Qu'est-ce-que le miellat ?


Le miellat est le liquide sucré et visqueux qui recouvre les feuilles de certains arbres (épicéa, sapin, pin, mélèze, chêne, peuplier, frêne, tilleul, bouleau, érable), liquide sécrété par certains insectes (coche- nilles et pucerons) qui se nourrissent de la sève de ces arbres, et butiné par les abeilles au même titre que le nectar des fleurs.

Le promeneur non averti peut s’étonner de rencontrer des ruchers importants et en pleine activité dans certaines forêts où il n’y a pas une seule fleur. Le consommateur non informé ne comprend pas qu’il puisse trouver du miel de sapin : il n’a jamais vu un sapin fleurir ! Or, dans son esprit, il associe le miel à l’abeille et l’abeille à la fleur. Il se trompe. Il y a bien quelques – rares – fleurs dans les clairières des forêts, en particulier celles des framboisiers qui peuvent couvrir des surfaces d’une certaine importance, mais le « miel de forêt » ne doit rien au nectar des fleurs : il dérive du butinage du miellat par les abeilles. Le miel de forêt est appelé à prendre une place plus importante dans l’avenir étant donné l’évolution actuelle de l’agriculture : remembrements, monoculture, diminution des surfaces de plantes fourragères, emploi généralisé de désherbants et de pesticides toxiques. L’âge d’or des fleurs est bien loin, pour le plus grand malheur des abeilles... et des apiculteurs. Ceux-ci se tournent vers la forêt, relativement mieux épargnée par les agressions de l’homme et les perturbations écologiques qu’elles entraînent, vers la forêt source de nourriture pour leurs abeilles : le miellat.

Malheureusement pour les apiculteurs, la récolte de miel en forêt est plus aléatoire : en effet, les facteurs climatiques sont prépondérants quant à la production de miellat par les pucerons et les cochenilles. Les bonnes années sont exceptionnelles (cela explique le prix élevé du miel de sapin) : il faut un automne doux suivi d’une longue période de sécheresse, l’été suivant, avec des journées très chaudes entrecoupées de nuits froides. L’année 1976 fut exceptionnelle, pour la production de miel de forêt. Nous n’oublierons jamais la frénétique activité des abeilles autour des ruches, lors d’une balade faite avec M. Mettler dans un de ses ruchers situés à la lisière d’un bois de sapin. C’était en juillet 1976. Il y avait sur les Vosges comme un couvercle d’air chaud et sec, parfaitement immobile. Dans cette atmosphère irrespirable, le bourdonnement des abeilles m’impressionna. Notre ami ne savait pas où donner de la tête : chaque ruche avait deux hausses, et le travail ne manquait pas à la miellerie. Mais de telles miellées sont vraiment rares : tous les cinq ans, et encore...

Les pièces buccales de l’abeille – en particulier la trompe – sont inadaptées à la récolte de la sève des plantes à l’intérieur de celles-ci. Elles se limitent à prélever les sécrétions externes des nectaires. Mais il existe certains insectes hémiptères qui ont eux la possibilité de pénétrer dans l’intimité des plantes grâce à une morphologie adaptée : les pucerons et les cochenilles ont un organe de nutrition très spécialisé se terminant par une gaine effilée qu’ils enfoncent dans les tissus végétaux pour aspirer la sève.

Ces insectes se gorgent de sève. En une heure, ils peuvent ingurgiter une quantité de sève égale à leur propre poids ! Il est bien évident, dans ces conditions, qu’ils n’assimilent qu’une infime quantité de cette sève en guise de nourriture. La quasi-totalité de la sève qu’ils absorbent avec voracité ne fait que traverser leur corps, leur anatomie étant adaptée à ce processus étonnant : leur tube digestif possède un organe appelé chambre filtrante qui leur permet de court-circuiter l’essentiel de l’intestin. La plus grande partie de la sève prend ainsi un « raccourci », n’étant pas totalement soumise aux contraintes de la digestion. Elle subit malgré tout une certaine modification biochimique : le miellat qui en résulte est différent de la sève initiale.

Le puceron – ou la cochenille – expulse cette sève transformée en miellat par des contractions de l’intestin. Une goutte se forme à l’ori- fice de celui-ci. Elle grossit jusqu’à ce que son propre poids provoque sa chute, ou bien l’insecte la fait tomber avec une de ses pattes. La goutte tombe alors sur une feuille. On comprend pourquoi ce sont les feuilles des branches les plus basses qui sont surtout recouvertes de miellat.
Les espèces sont plus ou moins bonnes productrices de miellat. Chez le puceron, on connaît surtout le Cinara Piceæ, et chez la cochenille le Physokermès.

Les miellats contiennent un peu moins de sucres que les nectars, mais sont plus riches en acides aminés et oligo-éléments. Le miellat issu du mélèze contient un sucre – le mélézitose – qui cristallise très vite, au sein même de la ruche, dans les alvéoles.

Ce miellat, appelé « Manne de Briançon », contrarie les apicul- teurs pour l’extraction du miel. D’une façon générale, les miels issus de miellats sont plus foncés que les miels de nectars.

Le plus recherché et le plus cher de tous les miels, le miel de sapin, a une indéfinissable couleur brun-noir à reflets verts, un goût résineux et aromatique. Le plus apprécié est celui des Vosges.

                                                                                         
          Jean-luc Darrigol    

 

Si cet extrait vous a intéressé,
vous pouvez en lire plus
en cliquant sur l'icone ci-dessous 

Apithérapie