La douleur repensée

 La douleur est universelle et fait partie de notre quotidien avec plus ou moins d’intensité. De celle, obsédante, causée par une petite carie dentaire à celle, intense, d’une fracture occasionnée par un accident, elle a toujours été présente dans la vie humaine. Plus empoisonnante encore est cette douleur qualifiée de chronique et qui, par définition, dure plus de trois à six mois. Elle touche plus de 20 % des gens à un moment de leur vie – et parfois pour le restant de leur vie. La douleur est la première rai- son pour laquelle les patients consultent leur médecin en général, et elle est aussi le premier motif de consultation dans tous les cas de maladies chroniques. Au-delà de tout ce que l’on peut penser au sujet de la douleur, celle-ci n’est pas anodine dans notre quotidien. Il m’est arrivé de rencontrer des gens au bord du suicide tant elle leur était devenue insupportable.

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La douleur est universelle et fait partie de notre quotidien avec plus ou moins d’intensité. De celle, obsédante, causée par une petite carie dentaire à celle, intense, d’une fracture occasionnée par un accident, elle a toujours été présente dans la vie humaine. Plus empoisonnante encore est cette douleur qualifiée de chronique et qui, par définition, dure plus de trois à six mois. Elle touche plus de 20 % des gens à un moment de leur vie – et parfois pour le restant de leur vie. La douleur est la première rai- son pour laquelle les patients consultent leur médecin en général, et elle est aussi le premier motif de consultation dans tous les cas de maladies chroniques. Au-delà de tout ce que l’on peut penser au sujet de la douleur, celle-ci n’est pas anodine dans notre quotidien. Il m’est arrivé de rencontrer des gens au bord du suicide tant elle leur était devenue insupportable.

Après quarante ans d’une pratique médicale visant à soulager la souffrance humaine, je me devais d’apporter aux patients une compréhension de la douleur et d’aborder avec eux le pourquoi de celle-ci. Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi suis-je pris dans ce dédale, dans ce labyrinthe douloureux où je me sens piégé – injustement, il me semble  ?

Je me devais aussi d’offrir des outils simples en vue de soulager, en partie, les différents maux si fréquents sur cette belle planète bleue, où la médecine est encore très expérimentale lorsqu’il s’agit de traiter et d’expliquer cette omniprésence de la douleur.

Il faut bien l’avouer, celle-ci n’est pas facile à comprendre et encore moins à vivre. Bien qu’elle soit inévitable à un moment ou à un autre, l’essentiel est d’apprendre à nous en libérer, dans la mesure du possible, à l’aide de techniques souvent simples et sans effets indésirables. Et de préférence en prenant conscience des causes de cette réalité affligeante, sans quoi la douleur chronique peut gâcher une vie.

Nous jouons souvent, à notre insu, un rôle important dans la genèse de notre douleur. La bonne nouvelle, c’est que nous avons aussi un rôle à jouer pour la vaincre ou au moins la soulager. Ne l’oublions pas, nous sommes toujours les cocréateurs de notre vie. L’écrivain américain James Baldwin disait à ce sujet: «Tout ce qui s’oppose à nous ne peut être changé. Mais rien ne peut être changé tant qu’on ne s’y oppose pas. »

UNE MÉDECINE DE QUALITÉ AU SERVICE DE LA PERSONNE
Cet ouvrage propose une perspective globale et nouvelle sur la personne qui souffre. On y présente les traitements les plus récents, reconnus ici ou ailleurs dans le monde, et on y offre une compréhension de cette douleur, à laquelle nous ne pouvons parfois nous soustraire.

La science a désormais prouvé à quel point notre mode de vie est un facteur prépondérant de la qualité de notre santé1-10 et aussi, malheureusement, un facteur crucial dans l’apparition de la plupart des maladies et douleurs chroniques qui nous affligent actuellement11-14. Il est temps de privilégier une médecine qui ne se contente pas d’offrir des traitements pour ces douleurs et maladies, mais qui se penche aussi sur la cause de tous ces maux qui nous accablent.

