Les chemins de la douleur


La douleur est un « ennemi » à plusieurs visages. Or, on ne combat efficacement que ce que l’on connaît. Force est donc de faire plus ample connaissance avec ce phénomène kaléidoscopique. Il existe plusieurs types de douleurs : les douleurs externes dues à une agression au niveau des tissus ; les douleurs internes consécutives à une lésion ou à un dysfonctionnement organique ; les douleurs à forte composante psychologique ; les douleurs dénuées d’une origine physiologique décelable ; les douleurs fantômes...

Externe ou interne ?
On peut pourtant les classer en deux grandes catégories. Les douleurs les plus courantes sont provoquées par des facteurs externes. Elles sont dues à une activation des récepteurs cutanés. Notre peau n’est pas seulement un papier cadeau, un emballage qui nous protège contre les agressions extérieures. Elle constitue aussi une inter- face majeure entre notre monde intérieur et celui qui nous entoure.

Elle renferme des milliers de capteurs qui nous permettent de sentir le chaud et le froid, le sec et l’humide, le rugueux et le doux, le ferme et le mou... C’est également grâce à ces récepteurs que nous ressentons certaines douleurs, comme celle qui nous saisit lorsque nous posons par mégarde la main sur la semelle brûlante d’un fer à repasser. Avec un but très clair : c’est cette sensation douloureuse qui nous incite à retirer violemment notre main pour échapper au danger.

Ce type de douleur concerne au premier chef les altérations cutanées superficielles (égratignure, coupure...), mais aussi celles qui se déroulent dans les couches plus profondes de la peau, comme les bosses et les ecchymoses. Les brûlures provoquent une douleur du même ordre, même si selon leur degré de gravité, elles touchent seulement la surface de la peau ou s’immiscent dans ses strates profondes.

Deuxième catégorie : les douleurs d’origine interne. Elles sont révélatrices d’une lésion organique, d’une inflammation tissulaire profonde, d’un dysfonctionnement articulaire... Disons-le tout de suite : les organes eux-mêmes sont indolores. Le message douloureux est émis par les tissus environnants qui sont, eux, richement innervés. De fait, en temps normal, nous ne sentons pas nos organes internes. Certes, nous avons conscience des battements de notre cœur ou du gonflement de nos poumons, mais nous ne percevons pas nos reins, notre foie, notre rate, notre pancréas... Au point que nous avons du mal à les situer exactement.

Il faut que l’atteinte soit très intense pour que nous percevions la douleur d’un organe : un ulcère perfore l’estomac ; la paroi du cœur commence à s’altérer par manque d’oxygène... Mais même dans ce cas, ce n’est pas toujours au niveau de l’organe lui-même que nous la ressentons. L’infarctus provoque une douleur dans la poitrine, au poignet ou sur la face interne du bras gauche. En cas de caillou dans la vésicule biliaire, c’est dans le dos que la souffrance se fait souvent sentir.

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Des douleurs... inclassables !
elles constituent une troisième catégorie. ce sont les douleurs ressenties au niveau d’un membre qui a été amputé, ou dans certaines maladies comme la fibromyalgie. dans ce cas, il n’y a pas de stimulus à l’origine de la douleur, ni interne ni externe.
La sensation procède d’un dysfonctionnement du système nerveux, qui transmet une douleur dénuée de sens. celle-ci existe alors par elle-même et pour elle-même, sans transmettre aucun message qui permettrait d’agir à sa source. ces douleurs sont plus difficiles à éradiquer. heureusement, elles sont beaucoup plus rares.
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Une impulsion, des milliards de neurones...
Dans tous les cas, la douleur emprunte pourtant les mêmes chemins. Ceux-ci sont très complexes, mais ils suivent peu ou prou le même schéma. En voici un aperçu simplifié. Une fois activés, les récepteurs internes et externes envoient une impulsion électrique le long des nerfs. Cette information rejoint la moelle épinière, puis le faisceau spino-thalamique et enfin le thalamus, grande gare de triage des messages nerveux. Là, la douleur est « colorée » par la tonalité des souffrances précédentes et par les émotions qui l’accompagnent (voir livre ci-dessous, p. 52). C’est là que « la douleur » devient « votre douleur ». Dernière étape : le message parvient au cortex cérébral où il est décrypté. Aïe ! Le tout n’a duré que quelques millièmes de secondes.

Ce trajet schématique est modulé par des systèmes annexes. D’abord, nous disposons d’un dispositif très complexe, le gate-control (en français « gare de péage »), capable de moduler l’intensité du message en laissant passer certaines informations et en en détournant d’autres. Il intervient surtout dans les douleurs chroniques.

Les recherches en neurosciences ont permis, au cours des dernières décennies, d’affiner ce tableau resté assez vague pendant des siècles. Elles ont ainsi mis en lumière l’existence de deux « voies » à l’intérieur du corps : l’une ascendante, l’autre descendante. La première permet d’acheminer le message « douleur » depuis le lieu de sa naissance (la stimulation externe ou interne) jusqu’au cerveau qui va déclencher le message douloureux proprement dit. La seconde part du cerveau et descend le long des voies nerveuses afin d’atténuer la puissance du message, voire de l’inhiber. Ce « système inhibiteur » peut être activé automatiquement, mais aussi volontairement. En clair : certaines pratiques comme la respiration, la relaxation, le yoga... activent ce mécanisme (images cérébrales à l’appui !), ce qui fait baisser l’intensité de la douleur. Nous y reviendrons.


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Précieux neurotransmetteurs
Les impulsions électriques voyagent dans le système nerveux et le cerveau avec le concours de ces substances chimiques qui permettent leur passage entre les neurones. Les neurotransmetteurs sont produits par l’organisme. Ils servent de « véhicule » aux informations qui circulent dans le cerveau. chaque neurotransmetteur permet la circulation d’un type d’information : certains, comme l’acétylcholine, favorisent l’acheminement des messages douloureux, alors que d’autres, comme les endorphines, les freinent et les atténuent.

tout ce qui peut conduire l’organisme à produire davantage des secondes que des premières, contribue à atténuer la douleur. une meilleure gestion du stress et des émotions négatives, notamment, permet d’améliorer l’efficacité de ces antidouleurs endogènes.

une fois encore, de nombreux outils antidouleur sont capables d’agir sur la production de ces neurotransmetteurs, dans un sens comme dans l’autre. heureusement, on sait aujourd’hui lesquels choisir et comment les pratiquer afin d’augmenter la production des neurotransmetteurs qui freinent l’acheminement des messages douloureux et atténuent leur intensité.
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Docteur Yann Rougier / Marie Borrel

 

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