© istock
Imaginez une maladie provoquant des symptômes variés et diffus, terriblement pénibles voire invalidants. Une maladie difficile à diagnostiquer, tant ses manifestations sont nombreuses et d’intensité variable. Une maladie que les médecins mettent en moyenne cinq à six ans à identifier (parfois jusqu’à sept !), et pour laquelle ils ne disposent pas de traitement efficace. Une maladie chronique dont il est impossible de se débarrasser complètement et qui impose un douloureux « vivre avec ». Une maladie qui perturbe gravement la vie des patients, autant sur le plan physique que psycho- émotionnel. Une maladie qui bouscule les relations familiales, amicales et même professionnelles, tant elle est difficile à cerner... Cette maladie, c’est la fibromyalgie qui provoque des douleurs chroniques très intenses, associées à une extrême fatigue et à une multitude d’autres symptômes (digestifs, cognitifs, dépressifs...).
Certains affirment que la fibromyalgie est un trouble d’apparition récente, puisque c’est seulement en 1992 que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a reconnu son existence. Il semble cependant que cette maladie existe depuis des siècles. Certains textes anciens font état de personnes souffrant à la fois de douleurs intenses, de fatigue chronique, de déprime et de troubles du sommeil... Ce qui ressemble à s’y méprendre au tableau clinique de la fibromyalgie. Ainsi, au xvie siècle, un médecin français, Guillaume de Baillou, fait une description assez fidèle des douleurs chroniques provoquées par la fibromyalgie, qu’il nomme « rhumatisme musculaire ». Plus loin encore dans le passé, au ive siècle av. J.-C., le Grec Théophraste faisait référence à une forme de « lassitude » qui impliquait des douleurs musculaires associées à un ensemble de symptômes, le tout assez proche des signes de la fibromyalgie.
C’est au xxe siècle que les choses se précisent. Dès les premières années, le terme de « brosite » est utilisé pour décrire un ensemble de symptômes (douleurs, fatigue...) évoquant la fibromyalgie. Vingt ans plus tard, certains médecins parlent de myo brosite, en ajoutant le préfixe « myo » qui désigne le muscle. Il a fallu attendre les années 1970 pour que la notion de souffrance soit clairement intégrée avec l’apparition du terme « bromyalgie », le sufixe « algie » signifiant « douleur ». L’appellation officielle de cette maladie décrit donc bien le symptôme principal : des douleurs qui semblent émaner des fibres musculaires. Mais elle oublie au passage toutes les autres manifestations qui les accompagnent. C’est pourtant ce terme qui, aujourd’hui, est le plus couramment employé.
Ainsi, la fibromyalgie n’existe officiellement que depuis vingt-cinq ans, voire moins puisqu’elle n’a été reconnue « syndrome* » par l’Académie de médecine française qu’en 2007, et par les instances européennes en 2008. Pourquoi ? Parce que, auparavant, les médecins ne faisaient pas le lien entre toutes ces manifestations. Ils les abordaient séparément les unes des autres*. Cela ne suffit pas à expliquer le mépris qu’a longtemps nourri une partie du monde médical pour ces milliers de personnes souffrant dans leur chair, qui étaient jusqu’à récemment renvoyées de spécialiste en spécialiste, chacun essayant de soulager les symptômes relevant de sa discipline sans se préoccuper du reste. Mais cela montre, à coup sûr, à quel point le diagnostic de la fibromyalgie est complexe et délicat. Heureusement, depuis quelques années, cette maladie est mieux connue, et surtout reconnue, ce qui a changé la vie de nombreux malades.
Marie Borrel
Si cet extrait vous a intéressé,
vous pouvez en lire plus
en cliquant sur l'icône ci-dessous