La médecine fonctionnelle, celle que je préconise, vise justement à traiter la personne en retournant en amont, à la source qui a fait défaut. La médecine fonctionnelle participe à tous les niveaux de l’être15,16. Elle est prédictive, basée sur la connaissance de toutes les interconnexions biochimiques. Elle favorise une approche centrée sur l’individu et non sur la maladie. Elle est inclusive et intégrative, puisqu’elle comprend des suppléments, des plantes et des médicaments, selon les besoins. De plus, elle sait mettre en avant la prévention véritable. Non pas le type de prévention que l’on connaît et qui consiste à faire des radiographies ou des prises de sang lors du bilan annuel, mais celle qui permet d’éviter les maladies par un mode de vie sain et des mesures prophylactiques (ensemble de mesures destinées à éviter le développement de la maladie). La médecine fonctionnelle parle de santé avant tout, et non de maladie. Elle préconise une approche touchant tous les domaines de la prévention et favorise l’usage de traitements reconnus. Elle admet l’intégration d’une médecine complémentaire et intégrative pour le mieux- être du patient et de la société. À ce sujet, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) affirme ceci :

«[...] les patients dont le médecin généraliste a reçu une formation supplémentaire en médecine complémentaire et parallèle affichent des dépenses de santé et un taux de mortalité plus faible. Cette réduction des coûts est due à des hospitalisations et à des prescriptions de médicaments moins nombreuses17. »

Nous devons cesser cette méfiance vis-à-vis des approches complémentaires, qui sont pourtant reconnues et qui apportent des bienfaits à une population nombreuse désireuse d’y recourir. Il est temps d’agir et de reprendre notre santé en main. C’est le message que je tente d’inculquer à mes patients depuis maintenant quarante ans, lequel a fait ses preuves.

COMMENT J’EN SUIS VENU À ME SPÉCIALISER DANS LE TRAITEMENT DE LA DOULEUR
J’ai débuté aux urgences de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont parmi les plus fréquentées du pays et qui reçoivent les cas les plus sérieux. La douleur y est omniprésente, de sorte que tout médecin urgentiste est obligé de la traiter. Tout médecin, devrais-je dire, puisque près de 75 % du travail d’un médecin de famille consiste à traiter la douleur. Cela fait donc partie de la normalité dans le domaine de la médecine.

Les maux de dos figuraient parmi les problèmes auxquels nous étions le plus fréquemment confrontés aux urgences. Ceux-ci pouvaient être attribuables à un accident de travail, à une chute malencontreuse, à un effort mal adapté pour soulever un poids lourd ou simplement à un faux mouvement survenu à la maison. Le patient pouvait arriver en ambulance, parfois incapable de bouger tellement la douleur était intense.

À un moment donné, je me suis rendu compte que l’approche de notre médecine traditionnelle à l’égard du soulagement et du traitement de ces douleurs était plutôt restreinte. Bien sûr, nous disposions d’analgésiques et de relaxants musculaires, mais les médicaments mettaient du temps à agir, sans compter que la douleur n’était pas contrôlée complètement. Et pour toutes les douleurs de type spasmodique (qui causent des crampes) ou névralgique (associées à des lésions nerveuses) qui s’ensuivaient, elles mettaient bien souvent beaucoup de temps à se dissiper. De plus, il était fréquent de voir récidiver, après quelques semaines ou quelques mois, un problème que l’on croyait résolu. Pourquoi ces récidives si fréquentes? Parce que nous n’avions pas identifié la cause du mal. Nous n’avions traité que les symptômes, et non la source du problème.

Une fois que j’ai commencé à donner des consultations en clinique privée, je me suis trouvé encore davantage confronté à des cas complexes pour lesquels la médecine conventionnelle était vite à bout de ressources. Plusieurs confrères dans ma clinique se sont découragés au bout de quelques mois face à la complexité des cas que l’on avait à traiter. Mais je refusais de me résoudre à dire à ces personnes souffrantes qu’il n’y avait «rien à faire» pour les aider. Je me suis donc aventuré aux États-Unis et en Europe pour y puiser des outils et des connaissances complémentaires pour proposer à mon retour une solution jamais expérimentée ici, mais qui avait fait ses preuves ailleurs.
Plus je disposais de ces nouvelles connaissances et de ces nouveaux outils thérapeutiques, plus une clientèle complexe et difficile arrivait au bureau. D’ailleurs, leur histoire commençait souvent ainsi: «Docteur, j’ai tout essayé pour vaincre ce malaise, j’ai vu plusieurs médecins, tenté plusieurs approches, et mon problème est toujours présent depuis dix ans...»

LES MAUX DE DOS DE MON ÉPOUSE
Mon épouse Carole était concernée par cette question. Lorsque j’ai connu Carole, elle souffrait de maux de dos depuis l’adolescence, à la suite d’un accident de ski nautique. À l’époque, on lui avait prescrit plusieurs semaines de repos, ainsi que des analgésiques, des relaxants musculaires et des traitements intensifs de physiothérapie. Avec le temps, la douleur a diminué graduellement, mais elle se manifestait néanmoins de façon intermittente. Elle était certes supportable, mais cependant très dérangeante.

