Note d’éclairage du Conseil scientifique COVID-19


DISPONIBILITE DES TESTS RAPIDES : DEFINIR UNE STRATEGIE DE TESTS

Le Conseil scientifique rappelle les 3 grands objectifs à prendre en compte dans la réponse à la crise actuelle :

- Protéger les anciens, les personnes fragiles et les personnes en situation de précarité pour réduire la mortalité et la saturation du système de soins ;
- Préserver l’économie, même partiellement, respecter la vie scolaire et la formation ;
- Limiter la circulation du virus pour revenir à un niveau plus bas, permettant d’être efficace avec la stratégie « Isoler-Tester-Tracer-Accompagner » qui reste l’outil majeur de contrôle de l’épidémie avec l’application des mesures barrières.

> Un confinement aménagé a été mis en place le vendredi 30 octobre 2020 dont les effets éventuels devraient pouvoir être observés dans les 2 à 3 semaines qui suivent. Il faudra attendre un délai de plusieurs semaines pour apercevoir une baisse significative de la circulation du virus.
> Les tests antigéniques à visée diagnostique sont maintenant disponibles. On connait mieux leur sensibilité, ils ont 2 avantages majeurs : une réponse en moins de 30 minutes ainsi qu’une sensibilisation des citoyens au diagnostic de COVID-19 pouvant faciliter l’isolement. Des stratégies de dépistage peuvent se construire autour de ces outils.
> Dans cette courte note, le Conseil scientifique dessine deux scénarios autour d’une optimisation du dépistage :
- Une stratégie de dépistage « Mass Testing » en fin de confinement ;
- Une stratégie de dépistage plus ciblée sur les populations à risque durant la phase de confinement et à sa sortie.

> Le Conseil scientifique souligne une nouvelle fois l’importance majeure de l’ISOLEMENT. Les tests antigéniques permettent de mettre en place une stratégie en 3 volets :
- Le diagnostic précoce c'est à dire la confirmation la plus rapide possible de cas symptomatique avec un objectif de traçage et de diagnostic des cas contacts et d'isolement.
- Le dépistage ciblé sur des populations à risque particulier en raison de leur risque plus élevé d’infection ou de leur risque en terme de sévérité (morbi-mortalité). L'objectif est de diagnostiquer plus rapidement et d’assurer l’isolement précoce des cas symptomatiques avant même le recours de ces personnes au système de soins et aussi des cas asymptomatiques et ce dans des populations définies soit géographiquement soit en raison d'une activité particulière, soit d'un risque particulier. L’objectif à terme est de prévenir la survenue d'un foyer.
- Le dépistage de masse réalisé en population générale. L’objectif est de détecter un maximum de personnes contagieuses dans la population et d’assurer leur isolement. La répétition dans le temps est nécessaire pour limiter les cas entre 2 campagnes de tests.

PARTIE I – IMPORTANCE ET LIMITES DES TESTS ANTIGENIQUES
Les tests utilisés pour mettre en place des campagnes de dépistage ciblé ou de masse peuvent être les tests RT-PCR et surtout les tests antigéniques (annexe 1). Actuellement, qu’il s’agisse de tests RT-PCR ou de tests antigéniques, seul le prélèvement naso-pharyngé garantit la sensibilité minimum requise pour une opération de dépistage de masse. Les prélèvements salivaires, qui offrent une plus grande facilité d’exécution, restent à optimiser notamment en dépistage chez les asymptomatiques, et leur validation technique va demander encore plu- sieurs semaines.

> Les tests RT-PCR sont plus sensibles. Du fait de leur sensibilité, et en absence de tests quantitatifs (détermination des charges virales), ces tests peuvent amener à des isolements inutiles dans la mesure où environ 20% des personnes dépistées PCR positifs (détection d’ARN viral) présentent une excrétion virale nulle ou faible les rendant non contagieuses. Certaines personnes pouvant même excréter des ARN viraux non infectieux (fragments ou débris de virus) sur plusieurs semaines. Le coût de la RT-PCR peut être compensé grâce à des techniques de poolage d’échantillons qui sont fiables, mais compliquent l’organisation des tests et le rendu des résultats. Le principal inconvénient de la RT-PCR dans le contexte du dépistage de masse est le rendu des résultats du test 24 à 48 heures après sa réalisation, retardant d’autant l’isolement des sujets positifs et contagieux, et faisant courir le risque d’une rupture de contact avec les sujets testés. De plus, au niveau quanti- tatif, leur utilisation en masse à visée de dépistage pourrait interférer négativement avec leur utilisation à visée diagnostique.

