Etude de la vierge noire

Alors que les Vierges noires sont toutes des représentations de Marie, on n’emploie jamais le vocable « Marie Noire ». C’est donc que le générique « vierge » a plus d’importance que le prénom. Le symbole dépasse la personne.

Alors que les Vierges noires sont toutes des représentations de Marie, on n’emploie jamais le vocable « Marie Noire ». C’est donc que le générique « vierge » a plus d’importance que le prénom. Le symbole dépasse la personne.

Il nous appartient donc, avant de commencer à étudier les Vierges noires, d’essayer de nous rappeler ce que les mots « vierge » et « noire » signifiaient à l’époque où elles apparaissent dans les églises et y sont vénérées.
VIerge : le mot « vierge » n’avait pas autrefois le sens anatomique précis qu’il a aujourd’hui : on était vierge quand on était indépendant. Il signifiait « qui n’est pas attaché à quelqu’un », célibataire avec un statut dans la communauté, ce qui était le cas des druidesses comme Circé. elles choisissaient librement les géniteurs de leurs enfants sans encourir le moindre reproche de la communauté, car elles incarnaient la « grande Vierge Mère sans laquelle rien ne serait ». Cela était aussi valable pour les vestales qui participaient pourtant aux rites sexuels sacrés, mais seulement avec le roi ou les flamines (prêtres attachés à la divinité gardée par les vestales). « Vierge » correspond au mot grec parthénos qui signifie seulement « femme non mariée » et aussi « Mère » (non mariée), on pen- sera donc ici au nom du Parthénon à Athènes.

L’origine latine de « vierge », virgo, ne nous apprenant rien, voyons chez nos voisins. La racine celtique werg, puissance, mais aussi travail : (w)ergon en grec, werk en allemand, ou work en anglais, qui s’applique à la déesse Mère ou druidesse Mère, se réfère à son indépendance, à sa « possession d’un grand troupeau de bétail » (la potnia théron grecque) preuve évidente de sa fécondité multiple, symbolique ou incarnée...

Selon Marol, « vierge » est un mot dont il faut réapprendre la vigueur. Vria, en sanskrit, est à la fois ce qui est inaccessible, caché, et ce qui se répand, une plénitude débordante. Nous sommes ici à l’origine de « l’état vierge », paradoxalement un état fécond. Pour Chevalier et gheerbrandt, « la grande divinité féminine celtique, qui est unique dans son principe, par opposition aux divinités masculines du panthéon, (la Minerve du schéma théologique de César), possède les deux aspects de la Vierge et de la Mère, c’est-à-dire que la virginité est une des conditions essentielles [...] de la divinité féminine. Après chaque naissance, la mère redevient vierge ». 1

La virginité de la déesse ne doit pas égarer. Point ici d’idée de chasteté ou de stérilité, bien au contraire ! La figure d’Artémis la Vierge s’intègre dans la symbolique archaïque des vierges mères. S’appuyant sur le sens exact de l’épithète parthénos (femme non mariée et non vierge), Frazer remarque qu’“il n’y a pas de culte public d’Artémis la Chaste. elle s’intéressait, comme Diane en Italie, à la perte de la virginité et à la grossesse, et non seulement elle aidait les femmes à concevoir et enfanter, mais elle les y encourageait”2. » et Bertrand Hell précise que la Vierge chasseresse est aussi nommée kourotrophos « celle qui fait croître les jeunes gens », et les femmes la vénèrent sous les traits de Locheia, la déesse de l’accouchement ». Quant à Yves Monin, il se souvient que le « terme s’est appliqué à des prostituées sacrées. Comme se comprend alors la conduite des déesses primordiales ! Comme les actes terribles de Diane s’expliquent !... La transition est facile vers l’Homme et la Femme Sauvages. Qui ne les a vus, gravés si souvent sur les maisons médiévales (Levroux, Nice, etc.) et mémorisés par l’Histoire dans le Bal des Ardents ? »

Il y a quelques ancêtres à la Vierge Marie. Dans l’Énéïde, écrit en 20 avant J.-C., Virgile rapporte l’épisode de rémus et romulus, nés de la fille vierge d’un roi. L’Iranien Mani a un père qui a fait vœu de chasteté, et une mère vierge qui reçoit la semence « en esprit ». L’union d’un dieu avec une mortelle, c’est également Poséidon et Clito, ou Zeus et Sémélé. La montée de la même Sémélé chez les dieux de l’olympe – en son corps charnel – a d’ailleurs comme un parfum d’Assomption... et que dire de l’étymologie du nom de son fils Dionysos, le « deux fois né » : vivant, mort et ressuscité de la cuisse de Zeus, donc par la volonté de son père ?

NoIre : ce qualificatif fait référence à la couleur des idoles païennes originelles. Primitivement, cette couleur était-elle celle d’un monolithe d’origine céleste, un aérolithe de petite taille, une lapis ex cœlis , « pierre du ciel » – ou d’une bombe volcanique – dont les archéologues et les préhistoriens nous affirment que la forme grossièrement triangulaire et boursouflée par la fusion dans la haute atmosphère, et sa forme conique naturelle évoquaient une femme stéatopyge nue, accroupie en train d’accoucher, ou assise en tailleur, à la gauloise, et présentant son enfant entre ses cuisses ?

un chapitre est consacré à cette couleur, et aller plus avant dans une définition du mot nous obligerait à pénétrer l’histoire et le symbolisme.


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1. Dictionnaire des symboles de Chevalier et gheerbrandt, Lafont, 1996, S.V. « Virginité ».
2. Bertrand Hell, Le sang noir, chasse et mythes du sauvage en Europe, Flammarion, 1994.

Thierry  Wirth            
                                                                              

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