La douleur s’est intensifiée quand Carole avait 23 ans. Nous étions mariés depuis un an à ce moment-là. Les douleurs sont devenues plus intenses et tenaces après l’arrivée de notre premier enfant, et le fait de prendre le bébé régulièrement aggravait la situation. La douleur au dos s’accompagnait alors de ce qu’on appelle communément une douleur de type sciatique. Celle-ci partait de la région lombaire droite, irradiait dans la fesse, à l’arrière de la cuisse, dans le mollet et jusqu’au pied.
Un examen médical avait montré une racine nerveuse comprimée par un disque vertébral de la colonne lombaire. Dans un premier temps, nous avons eu recours aux médicaments, à la physiothérapie et à différentes formes de traction vertébrale, les thérapies médicales usuelles à l’époque.


À un moment donné, un neurochirurgien a décidé d’opérer pour retirer le disque endommagé et dégager le nerf sciatique, qui lui causait tant de douleur à la jambe. Dans les semaines qui suivirent, la douleur a dis- paru en partie – en partie seulement. Carole demeurait vulnérable au moindre effort et pouvait de nouveau souffrir de douleurs spasmodiques, complètement «barrée», avec de la peine à marcher.

Déterminé à trouver une solution au problème de mon épouse, je me suis tourné vers des médecines un peu moins connues, comme les tech- niques de massage, avec des progrès intéressants quant au soulagement de la douleur, au mouvement et à la force musculaire. Puis, un jour, Carole m’a demandé: « Que penses-tu de l’acupuncture, tu crois que cela pourrait m’aider ? »

Il y a trente-cinq ans, l’acupuncture n’était pas connue et encore moins reconnue au Québec. Je lui ai dit que je ne connaissais rien de cette tech- nique. Je croyais cependant que cette pratique millénaire avait assurément des fondations solides pour avoir résisté au temps et aux méfaits de certains dirigeants chinois, qui en avaient même interdit l’usage à certaines époques. À sa demande, je me suis donc inscrit à l’Acupuncture Foundation of Canada pour commencer mes études en acupuncture, et Carole devint par la suite ma première cliente.

Ces différentes méthodes ont su apporter à Carole un soulagement significatif; ses douleurs avaient presque complètement disparu. Cependant, elle demeurait vulnérable aux rechutes. Il manquait ce petit quelque chose qui aurait pu lui donner plus de force, étant donné que ses ligaments étaient affaiblis par la chirurgie.

DE NOUVELLES TECHNIQUES PROMETTEUSES
À cette époque – je parle des années 1980 –, un orthopédiste britannique nommé James Cyriax venait aux États-Unis donner des formations aux médecins. Ce qu’il y avait de particulier chez ce médecin spécialiste, orthopédiste-chirurgien au départ, est qu’il avait délaissé la chirurgie au profit de techniques de manipulation articulaire et vertébrale18-24. Cela, pour moi, sortait vraiment de l’ordinaire: cela n’existait pas au Québec! Ce médecin traitait plusieurs personnes célèbres, dont des membres de la famille royale britannique.

En tant que médecin généraliste voulant traiter les douleurs musculaires et articulaires, j’ai été tout de suite attiré par cette médecine orthopédique, qui permet dans la mesure du possible d’éviter ou de reporter des interventions chirurgicales. J’effectuais ainsi chaque année quatre ou cinq séjours aux États-Unis, en plus de ma pratique régulière aux urgences, en clinique externe et en cabinet privé.

Vers la fin de sa pratique orthopédique, le Dr Cyriax, fort de son expérience clinique, a aussi développé différentes techniques d’infiltration (injections de produits traitants) ciblées. Dans le but d’aider davantage Carole, je me suis donc inscrit aux séminaires du docteur et de son équipe. Et c’est justement ce type d’infiltration qui a apporté à Carole un soula- gement complet et définitif. J’ai fait ma spécialité de cette technique d’infiltration, appelée « prolothérapie », qui consiste à injecter des produits de réparation dans les tissus, et j’en parlerai plus en détail au chapitre 6.

