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Pour comprendre d’où viennent les troubles digestifs dont nous sommes si nombreux à souffrir, quelques notions de physiologie peuvent être utiles. Nous vous expliquerons donc ici comment fonctionne la digestion dans ses grandes lignes.
Le processus sophistiqué de la digestion
Tout au long du tube digestif, les aliments vont être broyés, malaxés, enrobés de sucs digestifs afin d’être transformés en nutriments assimilables par l’organisme. Ces nutriments vont ensuite gagner les tissus via la circulation sanguine. C’est l’absorption intestinale.
Tout commence dans la bouche
On l’oublie souvent, pourtant la digestion commence dès que vous mettez l’aliment en bouche.
La vue et l’odeur de la bouchée ont mis le cerveau en alerte. Il commande alors aux glandes salivaires de sécréter une quantité plus importante de salive, afin d’enrober les aliments en bouche. Nous avons trois paires de glandes salivaires : les parotides, les sous-maxillaires et les sublinguales. Le liquide qu’elles éjectent contient des enzymes qui amorcent déjà le processus de digestion, en ramollissant les aliments et en prédigérant l’amidon (un sucre complexe contenu notamment dans le pain, les pâtes, les pommes de terre ou les bananes). La mastication fait le reste, grâce aux dents qui broient et malaxent la bouchée.
Les dents jouent donc un rôle crucial et leur bonne santé est capitale pour bien digérer. Il est conseillé de mastiquer chaque bouchée pendant plusieurs minutes afin de faciliter la suite du processus. Cela évite d’avoir une sensation de poids sur l’estomac lorsque les aliments ont été « avalés tout rond ».
Tout au long de ce processus de broyage, la langue est des plus actives ! Elle balade plusieurs fois les aliments dans la cavité buccale avant de les propulser vers l’arrière, dans l’œsophage, au moment de la déglutition. Nous avons tous fait la douloureuse expérience de devoir manger avec un aphte sur la langue ! C’est dire son importance pour terminer le travail effectué en bouche.
Le long de l’œsophage
Non, les aliments ne « tombent » pas dans ce tube d’environ 25 centimètres de long qui relie la bouche à l’estomac. Ils y sont véhiculés par un ensemble de contractions réflexes des muscles qui tapissent la paroi de l’œsophage. Voilà pourquoi on peut aussi manger en position allongée ! Tout comme on parle de « péristaltisme » intestinal, on parle ici du même processus au niveau œsophagien. Les contractions se succèdent, font progresser le bol alimentaire et déclenchent l’ouverture du sphincter inférieur de l’œsophage. Tout cela ne dure que quelques secondes. Le sphincter s’ouvre, les aliments passent à l’étage du dessous puis le sphincter se referme...
Quelques symptômes œsophagiens
Il arrive parfois que le sphincter laisse passer des « remontées acides » (pyrosis), d’où une sensation de brûlure qui part de l’estomac pour refluer vers la bouche. Quant aux régurgitations, elles représentent des remontées involontaires du contenu de l’estomac (de nature alimentaire ou acide, selon l’horaire auquel elles se produisent). Elles sont aggravées chez la femme enceinte (par la pression du fœtus), en se baissant et en position allongée.
Dans la poche de l’estomac
Cette poche en forme de « J » constitue un formidable creuset de transformation de nos repas. Très extensible, elle peut contenir jusqu’à 4 litres d’aliments et de liquides, alors que son volume à jeun est d’environ 1⁄2 litre. Lorsque l’estomac est plein, il envoie un signal de satiété au cerveau. Mais il faut en moyenne 20 minutes après le début du repas pour que ce signal se mette en route. D’où l’intérêt de manger lentement, en mastiquant longuement, pour éviter une prise alimentaire trop importante.
La paroi de l’estomac est pourvue de muscles puissants qui broient et malaxent le bol alimentaire pour le transformer en véritable bouillie liquide, appelée le chyme. Cette transformation n’est pas unique- ment mécanique, elle est aussi chimique, grâce à la sécrétion des sucs gastriques. L’estomac en produit environ 1 litre par jour. Composés essentiellement d’acide chlorhydrique et de pepsine, ces sucs sont très corrosifs, en particulier pour les protéines, qui commencent leur dégradation en molécules assimilables.
Toutes les 4 à 5 minutes, l’estomac se contracte et laisse passer une partie de son contenu vers le duodénum : c’est la vidange gastrique qui s’effectue progressivement à travers le pylore. Les liquides sont évacués plus vite que les autres aliments et les protéines et les sucres sont évacués plus vite que les graisses. Mais il faut bien compter 4 à 5 heures pour la digestion complète d’un repas !
