Les étapes pour agir auprès de l’enfant ayant des particularités sensorielles

Pour trouver la façon d’avoir un effet sur le comportement de votre enfant, il faut mettre des « lunettes sensorielles » et s’attarder à tous les petits détails. Voilà pourquoi, avant d’agir auprès de votre enfant, il est essentiel d’observer trois éléments :
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Étape 1 : Observer
Pour trouver la façon d’avoir un effet sur le comportement de votre enfant, il faut mettre des « lunettes sensorielles » et s’attarder à tous les petits détails. Voilà pourquoi, avant d’agir auprès de votre enfant, il est essentiel d’observer trois éléments :
◗ Les comportements dérangeants (par ex. : hurler, pleurer, taper, mordre, se cacher dans un coin, refuser de coopérer) ;
◗ Les éléments sensoriels présents dans l’environnement (par ex. : les personnes présentes, l’éclairage, le bruit ambiant, les odeurs, les mouvements dans la pièce, la température) ;
◗ Les exigences sensorielles liées à l’activité demandée (par ex. : les mouvements à faire par l’enfant, la posture nécessaire, la texture des vêtements, le goût des aliments).

Étape 2 : Analyser
Pour s’assurer que les problèmes comportementaux sont associés au traitement de l’information sensorielle chez l’enfant, il importe de tester vos hypothèses. Parfois, le problème de comportement peut être provoqué par une autre raison que l’aspect sensoriel, d’où la nécessité de documenter la situation en continu. Pour cela, vous devez vous poser les questions suivantes :
◗ À quel moment le comportement de mon enfant a-t-il commencé ?
◗ À quelle fréquence le comportement se présente-t-il ?
◗ Comment se manifestent les premiers signes ?
◗ Est-ce que le comportement apparaît chaque fois que l’activité a lieu, peu importe la personne qui se trouve avec mon enfant ?
◗ Quels sont les éléments qui peuvent modifier, aggraver ou diminuer le comportement ? Par exemple, est-ce que mon enfant est aussi turbulent à la maison que lors d’une visite chez ses grands-parents ? S’oppose-t-il de la même façon lorsque ses cheveux sont mouillés dans le bain ou à la piscine Est-ce qu’il est plus désorganisé selon l’heure de la journée ou en fonction de l’intensité lumineuse ou sonore ? Est-ce que mon enfant est moins réceptif à mes consignes s’il vient juste de terminer d’écouter la télévision ou s’il revient de jouer à l’extérieur ?

Cette démarche de questionnements et de validation est doublement utile. En effet, vos observations permettent d’envisager d’autres hypothèses pour ensuite saisir les causes du problème. Bien que ce livre propose principalement des stratégies sensorielles, il est important de ne pas négliger d’autres hypothèses pertinentes. Une analyse détaillée permet d’identifier la source du com- portement et, par la suite, d’intervenir de façon ciblée et pertinente. Quelques ressources pour vous guider dans votre analyse et votre recherche de solutions sont proposées à la fin du livre.

Mise en garde
Plusieurs stratégies globales et spécifiques ainsi que des témoignages seront présentés dans les prochaines pages. Les techniques décrites (par ex.: massage, cachette sensorielle, parcours moteur, etc.) ne peuvent être que bénéfiques pour votre enfant et sont à utiliser sans modération. Toutefois, les différents témoignages décrivent des moyens qui ont été individualisés aux besoins de l’enfant et qui se sont spécifiquement révélés efficaces dans chaque cas. Ces moyens peuvent être pertinents pour votre enfant, mais il est recommandé de bien valider leur utilisation, notamment avant de procéder à un achat (par ex. : coquilles, matériel lourd, assises dynamiques, etc.). Au besoin, consultez un ergothérapeute.

Étape 3 : Agir
Stratégies globales
Que votre enfant présente des comportements associés à de l’hypersensibilité, de l’hyposensibilité ou de la recherche de stimulations sensorielles, il est essentiel que vos interventions soient constantes, prévisibles et lui donnent le plus de contrôle possible.
◗ Le fait d’être constant signifie de toujours avoir les mêmes demandes envers votre enfant. Par exemple, si vous décidez au repas de lui offrir des légumes, il faut continuer de le faire chaque jour et persévérer même s’il les rejette ou réagit avec intensité. Si vous retirez les légumes dès qu’il proteste, vos exigences ne sont pas maintenues et l’enfant ne sait pas ce que vous attendez de lui. Plutôt que de vous résigner, il faut trouver une manière acceptable de lui présenter constamment des légumes à tous les repas, par exemple en les mettant dans une assiette différente de celle qui contient son mets principal. Pour plus de constance, modifiez un seul paramètre sensoriel* à la fois.

◗ Être prévisible consiste à informer votre enfant de la modification d’une activité ou d’un paramètre sensoriel de l’environnement. Par exemple, s’il tolère mal le fait d’être dans une foule à cause du bruit et des mouvements des passants, vous devez l’informer à l’avance qu’une visite au centre commercial est au programme de la journée. Il est préférable de le lui dire au début de la journée ou de la semaine, selon son âge et sa compréhension du temps qui passe. Un horaire imagé présentant la séquence d’activités de la journée peut aussi l’aider à se préparer.

◗ Offrir du contrôle à l’enfant consiste à lui permettre de faire des choix dirigés*, c’est-à-dire choisir entre diverses possibilités que vous jugez acceptables. Par exemple, si votre enfant recherche des stimulations vestibulo-proprioceptives* en sautant sur les lits, en courant dans la maison ou encore en bondissant dans les marches d’un palier à l’autre, il vaut mieux lui offrir plusieurs options pour répondre à son besoin de stimulations. Concrètement, vous pouvez lui offrir du contrôle en lui proposant deux activités appropriées au contexte, telles que sauter sur un trampoline ou se balancer dehors. Cette façon de faire est plus valorisante pour votre enfant que de se faire réprimander à propos de ses comportements. Il est toutefois important de lui expliquer pourquoi certaines activités sont inadéquates ou inacceptables pour son âge.

