Ma Santé 2022, un engagement collectif

ANALYSE ET PROPOSITIONS
du plan "Ma Santé 2022, un engagement collectif"

 
L'Académie nationale de médecine a pris connaissance du plan « Ma santé 2022, un engagement collectif », proposé par le ministère des Solidarités et de la Santé, et en approuve les principales mesures. Le présent rapport résume l'analyse de l'Académie, formule des remarques portant sur plusieurs omissions, dont celle de la prévention, et propose neuf priorités portant notamment sur la réorganisation territoriale des soins, les nouveaux partenaires, la gouvernance hospitalière et l'apport du numérique. 


PROPOSITIONS DE L'ACADÉMIE NATIONALE DE MÉDECINE
 
 PRINCIPES
L'optimisation de l'accès aux soins, l'augmentation de leur efficacité et de leur qualité impliquent une attention particulière à la relation médecin-malade et au temps qu'elle exige.
Elles impliquent aussi la primauté de la prévention.
Elles requièrent la contribution des professionnels à l'élaboration des réformes et innovations qui s'appliqueront à leur exercice. Ceci concerne particulièrement le choix des outils de mesure de la qualité ; les autorisations et équipements des hôpitaux ou établissements de santé de proximité ; les compétences des assistants médicaux et des infirmières en pratique avancée ; les critères de recrutement des élèves infirmières après suppression du concours d'entrée aux instituts de formation en soins infirmiers ; la nature et les modalités des entretiens périodiques d'évaluation et des procédures de certification ; le pilotage des hôpitaux.
Dans ce contexte, l'Académie revendique une participation au « Comité de pilotage présidé par le ministre des Solidarités et de la Santé et composé de représentants des acteurs de la santé et des administrations concernées » mentionné dans le dossier de presse.
 
