Intestins en bonne santé, mode d’emploi en 41 questions-réponses



1. Qu’est-ce que le microbiote intestinal
(= flore intestinale = microflore intestinale) ?
C’est l’ensemble des microbes présents dans notre tube digestif. Le microbiote intestinal possède désormais le statut envié d’organe à part entière, exactement comme le foie ou les poumons. Aussi, quand il se « dérègle », on le considère comme « malade », il faut donc le « soigner » en l’aidant à retrouver son équilibre. Ce microbiote pèse, dans son ensemble, environ 2 kg. Oui, vous lisez bien : si vous pesez autour de 70 kg, vous hébergez, portez, traînez avec vous toute la journée plus de 2 kg de bactéries dans votre intestin ! Il renferme en effet 1012 à 1014 de micro-organismes, soit 2 à 10 fois plus que de cellules humaines. Là encore vous lisez bien : nous sommes davantage constitués de bactéries que de cellules humaines ! Sur un plan philosophique, cela pose certaines questions, mais ce n’est pas le sujet de ce livre, aussi, poursuivons.

2. Pourquoi une telle concentration de bactéries dans l’intestin ?
Parce que c’est là qu’il y a le plus à manger ! Théoriquement, nous pourrions observer des micro-organismes tout au long de notre tube digestif. Mais dans l’estomac, par exemple, c’est trop acide et les bactéries n’apprécient pas. Et puis ce n’est qu’un organe de « passage » où les aliments transitent finalement assez vite. Aussi, même si l’estomac accueille quand même un peu de notre microbiote digestif – des bactéries dures à cuire ! –, celui-ci est principalement intestinal, situé essentiellement dans l’intestin grêle et le côlon. Certaines bactéries forment le mucus intestinal, le film gluant sur la paroi intérieure de l’intestin. D’autres habitent tout simplement dans le tube digestif, dans ce que l’on appelle la lumière intestinale (autant vous dire que de la lumière, il n’y en a pas beaucoup, dans le coin !).

3. Comment fonctionne le microbiote intestinal ?
Les micro-organismes sont organisés entre eux avec des chefs, des sous-chefs, des populations dominantes ou dominées, selon un POS (plan d’occupation des sols) bien particulier. Une véritable mini-ville en somme ! Les bactéries implantées travaillent, digèrent, se « reproduisent », croissent, meurent... Résultat : nous émettons tous normalement 14 à 18 gaz intestinaux par jour. Si ce n’est pas votre cas, inquiétez-vous ! On distingue 3 groupes majeurs d’espèces bactériennes : les Bacteroides (particulièrement représentés chez les personnes friandes de viandes et de graisses saturées), les Prevotella (chez les personnes friandes de sucres) et les Ruminococcus (chez les personnes qui apprécient spécialement l’alcool et les graisses saturées). Mais il y a aussi les virus (et certains d’entre eux s’attaquent aux bactéries intestinales), et les levures et champignons (microbiote fongique). Ça en fait du monde !

4. Comment s’installe-t-il dans notre tube digestif ?
Dès notre naissance, en fonction des bactéries qui colonisent notre intestin lors de l’accouchement (flore vaginale + flore de l’environnement). Chaque espèce bactérienne s’installe à son rythme, selon un rituel bien précis, en fonction de la présence d’oxygène ou non, de ce que le nouveau-né mange (lait maternel ou pas), d’éventuels traitements médicamenteux à la naissance, etc. Ce microbiote intestinal tout neuf est encore en gestation durant 4 ou 5 ans, puis son « noyau » ne bouge plus, grosso modo. Par la suite, les évolutions de la vie peuvent l’influencer (notamment les hormones à la puberté, pendant la grossesse...), les accidents et incidents aussi (traitements antibiotiques répétés, changement d’environnement...), mais normalement seulement de façon transitoire. Le microbiote est dit « résilient » c’est-à- dire qu’il revient à son « standard initial » au bout de plusieurs jours ou de quelques semaines. En revanche, certaines choses le perturbent très durablement, comme le tabac, l’alcool, la sédentarité... Nous réagissons tous différemment : certains supportent mieux que d’autres un traitement antibiotique, une intervention chirurgicale... Il s’installe aussi pour des raisons séculaires. Par exemple, à force de consommer des algues depuis des siècles (notamment la fameuse porphyra des sushis), les Japonais fabriquent naturellement une enzyme pour la digérer facilement. Cette enzyme, appelée porphyranase, est carrément présente « en série » dans le tube digestif des Japonais, alors qu’elle est absente de celui des Américains du Nord. Selon les chercheurs, il s’agirait d’un transfert de gènes des bactéries marines vers les bactéries intestinales, de manière à pouvoir mieux digérer les polymères des algues. Selon cet exemple, il y a fort à parier que les Bretons digèrent spécialement bien les galettes de sarrasin, et les Méditerranéens, l’huile d’olive... « C’est dans les gènes », c’est-à-dire c’est dans les gènes intestinaux.

