Les perturbateurs endocriniens, qu’est-ce que c’est ?




Parmi les nombreuses définitions qui décrivent ce que sont les PE, la plus communément admise est celle mise au point par l’OMS (Organisation mondiale de la santé) : « Les perturbateurs endocriniens sont des substances chimiques d’origine naturelle ou artificielle, étrangères à l’organisme, qui peuvent interférer avec le fonctionnement du système endocrinien et induire ainsi des effets délétères sur cet organisme ou sur ses descendants » (OMS 2002). En réalité, ces composés chimiques peuvent boule- verser l’équilibre hormonal et altérer d’autres fonctions et comportements régulés par le système hormonal (croissance, appétit, sommeil, etc.). Cette catégorie est divisée en deux sous-catégories : la catégorie 2a pour les perturbateurs endocriniens suspectés, et la catégorie 2b pour les perturbateurs endocriniens pour les substances possédant des indications de propriétés de perturbation endocrinienne.

Comment fonctionnent-ils ?
Les perturbateurs endocriniens sont sournois, habiles, de véritables usurpateurs qui peuvent agir :
• En mimant l’action d ’une hormone naturelle, ou partiellement comme les œstrogènes (l’hormone sexuelle féminine), les androgènes (l’hormone sexuelle mâle) et les hormones thyroïdiennes, en se fixant sur les récepteurs des hormones naturelles, entraînant une réponse due à cette hormone et déclenchant ainsi des réactions non souhaitables.
• En gênant, en bloquant le mécanisme de production ou de régulation des hormones ou des récepteurs, ils modifient les concentrations d’hormones de l’organisme.
• En modifiant, au cours de la formation des embryons, le nombre de récepteurs normalement prévus sur les cellules, causant des dommages irréversibles.
• En interférant dans le travail de certaines protéines chargées de réguler les taux d’hormones qui circulent dans le sang.
• En agissant directement sur la synthèse elle-même des hormones ainsi que sur leur transport dans l’organisme et leur élimination naturelle.
Or, les hormones sont les messagers de l’organisme. Si elles sont perturbées, c’est le corps entier qui est déréglé ! Un certain nombre d’affections sont suspectées d’être la conséquence d’exposition aux perturbateurs endocriniens : baisse de la qualité du sperme, augmentation de la fréquence d’anomalies du développement du tractus génital (le lieu de synthèse des gamètes, leur voie de cheminement et leur lieu de stockage), de la fonction de reproduction. Mais aussi de cancers dont le développement est influencé par des mécanismes hormonaux (cancers hormonodépendants). La recherche montre que les perturbateurs endocriniens peuvent présenter le plus grand risque au cours du développement prénatal et postnatal lorsque organes et systèmes neuronaux se forment.
Les stratégies varient et ne sont sans doute pas toutes connues à l’heure actuelle.

De très nombreux composés chimiques peuvent prendre la place des hormones, avec des résultats divers et encore mal connus. Il semble qu’à quantité égale, les perturbateurs endocriniens sont moins efficaces que les hormones, mais c’est leur effet cumulatif qui est dangereux et, pire que ça, l’effet cocktail dont on parle plus loin.

Cependant, comme ils proviennent de plusieurs sources et s’accumulent en quantités importantes dans l’organisme, ils pourraient avoir un effet cumulatif et perturber le fonctionnement normal des
hormones.

Malgré tout, les effets des PE sur la santé humaine sont encore sujets à controverse, notamment sur le délicat problème des « doses ». À partir de quelle dose, les PE menacent-ils la santé ? À partir de quelle dose, les PE vont-ils interférer avec le fonctionnement du système endocrinien ?

Pe, où les trouve-t-on, d’où viennent-ils ?
Les perturbateurs endocriniens peuvent être d’origine naturelle – ce sont les hormones naturelles ou de synthèse, œstrogènes, testostérone, progestérone, souvent utilisées en thérapeutique – ou être une conséquence des activités humaines – produits issus de l’industrie chimique contenus dans des objets de consommation courante, produits de traitement des cultures, médicaments, cosmétiques, etc. Leur présence se fait, soit de manière naturelle, soit du fait d’une contamination, dans différents milieux (eaux, aliments, produits ou articles de consommation...).

