La perte de mémoire est l’un des premiers signes annonciateurs de la maladie d’Alzheimer, à commencer par la mémoire des faits nouveaux. En effet, la trace neurologique des faits et images de la journée est d’abord stockée dans l’hippocampe et associés aux lieux où ils se sont produits. Car cette petite structure cérébrale s’avère aussi être en quelque sorte notre GPS. À chaque lieu où nous passons correspond l’activation d’un neurone de position dans l’espace, dit « neurone de lieu ». Ces lieux sont reliés entre eux sur des cartes dépendant de neurones dits « de grille », contenus dans une structure voisine de l’hippocampe.
Les souvenirs sont donc brièvement archivés dans l’hippocampe. Les informations récentes de cette mémoire à court terme y sont triées : les non pertinentes sont écartées et les « mémorables » sont dirigées vers la partie supérieure du cortex – la partie haute du grenier des souvenirs – pendant la nuit, période durant laquelle se consolident nos souvenirs. Ils sont alors stockés sur le long terme dans cette bibliothèque plus vaste.
Toutes ces opérations sont permises par la formation de nouvelles connexions entre les neurones, également appelées synapses. Bien évidemment, si les conditions nécessaires pour fabriquer de nouvelles synapses ne sont plus présentes, ces opérations ne peuvent plus se faire. Pire, si les neurones de l’hippocampe sont endommagés ou meurent, les capacités à mémoriser se dégradent. Lorsque ce phénomène prend de l’importance, on l’appelle « déclin cognitif ». Ce n’est pas encore la maladie d’Alzheimer, qui elle, va au-delà de la perte des capacités à mémoriser et devient une démence altérant la personnalité, mais c’est le début d’une évolution vers cette maladie.
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Il subsite dans l'hyppocampe de l'adulte une pouponnière à neurones !
Lorsque j’ai suivi mes études de médecine à l’université rené-Descartes, on enseignait encore que l’on naît et meurt avec les mêmes neurones. Les neurologues pensaient qu’après la naissance, il n’était plus possible de produire de nouveaux neurones.
Or des études chez les oiseaux, dont certaines parties du cerveau augmentaient en volume au printemps, quand il s’agissait pour les mâles de mobiliser leur mémoire pour chanter, ont mené des chercheurs sur la piste d’une possible formation de nouveaux neurones dans certaines parties du cerveau, et en particulier de l’hippocampe et de sa « banlieue » proche. Ce qui a bien été objectivé chez d’autres animaux et finalement chez l’humain.
C’est évidemment une bonne nouvelle. D’autant plus qu’il est possible non seulement de favoriser la formation de synapses et de protéger les neurones de l’hippocampe de la dégradation et de la mort, mais aussi de relancer la neurogenèse5, même chez des malades d’Alzheimer ! Ceci, de façon parfois spectaculaire comme l’a montré l’équipe du professeur de neurologie Dale Bredesen de l’université de Californie à Los Angeles (UCLA). En suivant un protocole multidimensionnel élaboré pour stimuler la neurogenèse, l’un de ses patients a connu une croissance record en volume de son hippocampe : 12 % en moins d’un an !
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Une chose est sûre, tout le monde peut oublier des choses sans pour autant être atteint de la maladie d’Alzheimer. Il peut en effet arriver qu’on ne se rappelle plus où on a laissé ses clés, le code secret de sa carte bancaire, un rendez-vous, etc. Il suffit d’avoir pensé à autre chose en posant ses clés, de le faire « machinalement », sans visualiser l’action ou sans y prêter attention, ou bien encore sous le coup d’une émotion forte, d’un stress, d’une fatigue pour que cela advienne. Ce ne sont pas là des signes de la maladie mais la conséquence du fait que, par manque d’attention, ces vécus ne sont pas parvenus – ou sont parvenus imparfaitement – au centre de la mémoire et n’y sont donc pas correctement archivés.
Ce n’est pas non plus un signe incontestable de la maladie que de ne pas parvenir à se remémorer certains souvenirs. Ces derniers peuvent être parfaitement bien archivés et stockés dans la mémoire à long terme mais, avec l’âge, ou tout simplement un excès de tension ou de la fatigue, avoir du mal à remonter à la conscience. Nous avons tous connu ces moments de frustration lors desquels on ne parvient pas à retrouver un nom ou ces moments de flottement où l’on n’est plus sûr d’une orthographe. C’est une difficulté de rappel, mais pas un effacement, car on finit par retrouver le « fichier ».
Donc, pas de panique. Ces oublis ne signifient pas forcément que ces mots, ces noms ont été effacés de notre mémoire. C’est seulement la capacité de rappel – dans laquelle semble aussi intervenir l’hippocampe – qui peut être provisoirement en cause.
Alors, comment distinguer ces différents troubles de la mémoire ? À partir de quand doit-on suspecter un problème plus sérieux, un déclin cognitif durable ou une maladie d’Alzheimer ?
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À retenir :
Les simples « trous » de mémoire ne sont pas des signes de la maladie.
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Les pertes de mémoire s’amplifient au fil du temps
Lorsqu’on ne parvient pas à se souvenir d’un événement récent, même en cas de rappel de leurs circonstances – le lieu et le moment – et que, a fortiori, ce défaut de réminiscence concerne des faits familiers, des endroits ou des parcours connus, des personnes proches... à ce moment-là, il est légitime de noter le phénomène.
Là encore il convient de ne pas s’alarmer, car il peut parfois suffire d’être fatigué ou très tendu pour ressentir une baisse de régime et que se produise ce genre de problème.
Si, en revanche, dans les semaines et les mois qui suivent, le phénomène non seulement se répète, mais s’amplifie, il sera alors approprié de consulter pour faire un bilan des capacités de mémorisation. Il est fréquent que la personne concernée ne se rende pas vraiment compte de ce qui se passe, ou le gère par un déni, parfois lié à l’angoisse que la situation peut générer. Ce sont alors les proches qui en parlent au médecin pour qu’une démarche de diagnostic puisse être entamée.
Dr Jean-Paul Curtay
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