5. À quoi sert-il ?
À de très, très nombreuses choses. La première : à terminer la digestion. C’est ici, en toute fin de tube digestif, que les bactéries intestinales prennent en charge ce qui n’a pu l’être en amont. Soit parce que « plus haut », on manquait d’enzymes, d’acide chlorhydrique et autres « petites mains » en tout genre, soit pour d’autres raisons – stress, fatigue, excès, froid, tabac, alcool... Des petits morceaux de nourriture se retrouvent ici, et il faut bien s’en occuper. Ou, plus prosaïquement, les manger ! Le microbiote intestinal permet ainsi d’extraire le maximum énergétique de notre nourriture : sans lui, nous aurions une déperdition de 20 à 30 %, il faudrait donc que nous mangions beaucoup plus pour obtenir le même résultat. Nous passerions notre temps et notre énergie à digérer et ne pourrions pas faire grand-chose d’autre ! Vu sous cet angle, on peut dire que c’est grâce au microbiote intestinal que nous pouvons nous adonner à une activité intellectuelle, à une profession, à nos loisirs... Sans lui, nous serions nettement plus végétatifs.

Les bactéries qui « mangent » les restes de légumes ne sont pas les mêmes que celles qui « mangent » les restes de hamburger ou de fromage, c’est ainsi qu’il est facile de comprendre comment on influence la composition de sa flore intestinale. Tout simple- ment en nourrissant ses bactéries. Fort logiquement, celles qui « aiment » les fruits ou les légumes sont en pleine forme si elles ont à manger, mais disparaissent si elles n’ont rien. Durant cette digestion finale, les bactéries qui travaillent émettent des gaz. Et ces gaz n’ont pas la même odeur selon que l’on mange plutôt tel ou tel aliment : ils ne sont pas émis par les mêmes bactéries. Prenons l’exemple des choux. En les digérant, les bactéries émettent méthane, hydrogène, dioxyde de carbone (peu ou pas odorants) ou encore soufre (très odorant).

En tout cas, le microbiote intestinal joue de très nombreux rôles dans l’ensemble de notre corps : métabolisme (cholestérol, diabète, surpoids...), immunité, neurologie... partout où il y a une fonction, un organe, un système, il y a une influence exercée par le microbiote intestinal.

6. Comment savoir si son microbiote intestinal est en bonne santé ?
Les 12 signes qui ne trompent pas... ou qui en tout cas doivent alerter, surtout si vous les cumulez.
Après les repas
1. Vous avez des gaz (beaucoup, souvent).
2. Vous digérez lentement.
3. Vous souffrez de brûlures et de malaises jusque dans le cœur, parfois appelés RGO (reflux gastro-œsophagien).

En général
4. Votre transit intestinal est inégal : un jour des diarrhées, le lendemain de la constipation... ce qui traduit un péristaltisme irrégulier (mouvements intestinaux).
5. Vous souffrez d’inflammations à répétition de la peau, des articulations, de l’appareil respiratoire (poussées inflammatoires, crises d’asthme...)...
6. Vous souffrez d’infections à répétition (rhume, mycose, gastro-entérite...), d’une santé « moyenne » ou d’une maladie auto-immune.
7. Vous êtes presque tout le temps fatigué, déprimé, irritable.
8. Votre humeur est inégale.
9. Vous avez une peau « à problèmes » – eczéma, poussées d’acné,
de « plaques »...
10. Vous grossissez ou maigrissez sans vraiment de raison (vérifiez votre thyroïde !).

À propos des aliments
11. Vous avez des fringales de sucré.
12.Vous vous plaignez de sensibilité ou d’intolérances alimentaires.

7. Que se passe-t-il quand le microbiote intestinal se dérègle ?
C’est ce que l’on appelle une dysbiose. Une dysbiose survient lorsque certaines bactéries qui devraient rester dominées deviennent dominantes. Ou quand un champignon microscopique, normalement discret, se développe (candidose intestinale). Alors, ces bactéries ou champignons émettent des signaux, provoquent des troubles spécifiques qui déclenchent, aggravent ou entretiennent une maladie.