Le rapport de L’OMS
En 2012, l’Organisation mondiale de la santé a classé les substances considérées comme PE en onze catégories différentes, réparties en quatre groupes. Au total, huit cents substances ! Nous n’aborderons ici que les principaux PE : la famille des produits chimiques industriels, les pesticides et produits phytosanitaires, les hormones stéroïdiennes, les produits pharmaceutiques.
Ces substances peuvent être trouvées dans de nombreux produits de consommation courante comme des bouteilles en plastique, des boîtes de conserve en métal, des détergents, des agents ignifuges, des aliments, des jouets, des cosmétiques, des pro- duits pharmaceutiques, dans l’eau, l’alimentation, dans l’air, et beaucoup, beaucoup, dans les pesticides.

Les principaux Pe dans l’environnement
Ce sont :
• Les substances produites intentionnellement pour leur effet hormonal (hormones de synthèse). Exemple : les contraceptifs ou les molécules utilisées dans le traitement de la stérilité.
• Les substances chimiques de synthèse fabriquées avec des objectifs variés, sans que l’effet sur le système hormonal ait été recherché. C’est le cas des pesticides organochlorés, des herbicides, de certains plastifiants (bisphénol A, certains phtalates), des dioxines ou apparentés (polychlorobyphényles, PCB), des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), des retardateurs de flamme.
• Les composés naturels comme les phyto-œstrogènes présents à l’état naturel dans une grande variété de plantes. Ils présentent une activité hormonale similaire. Des exemples de phyto-œstrogènes sont la génistéine et la daidzéine, cette dernière se trouvant dans le soja et ses produits dérivés.
La Commission des Communautés européennes citait au moins 124 substances suspectes prioritaires (CCE, 2001), et la liste des substances à effet PE ne cesse de s’agrandir.

Tableau

Le bisphénol a (bPa)
Ce composé chimique organique appartient à la famille des diphénylalcanes hydroxylés, ou bisphénols. Il existe un grand nombre d’autres bisphénols, notamment des bisphénols F et S qui servent à la fabrication de polycarbonates, de résines époxy, de papiers thermiques, de résines polyesters.

Qu’est-ce que c’est ?
Étudié dans les années 1930 dans la recherche d’hormones de synthèse visant à limiter les fausses couches ! Délaissé au profit du Distilbène (DES) retiré en Angleterre en 1973, en Belgique, en 1975 et en France en 1977, après avoir causé bon nombre de méfaits sur plusieurs générations, le bisphénol A a été utilisé depuis les années 1960 par l’industrie des plastiques pour la fabrication de produits de la vie quotidienne.

Cette substance chimique produite en grandes quantités est utilisée principalement pour la production de matières plastiques sous la forme de polycarbonate (70 % du BPA produit) : CD, DVD, verres de lunettes, prises et interrupteurs électriques, boîtiers électroniques téléphones portables, ordinateurs, bouilloires, cafetières électriques, vitrages de sécurité et, en contact avec l’alimentation, bombonnes d’eau, bouteilles, biberons, boîtes de conservation ou pour micro-ondes, vaisselle, etc., soit environ 3 % des polycarbonates utilisés ; et des résines époxy (30 %), utilisées, elles, pour protéger de l’oxydation certains équipements et objets : coques de navires, meubles métalliques, câbles, mastics, adhésifs, articles de sports, fluides de freinage, encres d’imprimerie, sols, tuyauteries, cuves, canalisations, amalgames dentaires et, en contact avec l’alimentation, fûts (vin, bière), boîtes de conserve, canettes dont l’intérieur contient un film en résine époxy, soit environ 11 % de la résine époxy utilisée. Le bisphénol A intervient également dans la synthèse de certains retardateurs de flamme et comme révélateur dans les papiers thermiques. Il est également un composant essentiel de certains plastiques ou dérivés utilisés dans toute une série d’applications médicales telles que les adhésifs et les scellants utilisés en dentisterie, les incubateurs en soins intensifs néonatals, les hémodialyseurs et les machines de pontage cardiopulmonaire.

Dangers !
Une fois le BPA ingéré, il est absorbé par le système digestif et efficacement métabolisé par le foie en un produit non toxique, qui va dans le sang. Il est ensuite rapidement évacué par les reins à travers l’urine.

Quand le BPA arrive dans le corps à la suite de l’utilisation d’appareils médicaux tels que des cathéters ou des matériaux polymères utilisés pour les appareils d’hémodialyse, l’efficacité du métabolisme à former un métabolite non toxique est moindre. En revanche, son élimination se fait aussi relativement rapidement, de telle sorte que le BPA ne peut s’accumuler dans le corps.

