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Pourquoi les enfants aiment-ils tant le sucre ?
Parce que le « sucré » est le seul goût inné, celui pour lequel nous n’avons pas besoin de faire un effort. Tous les bébés adorent l’eau sucrée, il suffit d’observer les mimiques sur leur visage lorsqu’on leur propose un biberon d’eau salée, acide, amère ou sucrée. C’est très rigolo ! Grand sourire pour le sucre, rejet expressif pour l’amer et l’acide. En fait, nos préférences alimentaires une fois adultes résultent d’ailleurs d’un long et patient apprentissage. On le sait bien, enfant, il fallait nous présenter un aliment une petite dizaine de fois avant qu’il soit accepté, intégré à nos « comestibles », et que l’on décide si oui ou non il nous convenait. C’est pourquoi habituellement, les enfants n’apprécient pas certaines saveurs « adultes », comme les huîtres, l’oseille ou les épinards, le vinaigre, le citron, les cornichons, le café... Bien entendu, il y a toujours des exceptions, mais globalement les enfants préfèrent les biscuits au chocolat plutôt qu’un plateau de fruits de mer. Le sucre, donc, est la saveur la plus « facile », surtout si pendant sa grossesse la maman a mangé beaucoup de sucré. C’est aussi pour cela que l’on se tourne vers elle en cas de difficulté dans la vie, de coup dur, de réconfort : un repos des papilles.
Pourquoi le stress donne-t-il envie de sucré ?
Parce que « le sucré » active le système de récompense dans notre cer- veau. Il déclenche immédiatement la fabrication d’hormones apaisantes. Ce que ne font ni la viande, ni le poisson ou les œufs, ni les légumes... Si tous les aliments participent à notre équilibre et à notre bonne humeur en tricotant avec leurs « petites mains » les conditions cellulaires propices à notre bien-être, seuls les produits sucrés ont ce pouvoir (maléfique finalement) de nous « récompenser » aussi brusquement que si l’on appuyait sur un bouton. Il est indispensable de se rendre compte qu’il s’agit d’un piège, ou d’un mirage si vous préférez, et que si l’on se rue sur les bonbons à chaque contrariété, la « récompense » va se transformer en terrible punition et mener petit à petit aux maux dont nous avons parlé et reparlerons dans ce livre.
Peut-on parler d’addiction au sucre ? Et comment s’en sortir ?
Oui. Et l’on peut donc aussi dire, logiquement, que le sucre est une drogue. Ce fait a été démontré dans diverses études spectaculaires, dont celle bien connue sur les rats : si on propose à ces derniers de la cocaïne ou du sucre... ils se ruent sur le sucre ! De nombreuses études d’intervention chez les humains ont également mis en évidence une réelle difficulté à « décrocher », une accoutumance, un mal-être lié au sevrage, bref, la panoplie type de l’addiction. On connaît bien le mécanisme désormais : les produits sucrés, par exemple un verre de soda ou un éclair au café, activent le « système de récompense » dans le cerveau, et stimulent notre production de dopamine, hormone du plaisir et de l’émotion forte – lorsque vous vous sentez « transporté » par une saveur, l’écoute d’une musique particulièrement parfaite ou simplement un paysage à couper le souffle, c’est grâce à la dopamine sécrétée par votre cerveau. Comme il n’est pas toujours facile de trouver autour de soi « un paysage à couper le souffle », surtout le soir après le boulot, dans le métro, forcément, on a plus de chances de ressentir ce petit plaisir en mâchonnant une barre chocolatée. C’est d’ailleurs le cœur du problème : les produits sucrés sont consommés en masse et souvent sans aucun rapport avec la faim parce qu’ils représentent la solution la plus simple, la moins chère, la plus « à portée de main », pour se faire plaisir, ressentir de l’apaisement. Et comme pour toute drogue, il en faut « de plus en plus » pour obtenir le même résultat : très vite, un bonbon ne suffit plus, il en faut 2 puis 6, puis 12.
C’est pourquoi se débarrasser du sucre est tellement difficile si, à la place, on ne remplace pas le plaisir qu’il procure par un autre plaisir, équivalent en force... mais pas en calories ni en retombées hormonales ! Les grands passionnés d’aquariophilie, d’humanitaire, de philatélie, de musique, de théâtre japonais, de jardinage, de sport ou de littérature serbo-croate ne pensent pas à grignoter tandis qu’ils s’adonnent à leur hobby. Ils ne cherchent pas non plus leur « petit frisson » dans la nourriture, mais dans un joli geste, dans la recherche d’un timbre rare, etc. Copiez-les ! C’est la seule solution, non seulement pour se débarrasser du sucre, mais aussi pour trouver un sens à ses journées, à sa vie.
Le sucre provoque aussi la sécrétion de sérotonine, apaisante celle-ci : une autre façon de nous rendre accro évidemment. Un stress ? Un gâteau. Une contrariété ? Un gâteau. Un mot dur d’une collègue ? Un gâteau. Etc. Là encore, réflexe de simplicité, c’est plus facile de plonger la main en silence dans le paquet de gâteaux que de faire face à la collègue en lui demandant pourquoi elle vous parle mal. Pourtant, vous savez bien que c’est ce qu’il faudrait faire, car la collègue va continuer à vous parler mal, et vous, à manger des gâteaux. Vous imaginez la suite.
Quant à la question de savoir si le sucre est une drogue « dure », compte tenu de l’énorme impact de l’excès de sucre sur la santé publique (surpoids, diabète et toutes ses conséquences : accident cardiaque, troubles mentaux... liés à ces troubles métaboliques induits par l’insulinorésistance), la réponse est en fait : oui. Car contrairement à la cocaïne, le sucre concerne presque tout le monde, et est en plus considéré comme innocent et légal puisque vendu partout.
Dr Pierre Nys
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