Quelques symptômes gastriques
Quand tout se passe bien ! Car l’estomac est aussi richement innervé, et peut donc être le siège de douleurs, de sensations désagréables – comme des lourdeurs, des pesanteurs –, de digestion ralentie ou de satiété précoce, dès les premières bouchées. Il peut s’ensuivre des nausées ou de la somnolence après les repas. Quant aux fameuses éructations, il s’agit de remontées de gaz par la bouche. Ces gaz proviennent de l’air avalé en mangeant ou de la consommation d’eau gazeuse en quantité importante.
Les organes collatéraux : foie, vésicule biliaire, pancréas
Juste sous l’estomac se situe le duodénum, premier segment de l’intestin. Il constitue un véritable carre- four sur la route de la digestion. C’est à son niveau que se branchent trois organes qui ne font pas à proprement parler partie du tube digestif mais qui interviennent directement au niveau de la digestion.
Le foie : il s’agit d’une véritable usine qui produit de nombreuses substances indispensables à l’organisme (le cholestérol, l’albumine, des protéines immunitaires, des hormones). Il joue un rôle d’éboueur, en filtrant le sang et en métabolisant l’alcool et les médicaments. Au niveau purement digestif, il produit la bile, qui renferme les acides biliaires nécessaires à la digestion des protéines et des graisses.
La vésicule biliaire : directement reliée au foie, elle stocke la bile fabriquée par le foie entre deux repas.
Le pancréas : il sécrète le suc pancréatique et des enzymes protéolytiques qui participent à la digestion des protéines, des lipides et des glucides. Il fabrique également une hormone, l’insuline, indispensable pour réguler le taux de sucre dans le sang, ainsi que le glucagon qui a un effet inverse, qui intervient pour réguler l’hypoglycémie.
Dans les méandres de l’intestin grêle
Après le passage par le duodénum, le bol alimentaire entame sa lente progression à travers l’organe le plus long du système digestif : l’intestin grêle, long tuyau replié plusieurs fois sur lui-même et qui mesure près de 6 mètres. Sa paroi interne est couverte de près de 10 000 petites saillies, appelées les villosités, dont le rôle est d’augmenter la surface de contact entre l’intérieur de l’intestin grêle et l’extérieur, la multipliant ainsi par 10. Si l’ensemble était déplié et mis à plat, on aurait ainsi une surface avoisinant les 250 m2, autant qu’un terrain de tennis !
C’est à ce niveau que sont absorbées de nombreuses vitamines, qui passent alors dans le sang : la vitamine A, la D, la E et la B12. Il en va de même du glucose, des acides aminés et de certains sels minéraux. C’est dire l’importance du bon fonctionnement de cette partie du tube digestif pour éviter les carences en micronutriments.
Une redoutable maladie
La maladie cœliaque est une affection auto-immune dans laquelle les villosités intestinales sont progressivement détruites, réduisant ainsi la capacité de l’organisme à absorber les vitamines. Cette maladie s’explique par une intolérance au gluten, une protéine présente dans de nombreuses céréales (blé, orge, seigle...). Seule l’éviction complète du gluten permet aujourd’hui de soigner cette affection. On estime que près de 600 000 personnes sont atteintes de cette maladie, dont beaucoup l’ignorent. Les symptômes peuvent être digestifs (douleurs, ballonnements, troubles du transit), mais aussi extra-digestifs (ostéoporose, trouble de la fertilité, dépression...), ce qui ne facilite pas le diagnostic.
Dernière étape avant la sortie : le côlon
Contrairement à l’intestin grêle, le côlon n’est pas un organe vital (on peut vivre après une ablation plus ou moins grande du côlon), mais il est essentiel à notre confort ! Son rôle est avant tout de réabsorber l’eau présente dans les résidus de la digestion, pour former des selles ni trop volumineuses, ni trop dures, ni trop liquides. Dans cette tâche, il est secondé par des milliards de bactéries (le microbiote intestinal), qui sont loin d’avoir encore révélé tous leurs secrets (voir plus bas). Cela prend en moyenne 12 à 24 heures, temps nécessaire pour que le reste du bol alimentaire arrive jusqu’au rectum. Quand celui-ci est plein, l’anus, son sphincter externe, se desserre, et les selles sont éliminées. La digestion du repas est arrivée à son point final, en attendant de repartir à zéro lors de la prochaine ingestion d’aliments.
Quelques symptômes désagréables
Douleurs, ballonnements, alternance de diarrhée et de constipation, flatulences... Cet ensemble de symptômes caractérise le syndrome de l’intestin irritable (SII), encore appelé « colopathie fonctionnelle » ou « côlon irritable ». Les examens mettent généralement en évidence un état inflammatoire léger de la muqueuse intestinale, mais aucune atteinte organique du côlon. Source d’anxiété et de stress, ce syndrome est mal soigné par l’allopathie mais constitue une bonne indication pour l’homéopathie.
