Avec le covid, on ne sait pas...

Par Julie Lahmi Infirmière en soins de suite
et de réadaptation (SSR) à l’hôpital d’Eaubonne (95)

Je travaille dans un service SSR (« Soins de suite et de réadaptation ») dédié aux personnes âgées. Et donc, évidemment, parmi les patients hospitalisés dans mon service, certains ont le Covid. « Soins de suite » signifie que la personne n’est plus en atteinte aiguë, quelle que soit sa maladie : c’est la phase d’après pour elle. Pour le pronostic, il n’y a pas de règles, et c’est là, selon moi, la caractéristique la plus déroutante du Covid : nous accueillons des malades en très mauvais état... qui remontent pourtant la pente et sortent finalement sans plus aucun symptôme ou presque ; et, à l’inverse, des patients entrés sur leurs deux jambes pour lesquels brusquement tout s’aggrave et qui, hélas, décèdent. Même avec les scanners thoraciques, un outil plutôt fiable pour observer les dégâts du virus (il y a des opacités bien spécifiques), les équipes soignantes peuvent « se faire avoir ». Je pense à cette patiente, ayant comme antécédent une BPCO*, et dont le test PCR est revenu positif. Cette dame, à la fragilité pulmonaire évidente, avait donc le Covid et était susceptible de le transmettre à tout l’étage !

Un virus, mille visages
Il nous faut être très humbles et modestes. Car la constante est ceci : avec le Covid, on ne sait pas. Et plus on avance, moins on sait. Bien sûr, nous avons énormément progressé sur plein de points : vaccination, compréhension des mécanismes du virus (mais il mute sans cesse !), gestion au quotidien, etc. Par exemple, nous désinfectons plus rapidement les chambres et le matériel aujourd’hui grâce à un seul produit très efficace (en 2020, il nous en fallait deux, en protocole très long de quatre phases, vous imaginez le temps qu’il fallait pour pouvoir accueillir un nouveau patient dans une chambre précédemment quittée par un autre). Mais contrairement aux virus auxquels nous – l’humanité – avons été confrontés jusqu’à présent, comme ceux de la grippe, de l’angine et de la varicelle, qui provoquent tous globalement les mêmes symptômes chez tout le monde, le virus du SARS-CoV-2, lui, a mille visages. Chez certains il va déclencher des troubles respiratoires, chez d’autres des problèmes métaboliques, digestifs, cutanés, vasculaires... c’est fou. Si bien qu’aujourd’hui, dès qu’on a « quelque chose qui ne va pas », on soupçonne le Covid avant toute chose, et on vérifie tout de suite si la personne n’a pas attrapé « le » virus. Seulement ensuite, on cherche une autre origine à ses problèmes. D’autant que les autres virus, justement, ont un peu disparu de la circulation (temporairement évidemment) en raison des mesures sanitaires de ces derniers mois – les gens portent un masque, se lavent plus les mains, etc.

Et aucune raison que cette incertitude s’envole avec le Covid- long. Un patient Covid aigu, personne ne sait comment cela va évoluer pour lui. Pareil une fois tombé en Covid-long. Personne ne sait quand les symptômes vont vraiment s’arrêter. On voit des malades en soins palliatifs (donc « fin de vie ») qui finalement déjouent les sombres pronostics et retrouvent la santé, alors que pour d’autres c’est l’inverse, ils partent en quelques jours alors qu’ils avaient l’air d’aller « bien ». Ce virus n’est pas « logique » et ne provoque pas de conséquences « logiques ». Ce fait de ne pas savoir est hyper-anxiogène, c’est ce qui rend ce virus si angoissant.

De retour à la maison...
On dit que le virus du Covid s’attaque aux faiblesses des personnes, raison pour laquelle il provoque des symptômes si différents chez les uns et chez les autres. Cela semble en effet être le cas, mais cela signifie alors qu’il est difficile de le traquer, de prévoir où il va frapper et comment les choses vont évoluer pour chaque patient. Du coup, lorsqu’on les renvoie chez eux parce qu’ils ne nécessitent plus une hospitalisation, ils repartent un peu démunis côté conseils pratiques. Si vous sortez d’un service d’orthopédie, vous rentrez chez vous muni d’une ordonnance pour des séances de kiné, une rééducation, etc. En cas de Covid, rien de tout cela.