L’influence du microbiote intestinal est large, nous venons d’en parler. Plus ou moins marquée, au milieu d’autres facteurs d’influence, mais n’empêche, elle joue toujours un rôle. L’ignorer, c’est s’exposer à un échec thérapeutique, à des récidives, à des régimes « qui ne marchent pas », à des douleurs ou des allergies que l’on n’arrive pas à calmer, des états inflammatoires persistants (et on ne va pas prendre des anti-inflammatoires toute sa vie !), des maladies auto-immunes dont « on ne sait pas pourquoi elles se sont déclarées un jour », etc.

8. Le microbiote intestinal est-il différent d’une personne à l’autre ?
Oui, il est très personnel, tout autant que nos empreintes digitales. Et les chercheurs ont identifié des différences assez marquées de « familles » de bactéries en fonction de si l’on a été allaité ou traité aux antibiotiques étant enfant, si l’on est en fort surpoids ou si l’on est centenaire...

9. Ballonnements, constipation, maux de ventre... quelle solution ?
Ballonnements = gaz. Pourquoi des gaz ? Parce que la flore intestinale est à la peine. Pourquoi ? Parce que l’on se nourrit mal ? Que les aliments sont de moins bonne qualité ? Ou que l’environnement moderne (y compris alimentaire) agresse notre intestin, et le rend fragile, sensible, intolérant ? De plus en plus d’experts penchent pour cette dernière hypothèse. Aussi, supprimer plein d’aliments (gluten, lactose, peau de tomate...) ne sert à rien si l’on ne répare pas son intestin et qu’on ne rééquilibre pas la flore. Avec, un jour, le risque de ne plus pouvoir manger quoi que ce soit, alors qu’à la base nous sommes omnivores, donc on peut (devrait) manger de tout ! Quelque chose cloche, donc.

C’est désormais certain, notre flore intestinale fait la loi dans notre corps, en tout cas en ce qui concerne notre confort digestif et notre silhouette. Selon ce que l’on mange (et boit), et selon les médicaments ou compléments alimentaires que l’on prend, les familles de bactéries que l’on héberge dans l’intestin ne sont pas les mêmes : certaines sont propices aux ballonnements et à la prise de poids, d’autres, au contraire, produisent peu de gaz et aident à déstocker. Modifier son alimentation modifie donc, de fait, sa flore intestinale. Car le problème de notre inconfort, souvent, n’est pas dû aux aliments eux-mêmes mais à une faiblesse dans notre intestin (dysbiose, perméabilité intestinale) qui fait que l’on digère mal « tout ». Du coup, on se lance dans des régimes d’exclusion (gluten, Fodmaps, lactose...) à tour de bras, qui non seulement sont compliqués au quotidien, pas très conviviaux, mais en plus ne règlent en rien le problème d’origine... voire l’aggravent en induisant des carences en prébiotiques et autres éléments protecteurs pour la flore et l’intestin ! L’art d’instaurer un cercle vicieux...

Le « noyau » de notre flore intestinale varie peu une fois nos 3 ou 5 ans atteints – il est stable avec environ 40 espèces. Pour cette raison, il est aussi personnel que nos empreintes digitales. Cependant, cette flore étant en interaction constante avec notre environnement, elle change tout de même au fil des années (notamment à partir de 10 à 12 ans), des traitements antibiotiques (modifications temporaires et à court terme) et du changement d’alimentation (modification à long terme). Autrement dit, le microbiote intestinal est constitué d’espèces plutôt stables, mais dont l’abondance relative varie en fonction de l’âge, des événements de la vie, de l’alimentation...

10. Quels facteurs modifient le microbiote intestinal de l’enfance à l’âge adulte ?
Ils sont très divers. Voici les principaux :
• Période prénatale/maternité
– L’environnement(pollution...)
– Les antibiotiques
– L’alimentation
– Les maladies
– L’épigénétique
• Nourrisson/nouveau-né
– La naissance (voies naturelle sou césarienne)
– Le contact peau à peau avec la maman/le papa
– L’alimentation au sein
– Les biberons
– L’exposition aux médicaments(si maladie a ̀traiter dès les premiers jours de vie)
• Enfance
– L’exposition à de nouvelles souches bactériennes au fil des rencontres, de la vie quotidienne (école, parc, famille, animaux domestiques, alimentation à la maison/à la cantine/chez les copains...) : accroissement de la diversité des bactéries, et plus, au final, les souches sont diverses, mieux cela vaut
– L’état de santé (une maladie modifie la flore)
– La flore encore instable,en devenir
• Adulte
– La flore stabilisée, changement très lent (contrairement à l’enfance)
– Le microbiote intestinal unique, 100% personnel

 
Anne Dufour / Catherine Dupin

 

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