Tout en gardant en tête ces trois stratégies globales (constance, prévisibilité et offre de contrôle), des stratégies spécifiques s’appliquent selon le profil de comportement (hypersensibilité, hyposensibilité ou recherche de stimulations) correspondant aux manifestations de votre enfant.

Stratégies spécifiques pour l’enfant ayant une hypersensibilité

◗ Éliminer
Si la stimulation sensorielle dérangeante pour votre enfant peut être complètement retirée, il est bénéfique de le faire. Par exemple, s’il est distrait par les passants dans la rue lorsqu’il fait ses devoirs, il est possible de fermer les rideaux.
◗ Graduer
Il vaut mieux que votre enfant apprenne à tolérer certaines stimulations. C’est notamment le cas du bruit de la radio, car si vous pouvez éliminer ce bruit à la maison, il est impossible de l’arrêter au magasin lorsque vous faites les courses. Pour que l’enfant qui supporte mal le bruit soit à l’aise à la maison, vous pouvez d’abord simplement baisser le son, puis l’augmenter progressivement au fur et à mesure qu’il s’habitue à l’intensité du bruit. La stimulation sonore dérangeante est ainsi graduée pour atteindre un niveau acceptable qui permet le bien-être et qui convient à tous. Dans cet exemple, votre enfant pourra être dans la même pièce que le reste de la famille.

Graduer nécessite aussi de s’attarder aux rythmes des stimulations sensorielles. Si votre enfant a facilement le mal des transports et que les accélérations et les changements de direction de la voiture sont brusques, le voyage devient inconfortable pour lui. La situation peut être similaire si, parfois, durant le bain, vous lavez rapidement et vigoureusement votre enfant alors qu’à d’autres occasions, vous avez des gestes lents et soigneux. Le rythme et la force des stimulations sont des éléments de constance auxquels il faut porter attention chez l’enfant hypersensible et qu’il faut graduer selon son niveau de tolérance.
◗ Combiner
Il arrive que diverses stimulations sensorielles soient désagréables pour l’enfant, mais qu’elles ne puissent pas être modifiées. C’est le cas, notamment, lorsque vous devez appliquer une crème médicamentée sur la peau de votre enfant. Le fait d’être maintenu et la sensation d’être frictionné peuvent être difficiles à tolérer pour lui. Toutefois, il est possible de rendre l’activité plus acceptable en attirant l’attention de l’enfant vers une autre stimulation agréable, comme chantonner ou raconter une histoire. Cette stratégie est particulièrement pertinente en bas âge.

Stratégie spécifique pour l’enfant ayant une hyposensibilité
◗ Intensifier
Pour l’enfant plutôt passif et qui se met peu en action, il faut amplifier ou accentuer les stimuli. Il sera notamment plus efficace de l’interpeller en chantonnant son nom, en bougeant les bras ou en éteignant la lumière plutôt que de lui demander de venir vous voir sur un ton neutre. Intensifier la stimulation demande toutefois de connaître ce qui intéresse votre enfant afin de favoriser un niveau d’éveil optimal. Les variations rapides de sons, les mouvements et les lumières sont générale- ment de bonnes pistes. Néanmoins, il faut éviter de le surprendre ou de lui faire peur avec des gestes ou des stimuli vocaux trop forts.

Stratégie spécifique pour l’enfant qui recherche des stimulations
◗ Doser et encadrer
Il est important de favoriser un lieu et un moment opportun pour que votre enfant obtienne la dose de sensations recherchées. Par exemple, il est préférable de l’amener se balancer à l’extérieur plutôt que de le laisser se bercer sur les pattes de sa chaise. En lui donnant suffisamment d’occasions de satisfaire son besoin de stimulation, il sera plus disponible pour faire d’autres activités et s’y sentira plus à l’aise.

Étape 4 : Réanalyser
Après avoir mis en place diverses stratégies, il est nécessaire de tenir compte des réactions de votre enfant. Avez- vous bien identifié son profil de comportement lors de l’activité ? Avez-vous agi sur la stimulation sensorielle qui pose véritablement problème ? Respectez-vous les règles de constance, de prévisibilité et de contrôle ? Dans le doute, il peut être pertinent de demander l’avis de quelqu’un de votre entourage sur la situation ou encore de consulter un ergothérapeute.

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En conclusion
Afin de bien cerner la situation de votre enfant, il faut vous poser plusieurs questions, tant à propos de ses manifestations de joie que de ses protestations. Il est conseillé d’essayer entre trois et dix fois la stratégie durant la même activité avant d’en expérimenter une autre. Plus une activité est fréquente (par ex. : le repas), plus elle est bien apprise par l’enfant et plus les essais doivent être nombreux. Rappelez-vous que si vous changez un paramètre sensoriel (éclairage, odeur, niveau de bruits, etc.), votre enfant ne peut pas prévoir votre comportement. Il devra s’adapter à un nouveau contexte, ce qui demandera un peu de temps et pourra accentuer certaines de ses réactions. Si vous n’y arrivez pas par vous-même, vous pouvez consulter un ergothérapeute pour vous soutenir dans vos interventions.
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   Myriam Chrétien-Vincent, Sylvie Tétreault et Emmanuelle Rossini-Drecq

 

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