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Paris, le 27 avril 2017 – A l’occasion du troisième « Café des Chercheurs » organisé par la Fondation pour la recherche en alcoologie, le docteur Gonzague de Larocque, addictologue et sexologue, défait quelques idées reçues sur l’alcool et la sexualité chez les femmes. Celles-ci doivent faire preuve de vigilance, et donc de modération, pour éviter que la recherche de plaisir ne glisse insidieusement vers l’addiction.
Depuis toujours, l’effet aphrodisiaque de l’alcool est reconnu. Selon des études conduites aux Etats-Unis, 50 % des hommes et des femmes affirment avoir utilisé l’alcool pour faciliter les contacts et accroître leur plaisir sexuel. Le docteur Gonzague de Larocque précise que les hommes attendent de l’alcool une diminution de l’anxiété et de la culpabilité liée à la sexualité, et que les femmes attendent plutôt une augmentation du plaisir et une plus grande facilité à s’engager dans un rapport sexuel.
Pourtant, les effets physio pharmacologiques de l’alcool sur la sexualité peuvent être trompeurs chez les deux sexes :
> chez l’homme, les études empiriques qui mesurent la rigidité pénienne et les études plus qualitatives sur le ressenti de la sexualité en fonction de l’alcoolémie vont dans le même sens. Il est exact que l’alcool à petites doses provoque une augmentation de l’excitation que ce soit la rigidité mesurée ou le ressenti déclaré de l’excitation...Toutefois, au-delà du quatrième verre, ce diamètre de la tumescence pénienne diminue considérablement tout comme la qualité et l’intensité du plaisir sexuel. Une alcoolémie élevée provoque même des difficultés pour parvenir à l’orgasme et pour éjaculer, ce que les hommes savent et reconnaissent très largement.
> chez la femme, la situation est plus complexe. En effet, on retrouve les mêmes effets de l’alcool sur la sexualité mesurée empiriquement. Amélioration à petites doses et dégradation progressive lorsque l’alcoolémie s’élève (flux sanguin intra-vaginal diminué, lubrification moindre, déclenchement de l’orgasme plus tardif, intensité plus faible...). En revanche, lorsqu’elles sont interrogées sur ces effets de l’alcool sur leur sexualité, les femmes ont tendance à y voir une amélioration continue du ressenti sexuel quelle que soit l’augmentation des doses ce qui vient contredire l’effet mesuré. Preuve s’il en était besoin que le rapport psychologique des hommes et des femmes à leur sexualité n’est pas le même !
L’effet de l’amélioration de l’excitation mesurée avec des petites doses d’alcool doit être explicité. Les études qui ont trompé les croyances des individus ont montré que cette augmentation de l’excitation chez les hommes ou chez les femmes est identique que les sujets aient bu de l’alcool ou qu’ils aient bu une boisson non alcoolisée (alors qu’ils pensaient qu’il s’agissait d’alcool). En d’autres termes, l’effet aphrodisiaque de l’alcool ne s’explique pas tant par un impact direct de l’alcool sur la sexualité que par un effet « d’attente* ». Le fait de s’attendre à ce que la sexualité s’améliore suffit pour qu’elle s’améliore effectivement. Or, cet effet d’attente est d’autant plus important que les personnes sont culpabilisées par rapport à leur sexualité.
Le docteur Gonzague de Larocque donne ainsi l’alerte sur la perception erronée des femmes sur les effets physio-pharmacologiques de l’alcool et sur ses dangers. Il précise que ce phénomène de croyance positive, qui touche notamment les populations fragilisées (ex. : personnes ayant subi des traumatismes...) est un facteur prédictif de maladies addictives. En effet, utiliser l’alcool pour améliorer sa sexualité peut à terme être une porte d’entrée dans un comportement addictif. A contrario, il faut rappeler que l’alcoolodépendance a pour conséquence de produire des dysfonctions sexuelles**. « Si l’alcool éveille les sens, il peut aussi piéger le désir dans des comportements addictifs qui nuisent non seulement à la santé physique de l’individu mais aussi à celle, plus psychologique, du couple qu’il veut former » dit-il. Il rappelle par ailleurs que plus de 60% des patients alcoolodépendants ont au moins une dysfonction sexuelle en précisant qu’il existe un effet à double entrée : on peut rentrer dans l’alcoolodépendance par une sexualité troublée ou au contraire risquer d’altérer la sexualité par une consommation excessive d’alcool.
* Expériences de Wilson et Lawson et modèle de l’apprentissage social de Bandura, cf. Etude Addictologie et sexologie du docteur Gonzague de Laroque
** Entre 61 % et 71 % des patients alcoolodépendants ont au moins une dysfonction sexuelle.
Docteur Gonzague de Larocque, MD, PhD, médecin addictologue et sexologue, docteur en sciences sociales et chercheur :
> Inserm CESP U1018 « Equipe Genre, Santé sexuelle et reproductive » (Kremlin-Bicêtre),
> CSAPA Victor Segalen (Clichy),
> SSR addictologie Clinique des Epinettes (Paris).
www.fondationrecherchealcoologie.org
A propos de la Fondation pour la recherche en alcoologie :
La Fondation pour la recherche en alcoologie a pour vocation de développer et partager la connaissance sur l’alcool. Fondation sous l’égide de la Fondation de France, reconnue d’utilité publique, ses missions sont de soutenir la recherche et de faire connaître les savoirs sur ce thème avec l’ambition de contribuer à l’amélioration de la santé publique. La Fondation initie et participe à toutes les recherches jugées pertinentes en sciences biomédicales et/ou en sciences humaines et sociales en rapport direct ou indirect avec l’alcool. Elle s’attache également à la communication et à la discussion de leurs résultats.