Une étude scientifique menée par le Dr Alexandre EUSEBIO (Pôle neurosciences cliniques AP-HM, Institut de neurosciences de la Timone, CNRS/AMU) sur les mécanismes neuronaux de la prise de décision, publiée dans la revue Brain ce 28 avril, pointe une avancée significative concernant la maladie de Parkinson.
Cette découverte permet notamment une meilleure compréhension des mécanismes à l’origine des symptômes moteurs et cognitifs de la maladie. Une piste est ainsi ouverte pour expliquer les troubles comportementaux(dont la prise de décision et les troubles du contrôle des impulsions) des patients souffrant de la maladie de Parkinson. Elle ouvre également le champ à de nouvelles perspectives thérapeutiques, notamment dans le domaine des troubles des comportements motivés.
Plusieurs experts en neurosciences de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille (AP-HM), du CNRS et de l’AMU ont participé à cette étude intitulée « Le noyau sous-thalamique (NST) humain code la valeur subjective de la récompense et du coût de l’effort lors de la prise de décision » :
Dr Alexandre EUSEBIO, Pr Jean-Philippe AZULAY, Dr Tatiana WITJAS (Pôle Neurosciences Cliniques, Service de Neurologie et Pathologie du Mouvement) http://fr.ap-hm.fr/service/neurologie-pathologie-du-mouvement-hopital-timone
Pr Jean REGIS, Dr Romain CARRON (Neurochirurgie fonctionnelle et stéréotaxie) http://fr.ap-hm.fr/service/neurochirurgie-fonctionnelle-et-stereotaxique-hopital-timone
Yann DUCLOS et Christelle BAUNEZ (Institut des neurosciences de La Timone CNRS/AMU).
Résumé de l’étude publiée dans Brain – Journal of Neurology
http://brain.oxfordjournals.org/
Chaque décision que nous prenons au quotidien est basée sur les bénéfices que nous en attendons et sur le coût qu’elle entraînera.
Il est donc nécessaire de faire la balance du coût et du bénéfice avant de prendre la décision d’agir. L’évaluation de la valeur du bénéfice d’une action (par exemple une récompense) et de son coût (par exemple un effort à fournir) repose sur plusieurs aires corticales notamment le cortex orbito-frontal et l’aire motrice supplémentaire.
Toutefois, les mécanismes qui aboutissent à la confrontation de ces valeurs et au calcul du rapport coût-bénéfice restent encore imparfaitement élucidés. Dans ce travail nous avons cherché à étudier le rôle du noyau sous-thalamique (NST) dans ce contexte. Le NST est une structure profonde du cerveau, faisant partie des ganglions de la base, recevant un grand nombre d’informations provenant du cortex qui sont ensuite renvoyées au cortex. Le NST est très largement impliqué dans la motricité – il constitue la cible de choix pour la stimulation cérébrale profonde dans la maladie de Parkinson – mais également dans des processus non moteurs tels que l’attention, le contrôle de l’inhibition et la motivation. Des données expérimentales ont permis de montrer que les neurones du NST pouvaient coder la valeur d’une récompense chez l’animal mais à ce jour cela n’avait pas été montré chez l’homme.
Nous avons enregistré l’activité du NST chez 12 patients parkinsoniens, ayant reçu une implantation d’électrodes de stimulation cérébrale profonde à visée thérapeutique, lors d’une tâche de prise de décision basée sur la récompense et l’effort. Les résultats ont montré que des activités oscillatoires à basse fréquence dans le NST apparaissaient lorsque s’affichaient le niveau de récompense promise (en euros) et le niveau d’effort à produire. De plus l’intensité de ces activités était corrélée aux valeurs subjectives de récompense et d’effort. Enfin, nous avons pu montrer que ces activités étaient prédictives de la décision des sujets lorsque les niveaux de dopamine étaient normalisés (après la prise du traitement médicamenteux).
L’ensemble de ces résultats indiquent que le NST est impliqué dans les processus de prise de décision basée sur la récompense et l’effort. Ces résultats vont permettre de mieux comprendre le rôle du NST dans les processus motivationnels ainsi que les mécanismes à l’origine des symptômes de la maladie de Parkinson. Ceci devrait aussi permettre d’ouvrir le champ à de nouvelles perspectives thérapeutiques, notamment dans le domaine des troubles des comportements motivés dans la maladie de Parkinson.