POURQUOI PARLE-T-ON D’INFLAMMATION CHRONIQUE ?


Vous l’avez compris : la réaction inflammatoire est un processus normal et bien huilé, qui suit des étapes précises. Mais, parfois, celui-ci peut s’enrayer. Au lieu de se dérouler sur quelques jours, le processus décrit plus haut dure plusieurs mois, plusieurs années, voire ne s’arrête plus du tout. En clair, l’organisme ne parvient plus à éliminer l’agent étranger, soit parce que celui-ci est particulièrement résistant (c’est le cas de certaines bactéries ou parasites), soit parce que les mécanismes de défense de l’organisme sont défaillants.

On l’a vu, la réponse inflammatoire est le fruit d’un précieux équilibre entre les cytokines pro-inflammatoires et les cytokines anti-inflammatoires : les premières permettent de déclencher l’inflammation qui va détruire les microbes et tissus lésés ; les secondes ont pour mission de limiter l’action des premières pour éviter la destruction des tissus sains. Quand les secondes ne parviennent plus à contrôler les premières, la réponse immunitaire est disproportionnée, permanente, hors de contrôle. Toutes les cellules mises en action lors de la réaction inflammatoire « normale » restent plus ou moins activées et entretiennent l’inflammation.

L’inflammation chronique peut être le résultat d’une évolution d’une inflammation aiguë, quand l’agent pathogène persiste ou quand l’inflammation aiguë touchant tel ou tel organe se produit de façon répétée, entraînant des destructions de tissus qui sont plus ou moins bien réparées. Mais elle peut aussi apparaître d’emblée de façon chronique, d’abord sous forme silencieuse, car sans signes visibles. C’est souvent le cas des maladies auto-immunes. Dans certains cas, l’inflammation perdure malgré la disparition de l’agent agresseur. Différents facteurs sont alors avancés pour expliquer ce passage à la chronicité (nous les détaillerons plus loin) : alimentation, stress, sédentarité, troubles du sommeil, exposition aux polluants, déséquilibres hormonaux, déséquilibre du microbiote...

Dans le cadre d’une maladie chronique, l’inflammation se traduit alors de façon différente de l’inflammation aiguë. Ce petit tableau résume leurs principales différences.

QUELS SONT LES SIGNES D’UNE INFLAMMATION CHRONIQUE ?
L’inflammation chronique peut se manifester par les maladies que nous venons de lister. Mais elle est généralement déjà présente bien avant que le diagnostic soit posé. Elle a en effet la particularité d’être silencieuse. On dit qu’elle évolue « à bas bruit ». C’est d’ailleurs le problème numéro 1 de l’inflammation chronique : c’est un « tueur silencieux » (« The Secret Killer », comme le titrait un numéro du magazine américain Time en 2004).

Alors que l’inflammation aiguë est généralement associée à la douleur, qui peut parfois être très vive, sa version chronique sait se faire discrète. Elle peut s’insinuer dans tous les systèmes de l’organisme, jusqu’à toucher des organes majeurs comme le cœur ou le cerveau, sans qu’on s’en aperçoive tout de suite. Quand les premiers symptômes surviennent, quand l’inflammation sort enfin de son silence, c’est déjà presque trop tard car la maladie est installée. L’inflammation a commencé à faire ses ravages et elle est déjà quasiment incontrôlable. D’où l’importance de savoir si l’on est atteint d’inflammation invisible pour agir sans attendre.

Heureusement, il est toutefois possible de la détecter de manière précoce afin d’adopter les bons réflexes. Il suffit de prêter attention aux signaux que votre corps vous envoie. Ils sont de différents ordres :
• Le surpoids, et en particulier un pourcentage de gras corporel élevé, surtout au niveau du ventre. La graisse en excès n’est pas seulement une réserve d’énergie : on sait aujourd’hui qu’elle est en première ligne de la production de médiateurs de l’inflammation (voir aussi p. 45).
• Des douleurs d’ordre digestif, articulaire, musculaire ou autre, sans cause appa- rente (comme un coup) : migraine, lumbago, torticolis...
• Des infections à répétition, d’ordre ORL, digestif ou gynécologique. Elles sont certes soulagées par des traitements ciblés, mais finissent toujours par revenir.
• Des troubles cutanés : eczéma, acné, psoriasis, rides prématurées...
• Des troubles psychologiques : irritabilité, dépression, pulsions, instabilité émotionnelle, difficultés de concentration... Lors de l’inflammation, la production de certains neurotransmetteurs, comme la sérotonine, est perturbée. Or cette substance joue un rôle fondamental dans la régulation de l’humeur, du sommeil, de la douleur, des comportements alimentaires...
• Une température moyenne élevée, toujours au-dessus de 37 °C. rappelons que la chaleur est l’un des signes caractéristiques de l’inflammation.
• Une fatigue permanente, sans cause apparente ; des problèmes de sommeil.
• Paraître plus vieux qu’on ne l’est en réalité. Cela pourrait aussi être un signe de l’inflammation !

Une étude menée sur 1 800 paires de jumeaux* a ainsi montré que celui des deux qui paraissait le plus jeune avait l’espérance de vie la plus longue et les télomères les plus  longs. Les télomères sont les extrémités des chromosomes : plus ils sont courts, plus ils indiquent l’existence d’une inflammation chronique.



Alix Lefief-Delacourt /  Laëtitia Proust-Millon

 

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