>  Les tests antigéniques sont moins sensibles, détectant les sujets à la phase contagieuse de l’infection où la charge virale est plus élevée, mais passant à côté des infections débutantes si bien que des sujets détectés négatifs en début d’infection pourront être contagieux dans les trois jours suivants. Par ailleurs, les capacités de production de tests anti- géniques sont insuffisantes actuellement pour permettre un dépistage massif et répété. Par contre, l’intérêt majeur des tests antigéniques est de pouvoir obtenir un résultat en moins de 30 minutes, on peut alors informer directement les personnes concernées et donc faciliter la mise en place de l’isolement.

PARTIE II – DEPISTAGE DE MASSE DU SARS-CoV-2
1. Principes généraux
Le dépistage de masse peut être utilisé pour des opérations d’élimination de la circulation du virus quand celle-ci est très basse (ex : villes chinoises, où plus de 10 millions de tests ont été effectués en moins d’une semaine quand quelques cas ont été identifiés en population), ou pour diminuer la circulation du virus et en reprendre le contrôle dans des pays connaissant des épidémies généralisées (ex : Slovaquie ou la ville de Liverpool en Grande Bretagne).

2. Un enjeu logistique majeur
Au vu de la situation du pays, un dépistage de masse en France ne pourrait être envisagé que dans un délai de plusieurs semaines pour permettre la préparation d’une opération logis- tique de très grande envergure. Seule la Slovaquie a réalisé à ce jour une telle opération à l’échelle nationale, faisant intervenir l’armée pour tester 3,6 millions d’individus âgés de 10 à 65 ans en deux jours (sur une population totale de 5,5 millions d’habitants). Des tests antigéniques ont été utilisés, et le taux de participation a été estimé entre 80% et 90% parmi la population cible. 57 500 individus ont été positifs (1,6% de la population testée). En France, on peut faire l’hypothèse qu’une disponibilité des tests antigéniques pourrait être obtenue en quantité suffisante. Le délai de préparation de la campagne permettrait de faire intervenir le dépistage à un moment où la circulation du virus en fin de confinement serait de l’ordre de 5 à 15 000 cas par jour. Cette période de temps devrait également être mise à profit pour associer l’opinion publique à cette campagne, l’adhésion de la population étant essentielle pour le succès de l’opération. Pour les personnes refusant le test, ou pour les personnes à risque de complications graves si infectées et ne souhaitant pas s’exposer au risque de con- tamination en se rendant sur les lieux du test, il est possible de proposer de s’auto-confiner une semaine plutôt que de se faire tester.

3. Impact encore incertain sur la circulation du virus
En l’état, le bénéfice d’une opération d’une telle envergure n’est pas encore établi. Les résultats préliminaires de modélisation poussent à la prudence, soulignant les nombreuses conditions qui doivent être remplies pour qu’une stratégie de ce type puisse réussir. Pour remplir son objectif de contrôle de la circulation du virus, le dépistage de masse doit être le plus exhaustif possible (>90% de la population testée) avec un test ayant une bonne sensibilité pour détecter « les personnes contagieuses » (90%), et non seulement les personnes symptomatiques. Il doit s’accompagner de mesures d’isolement strict des personnes identifiées comme positives (>90% des personnes testées positives doivent respecter un isolement d’au moins une semaine). Pour être efficace, il doit être répété à intervalles réguliers rapprochés (tous les 15 jours, voir plus loin), et être réalisé dans des conditions de maîtrise générale de la circulation du virus (R≤1,3 / temps de doublement ≥ 17 jours entre les vagues de dépistage). Ces conclusions se fondent sur des travaux préliminaires de modélisation et des retours d’expérience (annexe 2). Par ailleurs, des équipes de modélisation belge et anglaise trouvent égale- ment que dans un contexte de reprise épidémique, une campagne de tests aura un impact limité si elle n’est pas répétée de façon régulière, avec de très bonnes performances en termes de détection des infections et d’isolement des cas.
Par ailleurs, nous manquons encore de recul pour pouvoir évaluer l’impact des campagnes de « Mass Testing » réalisées à Liverpool et en Slovaquie.
La nécessité de répéter les dépistages de masse tous les 15 jours risque d’entraîner rapide- ment un effet d’épuisement des différents acteurs et de la population. Il ne faudrait pas non plus que la négativité d’un test soit interprétée comme un passeport pour le retour à une vie normale, le maintien du contrôle de la circulation du virus à un niveau maîtrisé (R≤1,3) étant une condition du succès de l’opération. Ceci est d’autant plus nécessaire que la circulation du virus pourrait naturellement augmenter en période hivernale. Il est enfin difficile d’anticiper l’adhésion et la participation de populations précaires ou marginalisées à cette opération.

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