L'EFSA doit reconnaître le caractère cancérogène de la charcuterie nitrée

Nous avons organisé ce matin au Parlement européen à Bruxelles une conférence de presse avec Eric ANDRIEU (député européen, groupe de l'Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates) et Marc TARABELA (député européen, groupe de l'Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates, membre de la Commission de l'agriculture et du développement rural et de la Commission spéciale sur la procédure d'autorisation des pesticides par l'Union)
 
La charcuterie enrichie en nitrites, est déclarée cancérogène pour l'homme par le CIRC (OMS) en 2015.
 
Mais l'EFSA, comme pour le glyphosate, brouille les cartes et se fait aussi l'avocat des risques de botulisme pour justifier de son inaction dans la régulation des additifs cancérogènes dans la charcuterie industrielle européenne.
 
En avril 2017, l'Efsa a adopté deux épais rapports. La conclusion de ces réévaluations, largement reprises dans la presse agroalimentaire : l'utilisation du nitrate et du nitrite ne pose pas de problème pour la santé publique. Cette conclusion confirme donc l'avis précédent, de 2010.
Cette "réévaluation" passe volontairement à coté de l'essentiel, en escamotant le problème fondamental : au titre des mécanismes cancérogènes, l'Efsa n'évoque qu'un seul des mécanismes connus (les nitrosamines) et "oublie" complètement le plus problématique d'entre eux : le fer héminique qui devient "fer nitrosylé" après traitement au nitrite.
Par ailleurs, sur la question des nitrosamines, la réévaluation postule qu'il est possible de dériver une DJA en confondant volontairement deux aspects qui relèvent de deux problématiques pourtant distinctes : la toxicité du nitrite (risque de méthémoglobinémie) et la cancérogénicité. Cela permet à l'Efsa de postuler que les composés N-nitrosés ne seraient pas cancérogènes au-dessous d'un certain seuil. On retrouve ici un trait que vous connaissez bien, où l'Efsa évalue la cancérogénicité suivant des critères de dose qui ne sont pas satisfaisants.
Dans l'ensemble, la réévaluation de l'Efsa est marquée, dans ses passages les plus décisifs, par la reprise des arguments de chercheurs dont les liens avec l'industrie sont parfaitement connus, en particulier Jeffrey Sindelar et Andrew Milkowski. Cash Investigation en 2016 avait même consacré une séquence à Andrew Milkowski : celui qui se présente aujourd'hui comme un chercheur académique à l'université de Madison est en réalité un lobbyiste de l'American Meat Institute, responsable d'une "Nitrite Task Force" secrète mise en place par le lobby américain des viandes nitrées.
Les deux rapports de l'Efsa (et la communication qui les accompagne) jouent en permanence sur la confusion entre les additifs nitrés et leurs produits de décomposition. Rappelons que le nitrate et le nitrite ne sont jamais eux-mêmes cancérogènes. Quelle que soit la dose d'ingestion, ces deux substances ne provoquent jamais directement le cancer - ni chez l'animal, ni chez l'homme. Pourtant, après avoir été injectés dans la viande, nitrate et nitrite se décomposent et s'associent à la matière carnée. C'est alors qu'ils donnent naissance à trois types de molécules cancérogènes : le fer nitrosylé, les nitrosamines, les nitrosamides.
Parmi les experts qui ont été chargés de la réévaluation de l'Efsa, plusieurs noms éveillent de sérieuses inquiétudes quant à leur neutralité. Que penser ainsi du rôle exact de Mr Fidel Toldra, l'expert de l'EFSA qui, durant la réévaluation des nitrates et des nitrites par l'EFSA, est allé à l'université de Madison, Wisconsin, haut lieu de l'industrie américaine des viandes nitrées, recevoir un prix remis par l'industrie ?
Dans l'ensemble, l'Efsa nie la cancérogénicité spécifique des viandes nitrées, et n'aborde pas la question fondamentale de la nécessité des traitements nitrés. L'agence passe totalement sous silence les avantages décisifs que ces additifs apportent à l'industrie en terme de réduction de coût. L'Efsa ne pose pas la question essentielle : ces additifs sont-ils indispensables ? Le rapport remis en janvier 2016 à la Commission (EFCIC 2016 study on the monitoring...) relevait pourtant qu'il était possible de se passer d'additifs nitrés tout en assurant une parfaite sécurité sanitaire - mais que l'industrie des viandes nitrées n'était pas favorable à cette suppression.
 
L'agence, de plus, parait ignorer qu'à Parme même, les 150 PME du consortium du "Jambon de Parme" (Prosciutto) ont renoncé depuis 25 ans aux additifs nitrés. Donc, fabriquer de la charcuterie sans nitrites et nitrates c'est possible. Les 9 millions de jambons de Parme produits chaque année l'atteste sans avoir un seul cas de botulisme en 25 ans grâce à une hygiène stricte.

Le principe de précaution impose que les nitrites dans la charcuterie soient interdits au niveau de l'Union européenne.

Pour plus d'informations, contact : 

sebastien.barles@europarl.europa.eu