Avoir une maladie chronique, c’est un poids


Interview du Professeur Corinne Miceli-Richard,
Rhumatologue, Hôpital Bicêtre, au Kremlin-Bicêtre

 

Le Professeur Corinne Miceli-Richard participe à une consultation de transition destinée aux jeunes patients passant d’un suivi en secteur pédiatrique à un suivi en secteur adulte.

Lorsque l’on est atteint de rhumatismes inflammatoires chroniques, y-a-t-il des symptômes plus difficiles à supporter que d’autres ?
On ne peut pas vraiment dire ça. Toute articulation, dès qu’elle devient douloureuse, se révèle soudain très utile ! Ce qui est vrai pour les spondyloarthrites par exemple, l’est aussi pour une simple tendinite d’épaule... J’aurais tendance à dire que le plus difficile dans ces rhumatismes est l’âge des patients. Ils sont touchés alors qu’ils sont en pleine activité professionnelle et sociale. Non seulement, ils souffrent au travail mais ils ne peuvent pas pratiquer certains loisirs, sportifs, par exemple. Ils ne l’acceptent pas toujours, c’est humain.

L’impact professionnel est donc réel ?
Il dépend beaucoup de la sévérité de la maladie et de la façon dont les patients ont pu ou pas bénéficier de traitements adaptés à leur maladie. Par ailleurs, les patients ayant par exemple une ankylose du rachis ou une atteinte articulaire évoluée, gardent forcément des séquelles fonctionnelles même si les traitements entrepris améliorent la douleur.

Les patients parlent-ils facilement de leur maladie ?
Il y a des patients qui préfèrent ne pas parler de leur maladie, surtout au travail. Je m’en suis rendue compte lorsque j’ai eu besoin d’obtenir des témoignages de patients pour des campagnes d’information via les média. Beaucoup ont refusé car ils craignaient d’être reconnus par quelqu’un de leur entourage professionnel. Parfois cela peut aussi arriver dans le cadre familial, notamment quand les symptômes ne sont pas apparents. Les gens qui ne connaissent pas la maladie pensent que le patient exagère. On ne les prend pas au sérieux et les patients en souffrent. En consultation, c’est différent : ils estiment que nous savons de quoi ils parlent. De plus, ils se savent protégés par le secret médical, du coup ils se livrent plus facilement.

Et sur Internet et les réseaux sociaux ?
Les jeunes constituent une population ultra-connectée. Ils connaissent les réseaux sociaux sur le bout des doigts. Ce type de support leur parle bien évidemment.

C’est d’autant plus vrai quand il s’agit d’adolescents ?
A l’hôpital Bicêtre, ils sont d’abord pris en charge par la rhumatologie pédiatrique. Ensuite, lorsqu’ils avancent en âge, le service adulte prend le relais après quelques consultations communes. Ce que je peux dire, c’est que beaucoup d’entre eux, lorsqu’ils arrivent en consultation à 11-13 ans pour des rhumatismes, vivent forcément mal la situation. Ils doivent faire face à une maladie qui va les suivre toute leur vie et qui les invalide par rapport aux autres. Cette attitude de rejet les amène parfois à refuser leur traitement. Le fait de pouvoir discuter avec d’autres personnes dans le même cas, de façon anonyme via les réseaux sociaux, ne peut que les aider.

Pour en savoir plus : www.aflar.org