Les risques d’une exposition au BPA lors de l’utilisation d’appareils médicaux sont liés au rejet de BPA par ces appareils. Le niveau réel d’exposition a été examiné pour différents scénarios d’utilisation. Dans la plupart de ces applications, notamment l’utilisation en dentisterie, la quantité de BPA à laquelle les personnes sont exposées est considérée comme sûre, car elle ne dépasse pas la limite de la dose journalière tolérable, à savoir 4 μg par kilo de poids corporel par jour. De plus, l’exposition au BPA lors de l’utilisation d’appareils médicaux ne se fait généralement que sur une courte période, tandis que la dose journalière tolérable suppose une exposition quotidienne continue, tout au long de la vie (Greenfact).

La caractéristique du bisphénol A ? C’est est un œstrogéno-mimétique ! Il se fixe aux récepteurs alpha et bêta des œstrogènes. Sa présence excessivement constante dans l’environnement a alerté la communauté scientifique et donné lieu à des débats ani- més sur les risques liés à l’exposition à de faibles doses de BPA dans les produits de consommation courante. En 2002, des experts internationaux se sont intéressés aux potentiels effets cancérogènes du BPA chez l’homme. Des études in vivo et in vitro ont été analysées. Sur la base des recommandations méthodologiques du CIRC (Centre international de recherche sur le cancer) et de l’agence de protection de l’environnement américaine, il a été conclu que le BPA n’était pas susceptible d’être cancérogène chez l’humain (Haighton, 2002). Des études confirmées en novembre 2009 par l’Infosan (Réseau international des autorités de sécurité sanitaire des aliments), et en 2010 par le rapport préliminaire de l’Inserm : l’apparition de facteurs précurseurs de cancer du sein ou de la prostate identifiée chez des rongeurs exposés au BPA semble difficilement transposable à l’homme ; en effet, les résultats de ces études sont « hétérogènes et difficilement comparables ». Mais, en septembre 2008, le Centre NTP pour l’évaluation des risques pour la reproduction humaine a effectué un examen de BPA et a exprimé « une certaine inquiétude pour les effets sur le cerveau, le comportement et la glande de la prostate chez les fœtus, les nourrissons et les enfants à des expositions humaines actuelles au bisphénol. »

En 2010, les médecins de l’Association santé environnement France (l’ASEF), médecins de terrain qui ont depuis longtemps mis en place un principe de précaution et de protection des personnes les plus vulnérables, notamment les femmes enceintes et les bébés, doivent donner de vraies réponses à leurs patients (est-ce que je peux faire chauffer le biberon en plastique de mon bébé au micro-ondes sans craindre qu’il ne soit contaminé par le BPA ?), et conseillent l’utilisation du biberon en verre ou en plas- tique sans BPA. En septembre 2011, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a publié une expertise collective sur les effets sanitaires du BPA et, sur la base de l’analyse de l’ensemble de la littérature scientifique disponible, le groupe d’experts de l’Anses a conclu à l’existence d’effets avérés chez l’animal (effets sur la reproduction, sur le métabolisme, le cerveau et le comportement) et d’autres, suspectés chez l’homme (effets sur la reproduction et sur le métabolisme des sucres et des graisses, pathologies cardiovasculaires).

Le BPA pourrait également avoir des effets particuliers sur le métabolisme et la prise de poids, sur le développement des glandes mammaires et sur le comportement et l’anxiété.

Malgré une importante consommation de produits alimentaires en contact avec du BPA, l’exposition des adultes et des enfants est estimée être largement inférieure à la DJA (dose journalière admissible) de 0,05 mg/kg/j (EFSA, 2008). On estime en effet à 0,000030 mg/kg/j de BPA l’ingestion moyenne des adultes due aux boissons en bou- teille de polycarbonate, aliments en conserve et chauffés au four à micro-ondes dans leur emballage (Portail de la science, 2010) ; celle des nourrissons due à la consommation de lait maternel ou maternisé se situe entre 0,000020 et 0,00033 mg/kg/jour ; quant à la migration à partir des biberons, la dose ingérée se trouve entre 0,000017 et 0,00012 mg/kg/jour (Anses, 2010).

Les travaux et les recommandations de l’Anses
L’Anses a identifié, en France, près d’une soixantaine de secteurs d’activité potentiellement utilisateurs de cette substance. Ses travaux sur les usages et les effets sanitaires du bisphénol A l’ont conduite à recommander, en septembre 2011, une réduction des expositions de la population, notamment par sa substitution dans les matériaux au contact des denrées alimentaires. En septembre 2012, elle a aussi proposé au niveau européen, dans le cadre de la réglementation CLP, un classement plus sévère du bis- phénol A en tant que toxique pour la reproduction. Par ailleurs, en avril 2013, l’Agence a publié les résultats de l’évaluation des risques sanitaires associés au bisphénol A. Ce travail est accompagné de trois autres rapports : un état des lieux des alternatives potentielles au bisphénol A, une évaluation des dangers d’autres composés de la famille des bisphénols et un rapport sur les incertitudes entourant les perturbateurs endocriniens.

