmaüs Alternatives qui contribue à aider celles et ceux qui vivent dans une extrême précarité. Les premiers résultats démontrent qu'il n'y a pas de fatalité et que l'engagement du service public en faveur des plus démunis peut inverser le cours des choses. En faisant le choix d'installer ces casiers solidaires sur son espace public, Montreuil est fière de prendre le contre-pied des villes qui développent du mobilier urbain anti-sdf et poussent les sans-abri vers toujours plus d'exclusion. » explique Patrice Bessac, maire de Montreuil
Pour Catherine DI MARIA, directrice générale d’Emmaüs Alternatives, « Cette première année d’expérimentation des Casiers Solidaires prouve à la fois l’impact psychologique des casiers sur les personnes (retrouver un espace privatif quand on en est privé depuis des années est un « choc positif ») et l’efficacité du sur-accompagnement (un travailleur social pour 12 personnes) lorsqu’on s’adresse à des personnes qui ont complètement lâché prise. Les personnes se remettent « debout », sont volontaires pour faire des démarches administratives et entretiennent leurs casiers avec beaucoup de soin. De fait, nous n’avons eu aucune plainte des voisins… Nous sommes heureux de continuer à développer ce dispositif sur Paris, la Seine-Saint-Denis mais aussi en région : nous devrions inaugurer 12 casiers à Clermont-Ferrand dans les mois qui viennent ».
Si à ce jour, aucune des personnes suivies n'a encore quitté la rue, ce nouvel outil de réinsertion a joué son rôle en permettant à ces personnes d'accéder aux droits sociaux et médicaux auxquels ils n'avaient plus accès à la suite de ruptures familiales douloureuses, d'expulsions locatives ou d'une perte brutale d'emploi.
L'évaluation sociale des besoins a permis à ces personnes sans-abri d'accéder à leurs droits en trouvant :
- une aide matérielle de première nécessité (couverture, duvet, kit d'hygiène),
- un accompagnement physique pour effectuer des démarches administratives et ainsi obtenir pour certains une nouvelle Carte Nationale d'Identité perdue ou périmée, établir une domiciliation pour recevoir du courrier et effectuer des démarches, disposer de ressources avec le versement RSA,
- un accès aux structures d'entraide (vestiaire Emmaüs, accueil de jour) notamment alimentaire avec les Resto du Cœur et de soins (Pass'Ambulatoire de la Ville et du CHI André-Grégoire),
- les associations ou structures municipales qui dispensent des cours d'apprentissage du Français,
- l'entrée dans un parcours pour des solutions d'hébergement et de logement notamment en travaillant sur le dispositif « Logement d'abord » en lien avec le dispositif départemental Interlogement.
Ces résultats encourageants sont le fruit d'un partenariat renforcé entre Emmaüs Alternatives, le Centre communal d'action sociale de la Ville de Montreuil, les services de la Ville de Montreuil, l'Hôpital André-Grégoire, les services de la Direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement (DRIHL) mais aussi la RATP, la Cimade, La Boussole, Les Resto du Cœur, l'accueil de jour de l'association Cité Myriam, les associations Prose, Mosaïque ou encore la CPAM, la CAF et le SIAO 115
Les Casiers Solidaires ont donc rendu visibles celles et ceux qui étaient devenus invisibles !Ils ont eu un impact direct sur les conditions de vie des sans-abris. Ils ont répondu à un besoin concret fondamental de disposer d'un lieu sécurisé où ranger leurs affaires. Ils ont permis le travail de plus longue haleine d’accompagnement et de lien social qui se créent autour de l’accès au casier. C'est ainsi que depuis un an peut se construire pour ces 10 hommes et 1 femme, un chemin, progressif et par étape, de sortie de rue.
Ce premier bilan a convaincu les services de l’État, via la DRIHL, de financer dès 2020, une partie de la rémunération du travailleur social indispensable à l'accompagnement de ces personnes. Cette participation complétera l'engagement financier des partenaires d'Emmaüs Alternatives que sont la Fondation Abbé-Pierre, la Fondation SFR, Emmaüs France.
Observé par de très nombreuses villes, ce dispositif devrait rapidement s'étendre à Paris avec un projet de pose de 36 casiers répartis dans trois arrondissements mais aussi à une nouvelle ville de Seine-Saint-Denis pour 12 autres casiers.
Pour Emmaüs Alternatives cette première année d'expérience n'est qu'une étape dans l'amélioration constante de l'accompagnement des personnes à la rue. Déjà se profile avec l'association montreuilloise LA DO MI FA, la création d'un nouveau dispositif de retour au travail progressif pour les personnes très éloignées du travail y compris des solutions d'insertion par l'emploi comme les chantiers d'insertion.
Rappel sur l'origine de l'implantation à Montreuil des 12 premiers casiers solidaires de France
C'est en juillet 2017 qu'Emmaüs Alternatives signe un accord de partenariat avec l’association portugaise ACA (créatrice des casiers) afin de déployer les casiers solidaires en France, implantés dans l’espace public, accessibles 24h sur 24, à l’aide d’une clef.En 2018, à l’issue d’une recherche de financement fructueuse (Fondation Abbé Pierre, Fondation SFR et Emmaüs France), Emmaüs Alternatives a approché la Ville de Montreuil afin de déployer les premiers casiers Solidaires dans sa commune d’implantation. Partenaire engagé, la Ville de Montreuil a participé au choix du site d’implantation des casiers et facilité l’ensemble des démarches nécessaires. Le 15 octobre 2018, 12 casiers solidaires étaient implantés rue de Vincennes, dans le secteur de la Croix-de-Chavaux, en plein cœur de Montreuil.
Le projet des Casiers Solidaires est né en 2015, à Lisbonne, des conversations que les bénévoles de l’association portugaise ACA (créatrice des casiers) ont engagées avec des personnes vivant dans la rue. Le constat était dressé que ces personnes qui livrent une lutte quotidienne pour ne pas se faire voler leur argent, leurs papiers, leurs vêtements mais aussi des objets ayant une valeur sentimentale ont besoin d’un endroit sécurisé pour stocker leurs affaires.
Après un long travail de conception avec une entreprise locale, les premiers casiers solidaires sont implantés à Lisbonne en 2015. En 2018, 60 casiers sont proposés à des personnes SDF qui acceptent la signature d’un contrat fixant un rendez-vous hebdomadaire obligatoire avec un travailleur social. Les résultats sont impressionnants : plus des 2/3 des personnes ayant quitté le dispositif ont pu sortir de la rue pour retrouver emploi, logement, centre de désintoxication ou communauté d’insertion.
Leurs affaires étant en sécurité, les personnes bénéficiant d’un casier redeviennent mobiles. Le casier les soustrait de situations de violences (vols) et l’accompagnement social, au plus près de leur lieu de vie, construit peu à peu des perspectives. Pour plus d'efficacité, le travailleur social qui suivra les personnes bénéficiant des casiers sera équipé d'un ordinateur portable et d'une connexion internet mobile, d'une imprimante et d'un scanner ultraléger lui permettant de mener un suivi social dans la rue ou dans des cafés à proximité des casiers.