IRM : un nouvel agent de contraste capable de détecter de minuscules caillots sanguins lors des AVC

Révolution dans l'imagerie par résonance magnétique:

Mise au point par l’université de Caen d’un nouvel agent de contraste capable de détecter de minuscules caillots sanguins lors des AVC

L’université de Caen Normandie annonce une avancée majeure pour la prise en charge des AVC ischémiques

 

Caen, octobre 2024 - Le laboratoire PhIND (Physiopathologie et imagerie des troubles neurologiques - Inserm U-1237), de l’université de Caen, hébergé au sein de la plateforme d’imagerie biomédicale Cycéron et du nouvel institut du sang et cerveau à Caen (), dirigé par le professeur Denis Vivien, annonce une avancée révolutionnaire dans le domaine de l’imagerie par résonance magnétique (IRM). Les travaux de thèse du Dr Charlène Jacqmarcq, sous la direction du Dr Thomas Bonnard, chargé de recherche Inserm, viennent d’être publiés dans le prestigieux journal Nature Communications. Ces travaux de recherche ont permis la mise au point d’un nouvel agent de contraste magnétique et biodégradable (PHySIOMIC), inspiré par la structure adhésive des moules,qui permet de détecter les microthrombidans le cerveau via l'IRM. Ces microthrombi sont de minuscules caillots sanguins qui peuvent obstruer les vaisseaux sanguins du cerveau, aggravant les séquelles des AVC ischémiques, etqui sont souvent responsables de la mauvaise récupération cérébrale, même après la « recanalisation » des artères principales.

 

Ce projet ambitieux, financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) et soutenu par la société pharmaceutique CSL-Behring, ouvre de nouvelles perspectives pour le traitement des AVC ischémiques (type d'accident vasculaire cérébral causé par un caillot sanguin qui bloque ou réduit la circulation sanguine dans une artère du cerveau, entraînant des dommages aux cellules cérébrales privées d'oxygène), touchant plus de 110.000 personnes par an en France. Cette innovation promet d'améliorer significativement les interventions médicales et la qualité de vie des patients en limitant les séquelles importantes

 

« Le développement de PHySIOMIC représente une avancée majeure pour le diagnostic et le suivi non invasifs des microthrombi chez les patients victimes d'AVC ischémiques. Cet agent de contraste offre une nouvelle méthode pour visualiser les microthrombi, prédire l'étendue des lésions cérébrales et évaluer l'efficacité des traitements thrombolytiques », explique le Dr Charlène Jacqmarcq.

 

La problématique

Un thrombus, est un caillot qui obstrue un vaisseau sanguin. Lorsqu’il bloque l’irrigation du cerveau, il cause un accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique. Lorsqu’un patient fait un AVC ischémique, il est essentiel d’éliminer rapidement ce thrombus pour restaurer la circulation sanguine dans la zone du cerveau atteinte afin de limiter les dommages. A l’heure actuelle, les médecins disposent de 2 possibilités pour se débarrasser du thrombus : ils peuvent injecter dans la circulation sanguine un médicament, l’activateur tissulaire du plasminogène (tPA), qui induit la dissolution enzymatique du caillot sanguin ou ils peuvent l’extraire mécaniquement par cathétérisation. Mais malgré les vertus de ces 2 méthodes, il reste beaucoup de cas (environ 30 %) dans lesquels, bien que le caillot principal ait été retiréavec succès, la microcirculation cérébrale reste obstruée. En effet, il arrive que les thrombi se fragmentent en thrombi de plus petite taille (appelés microthrombi) et obstruent la microcirculation en aval. Ces microthrombi sont particulièrement néfastes et elles sont responsables d’une bonne partie des séquelles des patients souffrant d’un handicap important après un AVC (2ecause de handicap acquis en France). Le problème avec ces microthrombi, c’est qu’ils sont très difficiles à identifier car non-visibles en imagerie, même avec les IRM de dernière génération.

 

Une avancée majeure

Les travaux de thèse du Dr Jacqmarcq ont permis la mise au point l’agent de contraste, PHysIOMIC (Polydopamine Hybridised Iron Oxide Mussel Inspired Clusters). Les chercheurs ont développé des microparticules magnétiques destinées à être injectées dans la circulation sanguine qui sont capables de se fixer aux microthrombi. Les propriétés magnétiques des microparticules confèrent un signal en IRM et permettent ainsi leur diagnostic (Figure 1).

 

Le défi était particulièrement complexe car il fallait trouver un matériau qui permettait à la fois le ciblage des caillots sanguins tout en apportant suffisamment de signal magnétique et en étant totalement inerte pour l’organisme ; un matériau donc idéalement organique.

 

 

Un agent de contraste révolutionnaire inspiré des moules

L’agent de contraste mis au point par la Dr Jacqmarcq et le Dr Bonnard repose sur des microparticules magnétiques capables de se fixer aux microthrombi. Ces particules, composées d’oxyde de fer et de polydopamine, émettent un signal en IRM, permettant ainsi leur diagnostic précis. Pour trouver ce matériau idéal, les chercheurs se sont inspirés de la biologie marine ! Plus précisément d’un matériau qui a été découvert sur les byssus de moule marinière (filaments solides et adhésifs produits par les moules pour se fixer aux rochers et autres surfaces sous-marines) : la polydopamine. Ce nouveau matériau qui peut être facilement obtenu par auto-polymérisation de la dopamine est appelé la polydopamine.  La polydopamineconfèreà ces microparticules des propriétés d'adhésion exceptionnelles et une biocompatibilité idéale.

 

Les tests effectués sur des modèles murins d'AVC ischémique ont démontré que l'injection de PHySIOMIC permet de détecter les microthrombi avec une grande précision. De plus, Les particules de PHySIOMIC ont également démontré une bonne biocompatibilité et une capacité de biodégradation, rendant leur utilisation sûre pour des diagnostics in vivo. Ces particules sont principalement éliminées par les cellules macrophages du foie et de la rate, sans accumulation indésirable dans d'autres organes.

 

Les résultats obtenus montrent que certaines protéines du plasma jouent un rôle clé pour que l'agent de contraste puisse se fixer efficacement aux caillots sanguins. De plus, les tests en laboratoire ont révélé que le fibrinogène, une protéine du sang, joue un rôle essentiel dans la capacité de PHySIOMIC à cibler précisément les petits caillots sanguins.

Cette avancée a été rendue possible grâce à une collaboration étroite avec l’Établissement Français du Sang (EFS) de Caen, la plateforme PROTEOGEN de l’Université de Caen, et la plateforme CMAbio et bien évidemment les partenaires directes de l’UMR-s U1237 PhIND et de BB@C, l’Inserm et le CHU de Caen Normandie.

 

Les perspectives

Cette technologie innovante ouvre la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques et diagnostiques pour les AVC ischémiques. Les chercheurs envisagent de poursuivre les études pour évaluer l'efficacité de PHySIOMIC dans des modèles cliniques plus larges et diversifiés, ainsi que son utilisation possible avec des agents thrombolytiques ciblés (médicaments conçus pour dissoudre les caillots sanguins).