Comprendre la place de l’irrationalité dans le soin

 Quelles conséquences pour la pratique et la formation des soignants ?

Un nombre important de personnes se tournent vers des thérapies non conventionnelles, parfois au détriment de leur santé. Les motivations sont nombreuses : insatisfaction vis à vis du système de santé et de ses acteurs notamment du fait d’une perte de sens dans le soin, sentiment de méfiance envers la science, informations fallacieuses et complotisme étalés sur les réseaux sociaux. Dans un tel contexte, les soignants peuvent se sentir démunis face à des comportements qu’ils jugeront comme manifestement irrationnels. L’irrationalité d’un comportement est cependant un concept délicat à manier et qu’il faut considérer avec prudence dans le cadre de la relation médecin malade. Lors de la rencontre avec un patient la question de la finitude de la vie n’est jamais totalement absente. Construire une alliance thérapeutique implique souvent de prendre en compte une telle réalité. L’Académie nationale de médecine se doit de rappeler que la pratique clinique repose sur la maîtrise d’un savoir hautement scientifique et technique mobilisé dans le contexte d’un dialogue entre deux êtres humains, chacun empreint de sa propre subjectivité. Des pistes concrètes sont proposées dans ce rapport, dans les domaines de l’exercice clinique, de la formation des soignants, de l’information des patients et plus généralement des citoyens. Il s’agit d’un enjeu de toute première importance pour garantir un système de soin à la fois bienveillant et efficace, conditions nécessaires pour éviter le recours à certains soins alternatifs potentiellement délétères.  C’est à ces conditions que notre système de soin sera véritablement « rationnel ».

 

Les recommandations de l’Académie nationale de médecine concernent l’exercice des médecins, leur formation, leur information ainsi que, plus généralement, celle des citoyens. Ces recommandations sont les suivantes :

 

1° Adapter l’exercice médical aux changements de société i) en réhabilitant la question du sens dans le soin, pour les patients comme pour l’ensemble des soignants ; ii) en valorisant le temps passé auprès du malade ; iii) en ayant recours à une EBM fidèle à ses origines (« utilisation consciencieuse et judicieuse des meilleures preuves actuelles de la recherche clinique dans la prise en charge personnalisée de chaque patient » [7, 8].

 

2° Adapter la formation des médecins pour améliorer l’alliance thérapeutique par i) une approche globale du patient pour le conseiller et l’aider à prendre une décision thérapeutique ; ii) une meilleure écoute de chaque patient, y compris de ses propres croyances. Pour ce faire, a) généraliser le recours aux entretiens simulés dans les études de santé aux fins de développer le tact, le respect et l’humilité dans une démarche efficace et éthique ; b) augmenter la place des sciences humaines et sociales et de la déontologie dans la formation des médecins et des autres professionnels de santé.

 

3° Lutter contre les « informations fallacieuses » notamment en développant très tôt dès l’école et dans toutes les filières d’enseignement l’exercice de l’esprit critique. Il convient également de développer l’enseignement des sciences cognitives et biologiques en particulier dans la formation des futurs décideurs.