Retrouver le goût, le mouvement, le sourire...
Par exemple, la perte de goût et d’odorat, on considère que cela ne met pas en danger de mort donc ce n’est pas « si grave ». Mais si, c’est grave ! Une personne dénutrie, ce qui est très fréquent notamment dans nos unités de personnes âgées malades atteintes d’un trouble cognitif, par principe se désintéresse de l’alimentation. Ce qui entraîne des carences, et différents problèmes plus ou moins graves, pouvant mener au décès. Alors imaginons cette même personne en Covid-long, à la maison, ayant perdu le goût et l‘odorat... La faire manger peut virer au cauchemar. Résultat : des cicatrisations qui ne se font plus, un brouillard mental aggravé, une fatigue extrême, une immunité très faible, zéro combativité... un ensemble qui peut empêcher de sortir du Covid.

Un autre volet est l’activité physique. À l’hôpital, un malade avec le Covid n’a malheureusement pas droit aux visites, et en plus doit garder la chambre, notamment pour éviter de contaminer les autres malades. Un genre de super-confinement qui entame sérieusement le moral (la solitude !), mais aussi les muscles puisque la personne ne sort quasi pas de son lit sinon pour aller « au fauteuil ». Forcément, la perte musculaire est spectaculaire, et il faudra bien « refaire du muscle » ensuite, pour reprendre des forces et retrouver une autonomie. En outre, les muscles servent à un grand nombre de fonctions autres que le mouvement : ils sont impliqués dans l’immunité, l’humeur, la capacité respiratoire, l’équilibre, l’acuité mentale, etc. Bref, refaire travailler son corps, le remettre dans le mouvement est fondamental pour retrouver la santé après un épisode à l’hôpital. Le corps n’est pas fait pour rester immobile !

Les patients ont besoin d’être accompagnés de retour chez eux, et ce guide très pratique fait partie des outils d’accompagnement pour cela. Sinon, encore une fois, ils n’ont rien ! Pas évident d’aller consulter son médecin généraliste en se plaignant de perte de goût, d’odorat, et que pourra prescrire le médecin ? Rien. Quant à retrouver ses muscles, c’est l’en- jeu d’un travail quotidien, pas seulement « les séances chez le kiné » quand on a la chance d’en avoir ! À l’hôpital, nous nous concentrons sur le vital, ensuite le médecin traitant prend le relais. Mais pour tout le reste, c’est-à-dire la vie concrète, faire les courses, dormir, se laver, vivre avec les siens, travailler, renouer avec une alimentation qui apporte des nutriments variés et protecteurs, le mouvement qui ne va plus de soi, le sommeil qui bat de l’aile, repousser les émotions négatives et le manque de tonus... on ne peut pas prendre un médicament pour chaque symptôme ! Retrouver l’odorat, c’est là aussi une rééducation, un travail quotidien : il s’agit d’associer l’odeur à l’objet portant cette odeur, de recréer les associations de ces deux entités dans le cerveau, cela ne se fait pas tout seul... et pas avec des médicaments. Autant de routines à mettre en place sur le long terme. D’autant que le Covid-long, on ne sait jamais combien de temps ça va durer. Et que l’on part pour un bout de chemin avec lui... Une grippe, c’est en général deux semaines, trois maximum, éventuellement un peu de fatigue après... mais le Covid, c’est le grand point d’interrogation. Chaque patient a son histoire et sa manière d’y réagir. Il faut l’accepter, admettre que c’est lui et son corps qui « ont raison », et lui proposer des aides presque sur mesure en fonction de ses symptômes, ses possibilités... C’est l’objet de ce livre. Bonne lecture, espérant que vous y trouverez des solutions, des pistes pour vous sentir mieux, jour après jour.


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