Les chimpanzés orphelins ne souffrent pas de stress chronique

 

 

Alerte presse
le 17 juin 2021
 
La perte d’une personne proche peut marquer un destin, même dans le monde animal. Chez les chimpanzés par exemple : les individus dont la mère meurt lorsqu’ils sont jeunes grandissent moins que leurs congénères, se reproduisent moins et ont également plus de chance de mourir à un jeune âge. Mais pourquoi ? Pour le découvrir, une équipe de recherche internationale1 dirigée par une chercheuse du CNRS2a étudié les effets à court et long-terme de la perte de leur mère sur le stress des chimpanzés orphelins, sur une période de 19 ans. En comparant les niveaux d’une hormone marqueuse du stress, le cortisol, entre les individus jeunes et adultes, orphelins ou non, les scientifiques ont observé que les jeunes orphelins sont très stressés. Néanmoins, ceux ayant perdu leur mère depuis plus de deux ans ou ceux qui étaient adultes au moment de l’étude n’étaient pas plus stressés que les autres chimpanzés dont la mère était encore en vie. Ils ne souffrent donc pas de stress chronique, au contraire de ce que l’on observe chez l’humain : les enfants dont la mère meurt quand ils sont très jeunes sont en effet sujet à un stress chronique pendant toute leur vie. Selon l’équipe de recherche, les chimpanzés adoptent souvent des jeunes orphelins et cela pourrait expliquer que le stress de la perte maternelle ne perdure pas. Le stress ne pouvant donc pas expliquer à lui seul les différences entre orphelins et non-orphelins, les chercheurs et chercheuses souhaitent maintenant se pencher sur les mères chimpanzés pour établir si elles participent à ces différences, en protégeant mieux leur progéniture que les orphelins par exemple. Les résultats de ces travaux sont parus dans eLife le 16 juin 2021.
Mâle adulte chimpanzé partageant sa nourriture avec des jeunes orphelins. Les jeunes orphelins sont souvent adoptés, comme ici par ce vieux mâle, ce qui pourrait expliquer que le stress de la perte maternelle ne perdure pas.
Notes
  1. Ont participé à ces travaux des scientifiques de l’Institut Max-Planck pour l’anthropologie évolutive (Allemagne), du Taï Chimpanzee Project du Centre Suisse de recherches scientifiques (Côte d’Ivoire), de l’université Harvard (Etats-Unis), de l’Université de Stirling (Royaume-Uni), de l’université internationale de Floride (Etats-Unis), du World Wide Fund for Nature (WWF ; République centrafricaine), de l’Institut Robert Koch (Allemagne) et de l’Université Félix Houphouët (Côte d'Ivoire).
  2. Travaillant à l’Institut des sciences cognitives Marc Jeannerod (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1)
Bibliographie

Early maternal loss leads to short- but not long-term effects on diurnal cortisol slopes in wild chimpanzees. Cédric Girard-Buttoz, Patrick J Tkaczynski, Liran Samuni, Pawel Fedurek,Cristina Gomes, Therese Löhrich, Virgile Manin, Anna Preis, Prince F Vale, Tobias Deschner, Roman M Wittig, Catherine Crockford. eLife, 16 juin 2021. DOI: 10.7554/eLife.64134