Actualité du 23/11/2017
L’Anses publie ce jour les résultats de son expertise sur l’évaluation des risques pour la santé des professionnels exposés aux produits utilisés dans les activités de soin et de décoration de l’ongle. Au vu du grand nombre de substances auxquelles sont exposés les professionnels, l’Agence émet une série de recommandations à destination des différents acteurs concernés : les metteurs sur le marché, les professionnels du secteur, les pouvoirs publics, les institutions et organismes de recherche et de prévention. Ces recommandations portent à la fois sur des mesures de prévention et de protection à mettre en œuvre, la sécurité chimique des produits cosmétiques et l’évaluation de l’exposition des professionnels, ainsi que sur des mesures relatives à la formation et à l’information des professionnels.
En 2009, à la demande de la Direction générale de la santé (DGS), l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a évalué le risque, pour les consommateurs, lié à l’utilisation du toluène dans les produits cosmétiques, et plus particulièrement dans les vernis à ongles, sans cependant prendre en compte les risques éventuels pour la santé des professionnels. Ces professionnels sont en outre amenés à manipuler des produits contenant d’autres substances chimiques dangereuses que le toluène. L’ANSM a donc saisi l’Anses afin d’évaluer les risques liés à l’exposition des professionnels aux produits utilisés pour le soin et la décoration de l’ongle.
Les activités de soin et de décoration de l’ongle sont réalisées par des prothésistes ongulaires et des esthéticiennes. Ces professionnels sont amenés à réaliser divers types de soins et de décoration de l’ongle : pose de vernis classique ou semi-permanent, soins de manucure et pose de prothèses ongulaires par différentes techniques (technique « gel », technique « résine », …), stylisme ongulaire.
Cette population, majoritairement féminine, se répartit dans toutes les classes d’âge, principalement entre 18 et 35 ans. Ces professionnels peuvent être salariés ou indépendants, exerçant dans des locaux dédiés ou au domicile des client(e)s. Les établissements d’activité de soin et de décoration de l’ongle sont de petite taille, employant souvent au plus cinq personnes.
L’analyse des données disponibles a permis d’identifier environ 700 substances présentes dans la composition des produits utilisés ou dans les atmosphères de travail. 60 de ces 700 substances ont été jugées très préoccupantes de par leur classe de danger la plus élevée (classification cancérogène, mutagène et toxique pour la reproduction (CMR), sensibilisant et/ou inscrite sur une liste de perturbateurs endocriniens potentiels).
En cohérence avec les données de la littérature, les données des réseaux de surveillance des pathologies professionnelles indiquent que les groupes de pathologies les plus fréquemment diagnostiquées chez ces travailleurs sont :
Dans plus de la moitié des cas, la pathologie diagnostiquée est imputée à l’exposition à la famille des (méth)acrylates, dont la présence a été confirmée dans les atmosphères de travail par une campagne de mesures réalisée chez des professionnels en Ile-de-France et dans les Hauts-de-France entre juillet 2015 et octobre 2016. En effet, les produits utilisés pour la cosmétique ongulaire et principalement mis en cause dans les pathologies diagnostiquées sont les produits de façonnage de l’ongle artificiel (gel, résine) contenant des monomères (méth)acryliques sensibilisants, irritants voire neurotoxiques. Ces composés sont majoritairement responsables des dermatites d’allergie de contact recensées chez ces professionnels. Les (méth)acrylates peuvent également être mis en cause dans certains problèmes respiratoires identifiés chez ces professionnels, tels que des asthmes.
La campagne de mesures a également mis en évidence la présence de composés organiques (semi) volatils (CO(s)V) dans l’air, dont certains sont des agents CMR et neurotoxiques. Jusqu’à 42 CO(s)V ont pu être identifiés dans un même local de travail. Les concentrations en CO(s)V pris individuellement sont cependant faibles, comparées à celles généralement mesurées sur des sites industriels. En revanche, les concentrations en COV totaux et en toluène sont fortes si on les compare à celles mesurées dans les logements et dans l’air extérieur.
Les professionnels de ce secteur sont aussi exposés à des particules provenant d'opérations de ponçage de l'ongle et des résines. La caractérisation fine de ces poussières, notamment chimique et granulométrique, est méconnue.
Enfin, les résultats de la campagne de mesures montrent également que les mesures de protection pour la prévention du risque chimique telles que la ventilation générale, la ventilation localisée de type table aspirante, le port de gants et de masques de protection contre les poussières, sont peu mises en œuvre par ces professionnels.
Au vu des conclusions de son expertise, l’Agence recommande :
L’Agence recommande également de rendre obligatoire une formation diplômante harmonisée pour toute personne amenée à exercer une activité de pose de prothèses ongulaires, incluant un module sur la prévention des risques professionnels et les bonnes pratiques de travail.
En matière de recherche, il apparaît nécessaire d’améliorer les connaissances sur les effets et les expositions, en particulier aux particules inhalées lors des opérations de ponçage et de limage, et notamment sur la toxicité de ces particules lors de ces opérations sur des ongles artificiels à base de (méth)acrylates. L’Agence recommande également d’améliorer les connaissances sur l’état de santé de cette population professionnelle et son évolution, concernant entre autres le risque de sensibilisation, de dermatites allergiques de contact, d’asthmes, d’issues indésirables en matière de reproduction et de développement, de pathologies neurologiques, de pathologies auto-immunes voire de cancers.