Coeur, pourquoi la prévention ?

Depuis la publication de mon précédent livre sur les maladies cardiovasculaires, Je vous parle du Cœur, aux éditions Quintessence, presque une dizaine d’années se sont écoulées, ce qui à l’échelle d’un individu ou d’une économie est plutôt long, mais à l’échelle de la prévention des maladies cardiovasculaires est relativement court, tant la modification de nos comportements met du temps à produire des effets sur la santé. En dix ans, ce sont plus de 5 millions de décès qui ont été enregistrés en France, dont presque un tiers de maladies cardiovasculaires et 500 000 morts subites ! Au cours de cette décade, bien que nos élites soient devenues plus intelligentes et nos médecins plus efficaces, quels résultats a-t-on pu constater ? De quelles améliorations la population a-t-elle pu bénéficier ? La prévention peut-elle encore faire des progrès et lesquels ?
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Depuis la publication de mon précédent livre sur les maladies cardiovasculaires, Je vous parle du Cœur, aux éditions Quintessence, presque une dizaine d’années se sont écoulées, ce qui à l’échelle d’un individu ou d’une économie est plutôt long, mais à l’échelle de la prévention des maladies cardiovasculaires est relativement court, tant la modification de nos comportements met du temps à produire des effets sur la santé. En dix ans, ce sont plus de 5 millions de décès qui ont été enregistrés en France, dont presque un tiers de maladies cardiovasculaires et 500 000 morts subites ! Au cours de cette décade, bien que nos élites soient devenues plus intelligentes et nos médecins plus efficaces, quels résultats a-t-on pu constater ? De quelles améliorations la population a-t-elle pu bénéficier ? La prévention peut-elle encore faire des progrès et lesquels ?

La prévention dans le domaine des maladies cardiovasculaires est l’ensemble des mesures (comportementales, médicales et techniques) qui contribuent à diminuer la morbi-mortalité dans une population donnée.

La mortalité induite par les maladies cardiovasculaires est en constante régression en France, avec une baisse de 50 % en trente ans mais elle demeure néanmoins trop élevée. Par contre dans le monde, les maladies cardiovasculaires n’ont cessé de progresser pour devenir la première cause de décès (plus de 17,7 millions par an) suivies par les cancers (8,8 millions), les maladies respiratoires (3,9 millions) puis le diabète (1,6 million)1.


En France, la probabilité de mourir six mois après la survenue d’un infarctus a diminué de 68 % entre 1995 et 2015. C’est-à-dire en supposant que l’incidence de l’infarctus soit restée la même durant cette période, la probabilité d’en mourir a été divisée par trois. Les progrès constatés ces dernières années dans la régression des maladies cardiovasculaires viennent surtout de la précocité du diagnostic, de la prise en charge de la maladie coronaire (angor, infarctus) et de l’accident vasculaire cérébral (AVC). Le temps de la prise en charge du patient atteint d’un infarctus du myocarde s’est considérablement réduit depuis l’appel au centre d’urgence jusqu’à l’entrée en salle d’exploration coronaire à l’hôpital. La chaîne s’est peu à peu organisée en graissant tous les maillons pour que le délai soit aujourd’hui de moins de 3 heures. Le maillage du territoire français à l’aide de centres de coronarographie disponibles 24 h/24 pour déboucher les artères obstruées, a été l’élément fondamental qui a permis de réduire la taille et la gravité de l’infarctus du myocarde. La crise cardiaque qui était redoutée pour l’extrême pénibilité de la douleur et la terreur de son handicap (lorsque ce n’était pas l’issue fatale) est devenue le syndrome coronarien aigu (SCA), une nouvelle dénomination qui, par son traitement rapide et banal, a enlevé une partie de l’horreur liée à cette maladie. Presque familière, l’angioplastie coronaire avec la pose de petits ressorts (stents) est entrée dans notre environnement quotidien comme d’autres techniques modernes ont été banalisées. C’est une évidence pour un sexagénaire d’avoir subi une dilatation des artères coronaires avec implantation d’au moins un stent.

C’est sur le schéma de la chaîne de prise en charge de l’infarctus du myocarde que l’accident vasculaire cérébral, deuxième cause de décès par maladies cardiovasculaires en France, est en passe d’être aussi rapidement traité par la désobstruction précoce de l’artère responsable de la paralysie. Les traitements médicamenteux n’ont pas subi en l’espace d’une décennie une révolution majeure qui permette déjà d’apprécier des effets épidémiologiques notables sur la santé publique.

Tous ces éléments démontrent que la capacité organisationnelle humaine est très largement la pierre angulaire du succès d’une technique. C’est ainsi que les meilleurs traitements seraient inutiles si le patient en souffrance n’appelait pas immédiatement les secours, si ceux-ci ne pouvaient dépêcher rapidement un médecin qui administrerait le traitement préparant à la désobstruction de l’artère bouchée et si le cardiologue interventionnel ne débouchait pas l’artère coupable. Le progrès n’est donc pas le simple fait d’un médicament mais plutôt d’une chaîne humaine dont la compétence individuelle est hautement développée par la répétition d’actes bien précis. Dans l’optique de sauver des vies, ce système ne saurait mieux faire qu’en raccourcissant davantage les délais de ces différents intervenants, au prix cependant d’énormes investissements. Mais dans l’optique d’éviter d’exposer notre vie à la maladie, la prévention de celle-ci ne serait-elle pas la meilleure façon de prolonger la première ?

La prévention reste le maillon faible de notre système de santé. D’ailleurs, la formation des médecins lui a laissé peu de place et cela s’en ressent par le peu de temps consacré par le médecin en exercice à la consultation de prévention. Pour simplifier, un tiers de la mortalité avant 65 ans pourrait être évité par la mise en jeu de la prévention. Les pouvoirs publics, qui se sont aperçus tardivement de leur excès de préoccupation à l’égard du soin curatif, multiplient désormais les messages pour nous rappeler le rôle majeur de la prévention. Pourtant, il ne saurait y avoir de meilleur acteur de la prévention de sa santé que l’individu lui-même, lequel ne devrait pas seulement s’en soucier au moment où elle vacille. La prévention est une action du quotidien, une attitude naturelle de notre vie, un réflexe d’hygiène comme la douche ou le brossage des dents.

Les plus grands espoirs de progrès sont permis et sont devant nous ; ils résident dans la prévention des maladies cardiovasculaires. Elle éviterait à de nombreux individus de découvrir, contre leur gré, le traumatisme d’une hospitalisation pour un infarctus ou un AVC, même si notre schéma organisationnel pouvait devenir encore plus rapide. Ainsi, à la chaîne humaine qui se hâte de délivrer les malades de leur infarctus, je vois un intérêt plus grand à développer des choix judicieux pour qu’un individu encore sain pense à préserver sa santé durant toute la vie.

1. OMS, « Maladies non transmissibles, principaux faits », 1er juin 2018.

                                                                                 Docteur Michel  Corcilius

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