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BPA a pour dénomination chimique : 4,4’-Isopropylidènediphénol. Il appartient à la famille des diphénylalcanes hydroxylés, ou bisphénols. Avant transformation, c’est un solide blanc qui se présente sous la forme de poudre, d’écailles ou de cristaux peu odorants. La production mondiale de BPA dépasse 3 millions de tonnes par an, dont 700 000 sont produites et consommées dans l’Union européenne.
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 L’interdiction en France
La France est à l’avant-garde de l’interdiction du bisphénol A, après l’examen du rap- port de l’Anses rendu et dont les conclusions s’opposaient à celles de son homologue européenne, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).

En effet, dans l’Hexagone, la loi concernant l’interdiction de l’utilisation du bisphénol A dans les contenants alimentaires (il est toujours autorisé dans le reste de l’Union, à l’exception des contenants alimentaires destinés aux jeunes enfants) a été votée au Sénat en 2e lecture en décembre 2012 : celle-ci est effective depuis le 1er janvier 2013 pour les produits destinés aux enfants de moins de 3 ans, et le sera au 1er janvier 2015 pour les autres produits, dont les tickets de caisse thermiques.
En juin 2017, le 4,4’-isopropylidènediphénol ou bisphénol A, a été reconnu comme perturbateur endocrinien par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), à la demande de la France en février. Cette molécule est dorénavant classée comme telle en raison « d’effets sanitaires sérieux tels que le développement de tumeurs mammaires, l’altération des fonctions cognitives et du métabolisme ». Un choix pris à l’unanimité du comité des États membres, sans quoi il aurait été laissé à la Commission européenne. L’inscription sur cette liste, appelée « liste des substances extrêmement préoccupantes candidates en vue d’une autorisation », oblige l’industrie à notifier à l’ECHA la présence de la substance concernée dans tout produit fabriqué ou importé dans l’UE. Pour le consommateur, cela lui ouvre le droit à être informé, sur sa demande, de sa présence dans un produit qu’il souhaiterait acheter.

Ce qu’il faut désormais, c’est soit la prise de mesures de restriction, soit l’inscription sur la liste d’autorisation. C’est normalement un processus très long, espérons que cela ne prendra pas trois ans...

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Faut-il interdire le BPa Dans les appareils médcaux ?
Selon les estimations, la plus forte exposition au BPA a lieu durant des procé- dures médicales prolongées, en particulier pour les nouveau-nés en unités de soins intensifs, les enfants subissant des procédures médicales prolongées et les patients dialysés. Selon les informations disponibles, le Scenihr (Scientific Committee on Emerging and Newly Identified Health Risks) conclut que le risque d’effets indésirables liés au BPA pourrait exister dans ces cas, l’exposition dépassant la valeur de référence et la population exposée pouvant être particulièrement vulnérable. Il faut tenir compte de la fameuse équation bénéfices/ risques. Les appareils médicaux n’y échappent pas : c’est l’exemple des appareils qui servent à la survie des prématurés. La possibilité de trouver des solutions alternatives au matériel contenant du BPA doit être évaluée en termes d’efficacité du traitement, et de nocivité potentielle de ces solutions alternatives. Cela n’est pas encore possible car on ne dispose pas de suffisamment d’informations sur d’autres appareils potentiels.
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Oui mais... Un casse-tête !
Après que le BPA a été distingué comme le seul produit chimique préoccupant dans le groupe des bisphénols, et réglementé en tant que tel, les fabricants l’ont largement remplacé par le bisphénol S (BPS) et F (BPF). Or, des travaux français publiés dans la revue Fertility & Sterility et menés par le biologiste René Habert, professeur à l’université Paris 7 et chercheur au laboratoire de développement des gonades (CEA, Inserm, université Paris 7), montrent que ces deux produits qui sont utilisés en remplacement du BPA présentent les mêmes effets négatifs sur le développement de l’appareil génital masculin.


                                                                                              

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Couverture de livre

 

 

Patricia Riveccio est une journaliste spécialisée dans le domaine de la santé et de l’alimentation depuis plus de 30 ans. Elle est également l’auteur de nombreux livres sur le thème de la santé et du bien-être dont Le Grand livre de l’hypnose et de l’autohypnose (coécrit avec Jean-Jacques Garet).