PRIORITÉS
  1. Mise en place des assistants médicaux dans les communautés professionnelles territoriales de santé
L'Académie souligne que les attributions des assistants médicaux doivent tenir compte de leur effet sur la relation médecin-malade. Le gain de temps médical ne doit pas seulement viser l'augmentation de la patientèle et la réduction des délais de rendez-vous, mais aussi la restauration du temps nécessaire à l'écoute et au dialogue. La négligence de ce composant essentiel de la consultation est préjudiciable à la qualité de la médecine d'aujourd'hui. Les assistants médicaux sont susceptibles d'y remédier, à condition que leur apport soit apprécié en termes qualitatifs autant que quantitatifs. Les solutions adoptées pour leur financement doivent être pérennes.
  1. Création de consultations avancées dans les hôpitaux ou établissements de santé de proximité
Pour améliorer l'accès aux spécialités, notamment chirurgicales, l'Académie soutient la création de consultations avancées de spécialités dans les structures de proximité. Ces consultations réalisées par les spécialistes du Groupement hospitalier de territoire permettront le diagnostic et le suivi thérapeutique des pathologies médicales et chirurgicales non interventionnelles. Pour les pathologies nécessitant une intervention, les patients pourront être pris en charge par les opérateurs dans les établissements adaptés du Groupement hospitalier de territoire, la surveillance post-interventionnelle courante pouvant se faire en proximité.
  1. Création de plateaux médicotechniques de proximité
L'Académie propose que les plateaux médicotechniques des hôpitaux ou établissements de santé de proximité soient élaborés avec la participation des médecins ayant bâti le projet médico-soignant et qu'il soit tenu compte des complémentarités entre secteurs public et privé, lucratif ou non. Cette participation concerne notamment l'imagerie et la biologie, dans le but d'éviter les concurrences néfastes et les investissements non utilisés faute de personnel.
  1. Réforme des autorisations des activités de soins
L'Académie soutient le principe d'une réorganisation territoriale des activités hospitalières au sein des groupements hospitaliers de territoire. Ceci implique une réforme des autorisations des activités de soins, ainsi qu'une logique de gradation entre soins courants, soins spécialisés, soins de recours ou de référence. Cette réforme et cette logique doivent se décliner par spécialités, au niveau des GHT, et pas seulement par établissement, pour assurer qualité, sécurité et pertinence des soins.
  1. Réorganisation territoriale 
L'Académieconsidère que deux éléments sont déterminants pour son succès : 
Le projet médico-soignant partagé, pierre angulaire de la réforme territoriale. Il doit être construit par les professionnels et les soignants, avec l'aide si besoin des conseils nationaux professionnels de spécialités, et avec la participation, et non la décision unilatérale, des directions hospitalières.
L'équipe médicale territoriale est structurée par des contractualisations efficaces entre établissements. Elle doit être de volume suffisant et valorisée dans ses activités multisites, afin de permettre l'homogénéisation des pratiques, l'amélioration de la pertinence, l'accès partagé aux plateaux techniques, le développement professionnel continu et la mise à niveau des compétences.
  1. Réforme des nomenclatures et leur implication dans la description de l'activité
L'Académie soutient le principe de la simplification et de l'actualisation de la nomenclature. Elle propose que le système national des données de santé, la mise en route de registres performants et l'introduction d'indicateurs pertinents soient utilisés pour apprécier a posteriori la qualité, la sécurité et la pertinence des soins. Un contrôle a priori par l'utilisation de seuils d'activité, individuels ou par équipe, est en effet difficile à justifier scientifiquement et source de nombreuses dérives.
  1. Réforme de la gouvernance hospitalière 
L'Académie propose de renforcer la Commission médicale d'établissement en donnant à son président la responsabilité et la signature sur les questions médicales, et en associant dans les centres hospitalo-universitaires le doyen ou son représentant pour les sujets concernant l'enseignement et la recherche. 
La gouvernance serait alors exercée par un binôme dans les centres hospitaliers régionaux : le directeur administratif, ancien directeur général, et le directeur médical, ancien président de la Commission médicale d'établissement ; et par un triumvirat dans les centres hospitalo-universitaires : le directeur administratif, le directeur médical et le directeur universitaire (le doyen ou son délégué). 
On rappelle que c'est pour garantir une pluridisciplinarité effective qu'il fut décidé en 1945 de confier la direction des Centres de lutte contre le cancer à un médecin, seul capable, car crédible médicalement, d'imposer la pluridisciplinarité, et qu'au sein d'un hôpital militaire, c'est le médecin-chef qui détermine le choix des investissements en tenant compte des besoins des chefs de service et des limites budgétaires. 
La responsabilité administrative implique la formation des responsables médicaux et la prise en compte de leurs compétences managériales [46]. Il faudra préciser cette formation, sa durée, ses formateurs et sa validation. Réciproquement, il faut exiger un niveau médical adéquat de la part des administratifs qui prennent en charge la gestion de structures souvent complexes, en vue de l'arbitrage entre plusieurs avis médicaux.
  1. Formation et carrières médicales
L'Académiesoutient le principe d'une actualisation périodique des connaissances des praticiens hospitaliers et celui d'une certification périodique permettant de garantir le maintien de leurs compétences. Elle soutient également les mesures visant à améliorer l'attractivité de la profession, y compris la valorisation des enseignements assurés par les praticiens hospitaliers.
  1. Numérique et intelligence artificielle
Le numérique et l'intelligence artificielle au sens large sont appelés à prendre une place grandissante dans le domaine de la santé. 
L'Académie considère que la France doit accroître son effort pour permettre à ses citoyens de profiter au mieux des nouvelles technologies et rejoindre le niveau des pays qui ont déjà pris le virage numérique. Cela implique notamment le déploiement rapide du dossier médical partagé numérisé, le soutien à toutes les initiatives permettant de mieux gérer et d'utiliser les données publiques du Système national des données de santé à des fins d'évaluation et de recherche, l'harmonisation des systèmes de recueil des données des hôpitaux, la reconnaissance et la valorisation par l'assurance maladie des actes faisant intervenir la robotisation et les nouvelles technologies, le développement de plateformes et de tumorothèques. 

La télémédecine et le télédiagnostic doivent être développés afin d'améliorer l'efficience des consultations médicales et aider à la solution du problème des déserts médicaux. L'organisation territoriale des soins et le management des établissements hospitaliers devront être progressivement numérisés.
L'Académie nationale de médecine a édité avec l'Académie des Sciences un ouvrage intitulé « Santé et intelligence artificielle » (4) qui fait le tour des applications de l'intelligence artificielle au domaine de la santé. Elle considère que ces applications seront de plus en plus utilisées par les médecins pour aider au choix du diagnostic et du traitement, mais ne sauraient en aucun cas se substituer au médecin car elles ne disposent pas, et ne disposeront pas, de ses compétences.