Non-compliance aux critères de sélection du don du sang

 

Evolution de la politique du don du sang en France pour les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes, Pr Benoît Vallet, ancien Directeur général de la Santé 2013-2018 et Pr Jérôme Salomon, Directeur général de la Santé, Ministère des Solidarités et de la Santé

 

Non-compliance aux critères de sélection du don du sang – Complidon 2017, France, Claire Sauvage et coll., Santé publique France

La sélection des donneurs de sang, qui consiste en un questionnaire et un entretien pré-don, permet d’exclure les donneurs susceptibles de présenter un risque d’infection transmissible par transfusion. Comprendre les raisons de la non-compliance, c’est-à-dire du non-respect des critères de sélection, est primordial pour maintenir un niveau élevé de sécurité virale des produits sanguins.

Une enquête anonyme nommée Complidon a été menée de septembre à décembre 2017, sur Internet, auprès d’un échantillon de donneurs de sang. Les données recueillies ont été redressées pour être représentatives de l’ensemble des personnes ayant donné leur sang entre juillet 2016 et décembre 2017. Parmi les 420 190 donneurs sollicités, 108 386 ont répondu au questionnaire (26%). La non-compliance globale a été estimée à 5,6%. Les critères les moins respectés concernaient le fait d’avoir eu plus d’un partenaire sexuel au cours des quatre derniers mois, pour le donneur (1,9%) ou pour son(sa) partenaire (1%), les critères liés aux voyages (1,2%) et les rapports sexuels entre hommes au cours des 12 derniers mois (0,73% des hommes).

Les raisons de la non-compliance différaient selon le type de contre-indication. Les donneurs non-compliants aux critères liés à la sexualité déclaraient davantage ne pas vouloir être exclus ou trouvaient les questions trop personnelles. Les donneurs non-compliants aux critères concernant les voyages ou la santé ont plus souvent déclaré en avoir parlé lors de l’entretien pré-don et avoir été autorisés à donner.

Bien que la non-compliance aux critères de sélection du don de sang soit relativement faible en France, elle représente toujours un risque pour la sécurité transfusionnelle. C’est pourquoi il est essentiel d’assurer une bonne communication auprès des donneurs, afin qu’ils comprennent l’intérêt de chaque contre-indication et la nécessaire sincérité de leurs réponses, et d’insister auprès des professionnels de santé assurant les entretiens pré-don sur l’importance d’une écoute attentive et bienveillante.

Ouverture en juillet 2016 du don du sang aux hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes : pas d’impact sur le risque transfusionnel lié au VIH, VHC et  VHB, Josiane Pillonel et coll., Santé publique France

Depuis le 10 juillet 2016, les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes (HSH) sont autorisés à donner du sang total s’ils n’ont pas eu de rapports sexuels entre hommes au cours des 12 derniers mois.

Cet article présente un bilan de la surveillance épidémiologique du VIH, du VHB, du VHC et de la syphilis chez les donneurs de sang afin d’évaluer l’impact de cette modification sur les indicateurs épidémiologiques. Le taux de dons VIH positifs est passé de 0,10 pour 10 000 dons sur la période du 1er janvier 2014 au 9 juillet  2016 à 0,08 pour 10 000 sur la période du 10 juillet 2016 au 31 décembre 2018 (p=0,2) ; la part des HSH parmi les donneurs VIH positifs est passée de 45% à 55% (p=0,5) et l’incidence du VIH de 1,05 à 0,85 pour 100 000 (p=0,5).

Entre 2014 et 2018, les taux de dons positifs ont diminué pour le VHB et le VHC et sont restés stables pour le VIH et la syphilis. Sur la période 2016-2018, le risque résiduel a été estimé à 1 don potentiellement infecté tous les deux ans pour le VIH, 1 don par an pour le VHB et 1 don tous les 11 ans pour le VHC. Ces risques résiduels étaient similaires à ceux observés sur la période 2013-2015.

Sur la base de la stabilité de ces indicateurs avant et après le 10 juillet 2016, la ministre de la Santé a souhaité une ouverture plus large du don de sang aux HSH. En 2019, des analyses de risque de transmission du VIH ont été réalisées pour deux scénarios : ajournement de quatre mois des HSH ou ajournement des HSH ayant eu plus d’un partenaire sexuel au cours des quatre mois précédant le don. Le premier scénario a été retenu en juillet 2019 et mis en application le 2 avril 2020.