Un nouveau regard sur le ventre
Les découvertes scientifiques de ces dix dernières années ont complètement chamboulé la vision que l’on avait jusqu’à présent du ventre. Loin d’être uniquement un « tuyau idiot », une masse de tripes servant à digérer, il se révèle être un organe hautement sophistiqué, qui interagit avec l’ensemble de l’organisme. Intelligent, sensible, adaptable, il est notre première ligne de défense contre bon nombre de pathologies. À l’inverse, ses dysfonctionnements semblent aussi impliqués dans la survenue de pathologies digestives mais aussi extra-digestives. Ces nouvelles données de la science confirment l’intérêt majeur d’une prise en charge globale et sans effet secondaire comme le propose l’homéopathie.
Nos intestins : un deuxième cerveau
Cette expression très accrocheuse de « deuxième cerveau » a été inventée par le neuro-gastro-entérologue américain Michael Gershon en 1999.
Notre tube digestif est en effet tapissé d’un nombre impressionnant de cellules nerveuses : 200 millions de neurones, soit autant que le cerveau d’un animal domestique ! Cerveau du haut et cerveau du bas sont en dialogue permanent, l’un influençant l’autre et vice-versa. Ainsi, près de 80 % de la sérotonine – neurotransmetteur impliqué dans la régulation de l’humeur – sont sécrétés dans l’intestin. Il existe donc bel et bien un système nerveux entérique (logé dans notre intestin) et un système nerveux central, au niveau du cerveau. Il en est de même pour la dopamine, dont 20 % se trouvent dans l’intestin, alors que l’on pensait que tous les récepteurs dopaminergiques étaient dans le locus niger (partie noire du cerveau).
On sait depuis longtemps que le stress peut générer des troubles digestifs. Aujourd’hui, il n’est plus du tout extravagant d’affirmer que nos émotions et nos pensées peuvent être influencées par notre bien-être (ou mal-être) digestif. Une perturbation de la communication entre le cerveau et l’intestin pourrait même être à l’origine de diverses pathologies digestives (le reflux gastro-œsophagien, les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin), des troubles du comportement alimentaire (anorexie ou boulimie) ou d’anxiété.
Pourquoi l’homéopathie ?
Ces découvertes conduisent à revoir complètement la façon de soigner les pathologies digestives. On ne peut plus se contenter de donner un médicament contre un trouble, comme cela se fait malheureusement encore trop souvent en allopathie. Il est indispensable de soigner la personne dans son ensemble, en prenant en compte les interrelations entre le cerveau et l’intestin. Par son approche à la fois symptomatique mais aussi de terrain, l’homéopathie répond parfaitement à cette exigence de globalité.
Le continent encore quasi inexploré de notre microbiote intestinal
Dans ce système d’interactions déjà complexe entre le cerveau et le tube digestif, s’est invité, depuis quelques années, un nouvel acteur : le microbiote (ou flore intestinale). Ce dernier, véritable organe dans l’organe digestif, est encore loin d’avoir dévoilé tous ses secrets. On sait néanmoins qu’il est composé de 100 000 milliards de bactéries (soit dix fois plus que le corps ne contient de cellules !). Tant que tout va bien, il vit en parfaite symbiose avec l’hôte qui l’héberge : nous fournissons aux bactéries la nourriture qui leur permet de proliférer. En échange, elles nous rendent un tas de bons et loyaux services : elles produisent des vitamines (la B et la K), des acides gras essentiels et nous défendent contre les mauvaises bactéries.
Plus récemment, on a découvert qu’elles prennent également part au dialogue entre l’intestin et le cerveau. Une flore équilibrée est associée à un niveau d’anxiété moins élevée car les bactéries produisent de nombreuses molécules qui influencent l’état nerveux et psychique.
L’ensemble de ces travaux montre qu’une perturbation du microbiote (dysbiose) concerne 85 à 90 % des pathologies actuelles. Ainsi, elle pourrait être impliquée dans bon nombre de maladies métaboliques (obésité, diabète), digestives (maladies inflammatoires chroniques de l’intestin – MICI –, colopathie fonctionnelle...), neurodégénératives (maladie de Parkinson, sclérose en plaques...), immunitaires (maladies auto-immunes, cancers, allergies...) mais aussi psychiques et psychiatriques (alcoolisme, dépression, trouble bipolaire, autisme...).
Attention cependant à la prise de probiotiques (bactéries sous forme de compléments alimentaires), très à la mode actuellement. Ils peuvent aggraver le déséquilibre de la flore intestinale et favoriser certaines pathologies, selon le Dr Donatini. Ainsi, un excès de Lactobacillus acidophilus peut augmenter la prise de poids, alors que le Lactobacillus casei aggrave les sujets prédiabétiques.
Albert-Claude Quemoun
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