Grenelle des violences conjugales / La Manche, territoire pilote pour le recueil de la parole des femmes

A l’occasion de la clôture lundi 25 novembre du Grenelle des violences conjugales, le Gouvernement a annoncé de nouvelles mesures issues des groupes de travail formés le 3 septembre dernier. Dans le département de la Manche, le Centre Hospitalier Mémorial de Saint-Lô expérimente depuis 2018 une opération pilote pour recueillir la parole des femmes victimes de violences conjugales. Ce dispositif Envol (Espace normand de victimologie à orientation libre) a été présenté au Ministère de l’Intérieur en mars dernier à l’occasion de la journée des droits des femmes et a fait l'objet d’une inspection interministérielle en octobre dernier, en amont des annonces du Gouvernement.

 

L’égalité entre les femmes et les hommes a été déclarée «Grande cause du Quinquennat» par le Président de la République et dans ce cadre, la lutte contre les violences conjugales est une priorité absolue du Gouvernement.

 

L’Unité Médico-Judiciaire (UMJ) du Centre Hospitalier Mémorial de Saint-Lô dans la Manche a la spécificité de proposer depuis 2011 des consultations de victimologie en accès libre, anonymes et confidentielles pour les femmes victimes de violences familiales, conjugales ou encore les mineurs venant se faire soigner. Le dispositif Envol est une extension de cette spécificité. Il a été  mis en place en avril 2018 dans le cadre d'une convention avec le Tribunal de Grande Instance de Coutances et la préfecture pour répondre aux objectifs de la Grande cause nationale.

 

 

Une simplification du parcours judiciaire pour libérer la parole des femmes victimes de violences conjugales

L’objectif d’Envol est de faciliter le parcours judiciaire des femmes victimes de violences qui hésitent à porter plainte ou ont peur de verbaliser leur situation. Dans un premier temps, le personnel de l’UMJ (Unité Médico-Judiciaire) explique à la patiente le mécanisme des violences et l’informe sur les solutions existantes. Si la patiente donne son consentement, Envol permet de déroger au secret médical pour que l’UMJ puisse signaler la situation au procureur et lui transmettre le rapport d’examen et la fiche de consentement à signalement, en échange desquels il reçoit une réquisition du parquet. Si la situation le justifie, le parquet ouvre immédiatement une enquête.

 

Si la patiente n’est en revanche pas prête à signaler les violences dont elle est victime aux autorités, un compte-rendu de consultation lui est remis et reste archivé pour être transmis ultérieurement si elle change d’avis.

 

Très bien accueilli par les patientes, ce dispositif est vécu comme une aide à la décision intervenant à un moment opportun.  Entre avril 2018 et mai 2019, 18 dossiers ont été transmis au parquet du TGI de Coutances et 13 ont fait l’objet d’une investigation. A ce jour, Envol a permis le signalement de 32 patients qui n’auraient pas déposé plainte sans ce dispositif. Parmi eux, 75 % sont des femmes majeures victimes de violences conjugales.

 

La Manche, bassin d’innovations pour la prise en charge des victimes de violences

Le dispositif Envol s’inscrit dans la continuité d’une recherche conjointe de la Justice et des UMJ, en partenariat avec les nombreux acteurs des réseaux de proximité, de mesures permettant une prise en charge globale et rassurante des victimes par les UMJ. Le dispositif est en passe d’être répliqué à Cherbourg et intéresse certains hôpitaux en dehors de la Normandie. Une autre initiative a été mise en place sur le territoire de la Manche. Baptisé « Éviction du conjoint violent », il  permet de maintenir les victimes au domicile conjugal et d’en évincer l’auteur des violences.

 

En février 2019, une salle de confrontation protégée a aussi été mise en service au CH Mémorial de Saint-Lô. Elle est dédiée au recueil de la parole des victimes mineures et plus largement, de toutes les victimes en situation de fragilité. Cet espace chaleureux et rassurant est équipé d’un dispositif de visioconférence qui permet de confronter les parties sans les réunir physiquement, l’accusé étant auditionné à la gendarmerie, au commissariat ou au tribunal. 

 

Selon Cyril Lacombe, procureur de la République à Coutances « il y a une synergie très positive entre l’institution médicale et la justice sur le territoire du centre et du sud-Manche pour aller vers une meilleure prise en compte de la victime ».

 

Le conseil départemental de la Manche est également engagé dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Dans le cadre de ses compétences en matière de protection de l’enfance et des personnes vulnérables, la collectivité a signé en 2017 avec 46 autres partenaires du territoire un protocole départemental de prévention et de lutte contre les violences intrafamiliales et les violences faites aux femmes. Le 6 décembre prochain, la collectivité va soumettre au vote un rapport destiné à définir une politique publique ambitieuse de lutte contre les violences faites aux femmes, dotée d’objectifs mesurables et de ressources adaptées. Composée de 24 propositions concrètes, cette politique publique s’articulera autour de cinq axes d’intervention.