Dans les mois qui ont suivi ma rencontre avec le Dr Cyriax, j’ai fréquenté également un autre grand médecin, le Dr Robert Maigne, chef du département de rhumatologie et d’orthopédie à l’Hôtel-Dieu de Paris. Ce dernier excellait dans le « petit monde » de la médecine manuelle ostéopathique. Grâce au Dr Maigne, j’ai pu approfondir mon expérience dans le domaine des thérapies manuelles et des infiltrations25-30.

Mon parcours devenait de plus en plus passionnant, parce que j’appliquais des techniques simples à des problèmes complexes et chroniques, qu’on pouvait résoudre souvent définitivement. Tant et si bien que mes confrères m’envoyaient des patients qui ne répondaient pas à la médication usuelle. Mon expérience m’a même permis à l’occasion d’utiliser ces nouvelles connaissances en service d’urgence: comme j’avais appris plu- sieurs techniques de mobilisation vertébrale, lorsque la cause était essentiellement un blocage de la colonne, je faisais des manipulations sans donner de médicaments, et parfois le patient pouvait repartir sans douleur. Par une palpation soignée, je pouvais sentir, par exemple, s’il y avait une restriction ou un blocage d’un côté, et redonner du mouvement par des manipulations. Les résultats étaient parfois étonnants, entre autres pour les problèmes de cou et de dos, mais souvent également pour des lésions aux chevilles et aux genoux.

LES DANGERS DE L’AUTODIAGNOSTIC
Aussi bien aux urgences qu’à mon cabinet, voici une des leçons que j’ai apprises de ces grands médecins, et qui m’a toujours été très utile: il ne faut pas se fier aux apparences, puisque la source de la douleur ne se trouve pas nécessairement à l’endroit où le patient a mal. C’est pour cette raison que j’aimerais, cher lecteur, vous mettre en garde contre les dangers de l’autodiagnostic, surtout à notre époque où l’on trouve sur Internet tout et son contraire !

Afin d’éviter une file d’attente aux urgences, il nous arrive souvent de surfer rapidement sur Internet en quête d’un diagnostic et d’un traite- ment rapide, malgré des connaissances peu aiguisées en la matière. Cependant, l’auto-diagnostic pourra nous faire plus de tort que de bien, et il faut être conscient des pièges qui nous guettent sur certains sites. Plus nous sommes inquiets, en cas de maladie grave, par exemple, plus nous sommes susceptibles de commettre des imprudences et d’opter pour l’opinion qui nous assure la guérison. Comme le mentionne le Dr Yves Robert, secrétaire du Collège des médecins : « Les gens ignorent les intérêts commerciaux des sites consultés, surtout pour la vente de produits par des entreprises peu scrupuleuses, qui vantent des remèdes aux allégations prodigieuses. Pour des personnes dont la santé est sérieusement compromise, Internet apparaît comme une solution miracle, où certains sites douteux encouragent le rêve, la sécurité et l’espoir de guérison31.»

La santé est un enjeu majeur, et plusieurs sites vont continuer d’émerger pour rassurer les gens qui souffrent. Même si certains sont parfois fiables, la capacité d’auto-diagnostic demeurera toujours litigieuse. Une visite chez le médecin ou un autre professionnel de santé reste indispensable pour éviter des résultats fâcheux. Un mal de tête subit et intense, par exemple, pourrait bien être un début d’anévrisme cérébral. Il est donc important que le diagnostic soit posé par un professionnel de santé d’abord et avant tout, et d’éviter le piège des « diagnostics d’Internet ». Évidemment, c’est dans notre nature de chercher des réponses à nos interrogations, et c’est bien ainsi. Ce que vous avez lu ou compris de vos recherches, pourquoi ne pas en parler avec un spécialiste de la douleur ? Car la véritable médecine se trouve là où l’échange de connaissances et le partenariat sont présents.

La douleur est complexe à traiter, même pour le médecin formé dans cette discipline, et il faudra souvent recourir à plusieurs experts pour trouver une solution à la douleur chronique. Ne laissez pas la douleur ternir votre qualité de vie ou même vous rendre un jour invalide. N’abandonnez pas votre quête de bien-être trop rapidement. Même si vous avez déjà rencontré plusieurs thérapeutes et médecins, poursuivez vos recherches. J’espère que ce livre vous aidera à vous libérer du joug de la souffrance ou même à comprendre le sens d’une douleur qui se prolonge. Vous y trouverez de nombreux outils qui pourront peut-être changer votre vie. Laissez-vous guider à travers cet ouvrage pour retrouver un sentiment de mieux-être qui vous échappe sans doute depuis trop longtemps.

 

 

Dr Gaetan Brouillard

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