Gérer la douleur intelligemment

Ca tire, ça brûle,ça pulse...  Bref, ça fait mal ! Personne n’est épargné. Aucune vie ne peut se dérouler sans que s’immisce ça ou là cette sensation au mieux désagréable, au pire insupportable. Une migraine, une rage de dents, une douleur articulaire, un mal au dos ou au ventre... La douleur fait partie de notre vie et, même avec la meilleure volonté du monde, nous ne pourrions pas l’éradiquer.

Nous sommes tous nés en poussant un cri dont les pédiatres s’accordent aujourd’hui à penser qu’il révèle la souffrance ressentie par le fœtus au passage des voies maternelles, puis lorsqu’il avale sa première goulée d’air et que ses poumons se déplient. Sommes-nous venus au monde dans la douleur ? C’est probable. Mais nous n’avons aucun souvenir de ce ressenti pénible. Pourtant, il forme la toile de fond sur laquelle résonnent toutes nos douleurs à venir, petites et grandes.

La prise en charge médicale de la douleur est assez récente. Depuis le milieu du xxème siècle, de nouvelles approches thérapeutiques permettent de faire taire la souffrance dans les situations extrêmes, notamment chez les malades en fin de vie. Mais qu’en est-il de nos petites douleurs quotidiennes, celles qui perturbent notre bien-être sans mettre notre vie en danger ? Le plus souvent, nous les gommons à coup d’antalgiques en vente libre (aspirine, paracétamol, ibuprofène...). Cependant, ces médicaments ne sont pas sans danger.

Ils conviennent à une utilisation ponctuelle : une entorse du poignet qui empêche d’écrire pendant quelques jours, un mal aux dents qui ne résistera pas aux soins du dentiste... Mais lorsque la douleur s’amplifie et/ou s’installe, tout change. L’effet des médicaments diminue dès qu’on les prend régulièrement (accoutumance) et il faut sans cesse augmenter les doses au point que l’on ne peut plus s’en passer (dépendance). Sans compter que cet usage au long cours produit des effets secondaires indésirables allant du simple trouble digestif à une toxicité hépatique grave.

Jusque récemment, on trouvait aussi en vente libre, dans les rayonnages des pharmacies, des antalgiques codéinés accessibles sans ordonnance. Dans ces produits, la molécule active (paracétamol notamment) est associée à un dérivé de l’opium (la codéine) afin de rendre le produit plus efficace. Mais le 12 juillet 2017, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a remisé ces produits dans la catégorie des médicaments disponibles seulement sur ordonnance.

Ceux qui les utilisaient couramment ont crié au scandale : on les privait d’un recours simple et actif. C’est oublier un peu vite que ces produits sont dangereux lorsqu’ils ne sont pas utilisés à bon escient. Or, les autorités ont signalé des intoxications graves à la codéine chez des personnes (surtout des adolescents ou de jeunes adultes) qui absorbaient ces produits en dehors de tout contexte douloureux, juste pour son effet psychotrope. Pour ce faire, ils augmentaient les doses au point que la toxicité du produit rendait cette absorption mortelle.

En France, deux jeunes ont trouvé la mort de cette manière*, ce qui a conduit les autorités de santé à réagir rapidement. Mais aux États-Unis, au cours de l’année 2016, plusieurs milliers de personnes sont décédées à la suite de ce type d’abus médicamenteux. Cela donne à réfléchir...

Les médicaments antalgiques ont cependant une utilité supplémentaire. Lorsque la douleur est violente et/ou chronique, elle finit par grignoter nos réserves physiques et psychiques. Peu à peu, on se recroqueville, on communique moins avec les autres, on se sent irritable, comme « à fleur de peau »... Les grandes douleurs sont désocialisantes lorsqu’elles durent. Un traitement antalgique ponctuel permet alors de renouer avec soi-même, d’en finir avec l’épuisement physique et psychique. C’est une bouée de sauvetage. Mais en tant que tels, ces traitements doivent rester ponctuels. Il convient donc, lorsque l’on sort du piège douloureux grâce au soulagement qu’ils apportent, de profiter de cette énergie retrouvée pour mettre en place d’autres traitements, non médicamenteux ceux-là, qui prendront le relais à court et moyen terme.

On le voit, le recours aux médicaments antalgiques n’a rien d’anodin. Que faire alors ? Se ruer sur les premiers médicaments venus en méprisant le risque ou, au contraire, supporter stoïquement la souffrance ? La réponse se situe entre les deux. La douleur est, avant tout, un message qu’il s’agit d’entendre. Elle signale que « quelque chose » ne va pas dans l’organisme, qu’il s’agisse d’une simple écharde plantée dans le doigt, d’une inflammation gastrique ou d’un disque vertébral déplacé. Remarquons au passage que l’intensité de la douleur n’est pas corrélée à la gravité de l’atteinte, mais qu’elle l’est certainement à l’urgence que nous ressentons de la dissiper.

Il convient donc d’entendre le message avant de faire taire la douleur, faute de quoi le problème pourrait continuer à se développer en silence. Mais pour cela, encore faut-il que son origine soit claire, de manière à pouvoir agir sur cette cause : extraire l’écharde, soulager l’inflammation, remettre le disque vertébral à sa place... Prenez un banal mal aux dents : il signale le plus souvent qu’une carie grignote la dentine et s’approche de la chambre pulpaire abritant le nerf. Un antalgique peut effacer la sensation douloureuse, mais cela n’empêchera pas la carie de continuer son bonhomme de chemin. Attention donc à ne pas mettre la charrue avant les bœufs !

Résumons : une fois la cause première identifiée et prise en charge, il n’est plus nécessaire de souffrir. Le message a été entendu et l’on peut agir. Intervient alors la deuxième étape : trouver un traitement antalgique adapté à la situation. Et le choix est vaste ! Au-delà des médicaments, que l’on peut réserver aux moments d’urgence ou aux très fortes douleurs, la médecine traditionnelle regorge de produits et de techniques efficaces et sans danger. Les plantes sont au rendez-vous, bien sûr, ainsi que les huiles essentielles qui en sont extraites. Mais elles sont loin d’être les seuls recours. Des produits de base, comme l’argile ou le bicarbonate, savent juguler certaines douleurs. Les corrections alimentaires sont efficaces sur les douleurs inflammatoires récurrentes.

Ajoutons à cela les outils issus des neurosciences appliquées. Cette nouvelle discipline scientifique (cf livre présenté ci-dessous -  p. 23) a permis de mieux comprendre les mécanismes infiniment complexes de la douleur et de notre arsenal antalgique endogène. L’application pratique des découvertes découlant des neurosciences a braqué les projecteurs sur un ensemble de gestes quotidiens simples (exercices respiratoires, techniques antistress, gestion émotionnelle, yoga, massages...) qui ont fait la preuve de leur efficacité grâce aux procédés de plus en plus performants de l’imagerie cérébrale.

Ce vaste arsenal naturel offre ainsi de quoi soulager d’innombrables douleurs, petites et grandes, ponctuelles ou durables, sans faire courir le moindre risque à l’organisme. Avouez qu’il serait dommage de s’en priver !

 

Docteur Yann Rougier / Marie Borrel

 

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