Future extension de l’ouverture du don du sang aux hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes en France : quel impact sur le risque de transmission du VIH par transfusion ? Josiane Pillonel et coll., Santé publique France

Avant le 10 juillet 2016, les hommes ayant eu des rapports sexuels avec des hommes (HSH) étaient exclus de façon permanente du don du sang. Depuis cette date, ils peuvent donner leur sang s’ils n’ont pas eu de rapports sexuels entre hommes dans les 12 derniers mois précédant le don. Afin d’envisager une nouvelle réduction de la période d’ajournement, une évaluation du risque résiduel (RR) VIH a été effectuée pour deux scénarios, S1 : ajournement si rapports sexuels entre hommes dans les quatre derniers mois, S2 : ajournement si multipartenariat dans les quatre derniers mois (comme pour les autres donneurs).

Le RR VIH de référence a été estimé sur la période juillet 2016-décembre 2017. L’impact des deux scénarios sur ce RR a été évalué à partir de trois enquêtes de Santé publique France (Baromètre Santé 2016, Enquête Rapport au sexe 2017 et Complidon) afin d’estimer (i) le nombre d’HSH supplémentaires susceptibles de donner leur sang dans chaque scénario et (ii) l’incidence du VIH parmi ces donneurs.

Le RR de référence a été estimé à 1 pour 6 380 000 dons. Pour S1, sur 18 mois, le nombre de donneurs HSH supplémentaires a été estimé à 733 et le nombre de dons VIH positif supplémentaires à 0,09, conduisant à un RR de 1 pour 6 300 000. Pour S2, ces nombres ont été estimés à 3 102 et à 3,92 respectivement, et le RR à 1 pour 4 300 000 dons. L’analyse de sensibilité a montré que le RR serait au maximum de 1 sur 6 225 000 dons pour S1 et de 1 sur 3 000 000 pour S2.

Dans les deux scénarios, le RR VIH reste très faible. Pour S1, il est identique au RR de référence. Pour S2, il est 1,5 fois plus élevé et l’analyse de sensibilité montre que cette estimation est moins robuste que pour S1. En juillet 2019, la ministre de la Santé a opté pour le premier scénario, qui sera mis en application le 02 avril 2020.

Transfusion de produits sanguins labiles infectés par le VIH malgré un dépistage négatif, Pierre Cappy et coll., Institut national de la transfusion sanguine

En France, le risque de transmission de l’infection à VIH par transfusion a été substantiellement réduit par la mise en place du dépistage génomique viral en pool (MP-DGV) en 2001, puis en format individuel (ID-DGV) en 2010.

Nous rapportons ici le premier cas de transfusion de produits sanguins labiles infectés parle VIH, collectés en phase très précoce d’infection, pendant laquelle l’ID-DGV était négatif.

En août 2017, un donneur régulier de 57 ans est dépisté VIH positif (avec une charge virale plasmatique(pCV) à 11 599 cp/mL). Le don précédent, négatif en ID-DGV, a été testé positif en CTM avec toutefois une pCV non quantifiable. Le séquençage de la souche n’a montré aucun mésappariement avec les amorces/sonde du réactif Ultrio. La transmission du VIH a pu être exclue chez la receveuse des plaquettes ayant bénéficié d’une procédure de réduction des pathogènes. En revanche, la transmission du VIH n’a pu être documentée chez le receveur de globules rouges, décédé prématurément.

Ce cas démontre que le risque de se trouver en présence de produits sanguins labiles infectés par le VIH, négatifs en ID-DGV, lorsqu’un don est effectué en phase d’infection biologiquement silencieuse, est réel bien qu’exceptionnel. La transmission du VIH n’a pas pu être formellement exclue chez l’un des deux receveurs. Ce cas souligne également l’utilité d’un archivage systématique d’échantillons du plasma issu des dons, de la sélection et de l’éducation des donneurs de sang.

Focus : Accompagnement par l’Etablissement français du sang de la modification des critères de la sélection des donneurs de sang, François Carpentier, Direction collecte et production, Etablissement français du sang