Un livre entier ne suffirait pas à définir ce qu’est le Qi Gong et de nombreux ouvrages existent sur la question. On a des définitions étymologiques, symboliques, idéogrammiques et idiomatiques, littéraires, applicatives et souvent contextuelles... Sans vouloir entrer dans le raffinement de l’analyse, disons de prime abord que le Qi Gong est avant tout « la voie du ressenti », un art de la pratique corporelle, respiratoire, mentale et énergétique, une fenêtre ouverte par soi vers soi pour mieux redécouvrir la pleine dimension de nous-mêmes afin de s’ouvrir à celle de l’autre et plus largement à l’énergie du monde du vivant.
Dans la réalité de nos contraintes de vie et notamment de notre vie professionnelle, à plus ou moins grande échelle, nous avons tous tendance à nous oublier nous-mêmes, à nous couper de la vibration de nos cellules, à ne pas écouter nos biorythmes, à subir ou à gérer du mieux possible l’énergie de notre environnement de travail, un environnement économique souvent oppressif qui raisonne en terme d’efficacité ou mieux, d’efficience, d’objectifs et de rapidité et si possible de comparatifs, de benchmarks, de chiffres, de beaux tableaux de reporting (« charts ») et de compétition. Si ce n’était l’occupation de bureaux souvent confortables, on se croirait tout droit sortis d’un livre traitant des lois de l’évolution, version moderne et darwinienne de la loi de la jungle et de la sélection naturelle. Mais ce faisant, et on le ressent profondément à l’intérieur de nous-mêmes, ce comportement de prédation par l’excellence ou de peur par la pression de l’objectif nous éloigne de l’équilibre naturel des choses et de nos représentations de l’harmonie. Cette recherche souvent excessive de la performance est un facteur de stress reconnu aujourd’hui par la plupart des acteurs du monde socio-médical et par beaucoup des dirigeants eux- mêmes7. S’éloignant de son centre par la force des choses et la nécessité des temps, chacun d’entre nous cherche le moyen de se ressourcer et de retrouver une forme de vérité intérieure à opposer à l’entropie ambiante. Ainsi et au-delà de l’emprise du quotidien, le Qi Gong est cette « voie du ressenti » qui, parmi d’autres, permet de découvrir et surtout de redécouvrir que l’équilibre de la vie sommeille au plus profond de nous-mêmes, que la vérité est à l’intérieur de la bouteille. Par delà les tracas de la vie quotidienne, le ressenti de la vibration énergétique de nos cellules nous aide à rester en bonne santé, nous aide à trouver notre centre, la conscience de notre propre corporalité (kinesthésie) et notre équilibre psycho-émotionnel (gestion du stress). Ce travail du ressenti peut enfin nous rappeler notre origine et les liens d’unité qui guident le monde environnant.
Au final, pratiquer le Qi Gong revient à apprendre à ressentir l’énergie de ses organes, à observer les émotions confortables ou inconfortables qui s’ouvrent à nous, à se faire confiance, à mieux connaître ses points forts, les points à travailler dans cette vie présente, apprendre à se « couler » dans l’énergie de ses désirs et de ce que l’on ressent, dans la direction de ce que l’on est vraiment. Vivre le Qi Gong, c’est mettre de l’ordre et de la clarté en soi-même, retrouver la claire conscience de chaque moment que nous vivons, déceler les aspects faux de notre comportement, chasser l’ennui, mieux gérer les « sept émotions » qui menacent notre équilibre psychique, nous aider dans la recherche de la paix intérieure. Par cette pratique du chemin du calme, nous pouvons gagner en sérénité et en lâcher-prise, développer la rare vertu de la patience et notre créativité, renforcer notre persévérance et notre volonté ainsi que nos représentations du sens de la justice et de l’harmonie. La pratique du Qi Gong aiguise notre capacité de jugement, elle peut aider à renforcer le côté positif de notre nature et à en surmonter le côté négatif. Elle nous permet de trouver en nous l’énergie d’avancer et nous aide à trouver le sens, trouver notre voie. En nous permettant d’accéder à notre énergie intérieure, elle permet d’éviter de se nourrir de l’énergie de l’autre par la domination, l’inspiration de la peur, l’humour obligé ou la pitié (bourreau ou victime). Notre relation à l’autre devient pacifiée. Tentant de retrouver le centre, la pratique du Qi Gong contribue à émettre au monde le rayonnement de notre énergie « raffinée » plutôt que de subir la densité de notre environnement.
C’est donc une philosophie de vie, un art destiné à parvenir à la réalisation de soi et à l’harmonisation de nos relations aux autres.
Laurent Chateau
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