Paris, le 14 novembre 2016 - D'ici à 2050, la résistance aux antibiotiques pourra tuer une personne toutes les 3 secondes [1]. En Europe, l'utilisation des antibiotiques en médecine vétérinaire est deux fois plus importante qu'en médecine humaine [2]. A l'occasion de la semaine mondiale pour un bon usage des antibiotiques et à la veille de la sortie des nouveaux chiffres sur la consommation des antibiotiques en France par l'ANSES (prévue le 16 novembre), CIWF lance une nouvelle campagne et une pétition demandant des mesures concrètes et efficaces pour sauver nos antibiotiques.
La surutilisation des antibiotiques en élevage est l'une des principale raison de l'antiobioresistance
En Europe, l'utilisation des antibiotiques en médecine vétérinaire est deux fois plus importante qu'en médecine humaine2. L'usage massif des antibiotiques pour les animaux d'élevage, en particulier les faibles doses ou les traitements incomplets, contribue au développement de l'antibio-résistance.
En élevage intensif, les conditions de vies sont une forte source de stress pour les animaux, avec des densités et un confinement extrême (en cage ou en bâtiment). Ils sont sevrés à un âge très précoce, sont souvent utilisés physiologiquement jusqu'à leur limite afin d'augmenter la productivité. Autant de facteurs qui peuvent affaiblir leur système immunitaire. En prévention, des groupes entiers d'animaux reçoivent des traitements antibiotiques, qu'ils soient malades ou non. En France, environ 85% des antibiotiques utilisés en élevage sont donnés en traitement de masse (par l'alimentation ou l'eau). Les volailles, les cochons, les lapins et les veaux sont les plus gros consommateurs d'antibiotiques, en particulier avant le sevrage.
Un besoin urgent de mesures concrètes
Il est urgent d'avoir une politique forte contre l'utilisation excessive des antibiotiques dans les élevages français, avant que les antibiotiques ne soient plus efficaces pour traiter les humains. D'ici à 2050, la résistance aux antibiotiques pourra tuer une personne toutes les 3 secondes1.
Une nouvelle vidéo réalisée par CIWF expose les risques pour la santé humaine de la surutilisation des antibiotiques en élevage et appelle les citoyens à signer une pétition demandant à la Ministre de la Santé, Marisol Touraine et au Ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll de soutenir plusieurs mesures dans le cadre de la négociation des projets de Règlements européens Médicaments vétérinaires et Aliments médicamenteux au Conseil de l'UE, et de les inclure au prochain Plan Eco Antibio à partir de 2017.
Plus précisément, les ministres sont invités à appuyer les propositions suivantes :
Ne plus autoriser le traitement prophylactique et métaphylactique de masse de groupes d'animaux, malades comme en bonne santé, via l'alimentation ou l'eau ;
Garantir qu'aucun antibiotique « critique », incluant la colistine, ne puisse être utilisé en préventif ou en groupe en élevage ;
Améliorer la santé et le bien-être des animaux et encourager des modes d'élevage moins intensifs, afin de réduire le besoin d'utiliser des antibiotiques en élevage.
Mercredi 16 novembre, l'Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l'alimentation (ANSES) va dévoiler les derniers chiffres relatifs à la consommation d'antibiotiques en France. Dès 2014, l'ANSES avait recommandé de mettre un terme à l'usage préventif en routine d'antibiotiques, et de n'en permettre l'usage à des groupes d'animaux qu'en cas de risques avérés d'épidémie. Mais cette recommandation n'est toujours pas mise en œuvre en France.
Pour Léopoldine Charbonneaux, directrice de CIWF France "Les États membres de l'Union Européenne devraient se réunir au début de 2017 pour décider de l'avenir de l'utilisation des antibiotiques en Europe. Le gouvernement doit saisir cette occasion pour s'opposer fermement à la surutilisation des antibiotiques en élevage. Il doit dès maintenant agir pour protéger les citoyens contre les effets sur la santé humaine de l'abus d'antibiotiques dans l'élevage intensif ».
La situation en France
Depuis mars 2016, un décret interdit l'usage en préventif (sur des animaux sains) de certains antibiotiques dit « critiques » dont la liste doit encore être fixée par le Ministère après avis de l'Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l'alimentation. Une initiative importante, qui ne doit pas pour autant éviter à la France de se positionner contre l'usage préventif d'antibiotiques en routine. En Effet, si la moyenne française de l'utilisation d'antibiotiques (toute catégorie) en élevage est inférieure à la moyenne européenne, ce n'est pas le cas de certains antibiotiques critiques et certaines filières restent fortement dépendantes des antibiotiques utilisés en routine sur des animaux sains. Ainsi, en France on utilise 50 fois plus de colistine (pour les élevages que pour toute la consommation humaine en Europe ! Les volailles, les cochons, les lapins et les veaux sont les plus gros consommateurs d'antibiotiques, en particulier avant le sevrage. Au Danemark, où les élevages de cochons sont pourtant nombreux, l'usage d'antibiotiques pour les porcs est 3 fois moins important qu'en France. En Suède, les porcelets (avant sevrage) sont traités en moyenne 100 fois moins que les porcelets français.
Il est temps de changer nos modes d'élevages, pour mettre un terme à la dépendance aux antibiotiques. #SauvonsNosAntibiotiques
Créé en 1967 par un éleveur laitier en réaction à l'intensification de l'élevage, CIWF a pour mission de promouvoir le bien-être des animaux d'élevage et de mettre fin à l'élevage industriel, par le biais d'activités de plaidoyer, de campagnes et de partenariats. CIWF met en évidence les liens étroits existants entre bien-être animal, santé publique, sécurité alimentaire et problématiques
[1] Rapport 2016, page 12 https://amr-review.org/sites/default/files/160518_Final%20paper_with%20cover.pdf
[2] ECDC/EFSA/EMA, 2015. First joint report on the integrated analysis of the consumption of antimicrobial agents and occurrence of antimicrobial resistance in bacteria from humans and food-producing animals, http://ecdc.europa.eu/en/publications/publications/antimicrobial-resistance-jiacra-report.pdf