L’Unapei s’oppose à l’abandon par l’Etat de sa mission régalienne de protection juridique

Paris, le 7 février 2024 – C’est une nouvelle menace qui pèse sur les personnes les plus vulnérables.

 

Aujourd’hui, et pour la seconde fois depuis 2018, l’Etat français cherche à se désengager de la protection des citoyens les plus vulnérables, via l’externalisation du contrôle des comptes de gestion de plus de 700 000 personnes bénéficiaires d’une mesure de protection juridique.

 

L’Unapei s’oppose au projet de décret initialement annoncé par la Direction des Affaires Civiles et du Garde des Sceaux pour le 31 décembre 2023. Si ce projet d’externaliser le contrôle des comptes de gestion des personnes bénéficiaires d’une mesure de tutelle ou de curatelle aboutissait, une charge financière supplémentaire serait imposée à des personnes déjà très vulnérables socialement et économiquement. Au-delà de ce risque, c’est le désengagement de l’Etat dans son rôle central de protection des droits et de la sécurité de l’ensemble des citoyens qui inquiète.

 

« Le projet de décret relatif au contrôle des comptes de gestion est tout simplement stupéfiant, et représente une réelle menace pour l’Egalité et la fraternité. Nous ne pouvons pas nous résoudre à voir un transfert de compétencesde l’Etat vers des structures privées lorsqu’il s’agit de protéger des personnes fragiles. Et parce que l’Unapei souhaite vraiment agir dans l’intérêt des personnes, nous nous opposons fermement à ce projet » - s’inquiète Luc Gateau, Président de l’Unapei

 

Une mission régalienne abandonnée

Transférer vers le privé la mission de contrôle des comptes de gestion, retraçant l’intégralité des mouvements financiers annuels, qui était auparavant assurée par les greffes des tribunaux, contribuera à la déjudiciarisation de la politique publique des majeurs protégés.  Il s’agit bien d’une remise en cause des missions régaliennes de l’Etat à l’égard des personnes bénéficiaires d’une mesure de protection juridique, et représente un réel recul de l’Etat, qui pourraient avoir de graves conséquences quant à la protection des droits individuels et à l’équilibre du budget des personnes bénéficiaires d’une mesure de protection juridique.

 

L’Unapei demeure déterminée à défendre les droits fondamentaux de toutes les personnes bénéficiaires d’une mesure de protection et à promouvoir des politiques publiques reflétant les principes d'égalité, de justice, et de dignité pour tous les citoyens.

 

A la suite de ses nombreuses alertes, elle se réserve le droit d'attaquer devant le Conseil d'État tout décret qui ne respecterait pas ces principes.

 

 

Une mesure injuste et préjudiciable

En 2017, les ressources de près de la moitié des personnes bénéficiaires d’une mesure de protection juridique se situaient en dessous du seuil de pauvreté. Elles n’étaient que 15% à exercer une activité professionnelle. Au quotidien, les répercussions sont nombreuses : difficulté à accéder aux soins, se nourrir, se loger, se vêtir, … sans parler de l’impact majeur de l’inflation de ces dernières années.

 

En opérant un transfert de charge de l’Etat vers les justiciables, c’est-à-dire vers les personnes concernées, ce projet de décret aggravera une inégalité financière de façon intolérable.

 

«Souhaitons-nous réellement faire porter des coûts supplémentaires à des personnes protégées qui ne peuvent, bien souvent, pas prétendre à un niveau de vie digne ? Ce projet remet en cause la protection des citoyens les plus vulnérables. Dans ces circonstances, comment garantir l’égalité et la justice pour tous ? » - poursuit Luc Gateau, Président de l’Unapei

 

L’Unapei appelle le Gouvernement à retirer ce projetou àassumer entièrement la charge financière de ces contrôles externalisés, une charge qui ne peut être imposée aux personnes protégées. 

 

Une volonté réaffirmée …de se désengager

Le projet de décret relatif au contrôle des comptes de gestion intervient quelques mois seulement après la dénonciation de l’Etat français prononcée par le Comité des droits sociaux du Conseil de l’Europe[1] pour non-respect des droits des personnes en situation de handicap et de leurs familles. Il pointe, de nouveau, les manquements de l’Etat dans l’exercice de ses missions régaliennes de protection, et remet en question l’égalité de tous les citoyens.

 

C’est aussi la deuxième fois en 5 ans que l'État français cherche à se désengager de la protection des personnes les plus vulnérables. Déjà en 2018, l'Unapei s’était mobilisée face au décret du 31 août[2] qui imposait aux personnes protégées des coûts supplémentaires pour leur mesure de protection, ce qui a entraîné une annulation partielle du décret.

 

Aujourd’hui, l’Unapei rappelle que la mission de contrôle des comptes de gestion doit être financée par l'État pour garantir l'équité, la justice et la solidarité dans la société.

 

 

La protection juridique des majeurs protégés

et le contrôle des comptes de gestion

 

Fin 2022, 713 500 majeurs bénéficiaient d’une mesure de protection juridique (curatelle ou tutelle), dont 49 % de femmes et 51 % d’hommes. Les personnes concernées sont âgées de 59,1 ans en moyenne.

54 % d'entre elles bénéficient d'allocations handicap telles que l'AAH, tandis que près de 30 % des personnes âgées de 75 ans et plus reçoivent l'APA[3].

 

Mission régalienne de l’Etat assurée par les greffes des tribunaux, le contrôle des comptes de gestion est une mesure de protection qui vise à garantir la protection des personnes dont l'état de santé altéré nécessite une délégation de gestion de leurs biens et ressources. Cette mission consiste à veiller à ce que l’argent et les biens de la personne protégée soient utilisés de manière responsable et conforme à SES intérêts, en évitant tout abus ou négligence.

 

 

A propos de l’Unapei

Mouvement citoyen de 900 000 personnes en situation de handicap, familles, amis, professionnels et bénévoles, l’Unapei œuvre, depuis 60 ans, pour que les personnes en situation de handicap due à des troubles du neuro développement (dont notamment le trouble du développement intellectuel et le trouble du spectre de l’autisme), en situation de handicap psychique ou de polyhandicap accèdent aux mêmes droits que tous. L’Unapei s’engage pour une société solidaire, ouverte à tous et respectueuse des différences et du libre-choix des personnes concernées. Son réseau de 330 associations membres innove sur tous les territoires et construit des solutions d’accompagnement évolutives et adaptées à chaque étape de la vie des personnes en situation de handicap pour agir contre l’isolement et l’exclusion sociale. http://www.unapei.org

 

 

[2] Décret n° 2018-767 du 31 août 2018 relatif au financement des mandataires judiciaires à la protection des majeurs