Cancer : un mécanisme clé de résistance à l’immunothérapie identifié


Toulouse,

Une équipe internationale 1, dirigée par le Dr Ludovic Martinet et le Pr Hervé Avet-Loiseau du Centre de recherches en cancérologie de Toulouse (CRCT)2, vient de publier dans la revue « Immunity » une étude* qui ouvre des perspectives pour améliorer l’efficacité de l’immunothérapie. L’absence d’une molécule chez certains patients atteints de cancer, le CD226, serait l’une des clés de compréhension de la résistance à l’immunothérapie.

Immunothérapie et résistance thérapeutique
Même si la plupart des cancers sont difficilement guérissables lorsqu’ils sont diagnostiqués à un stade avancé, une nouvelle stratégie thérapeutique semble pouvoir inverser la tendance ces dernières années : l’immunothérapie. Au lieu de s'attaquer directement aux cellules tumorales, cette approche vise à stimuler les « défenses » des patients, leur système immunitaire, afin de lutter contre les cellules tumorales.

L’immunothérapie a pour but de "réveiller" le système immunitaire des malades pour qu'il élimine les cellules cancéreuses. Les lymphocytes tueurs représentent les acteurs du système immunitaire les plus prometteurs contre le cancer.
Ces dernières années, les chercheurs ont pu mettre en évidence que de nombreuses molécules augmentent ou freinent les capacités anti-cancéreuses des lymphocytes tueurs. Plusieurs traitements qui augmentent la destruction des cellules cancéreuses par le système immunitaire ont ainsi été générés dont certains ont déjà prouvé une efficacité importante dans le traitement des cancers.

Cette approche se fonde notamment sur l'utilisation d’anticorps monoclonaux appelés immunomodulateurs car ils lèvent les mécanismes d’inhibition du système immunitaire induits par la tumeur. Ces mécanismes sont communs à divers cancers et ces traitements récents ont des indications dans déjà sept types de cancers : poumon, rein, vessie, tête et cou, mélanome, maladie de Hodgkin et maladie de Merkel. Ils sont actuellement évalués dans de nombreux autres cancers. Injectés par voie sanguine, ces médicaments ont une action systémique sur les tumeurs primaires et les métastases.

L’analyse de 19 études internationales menées sur 11 640 patients atteints par différents types de cancers montre que 25 % de ceux traités par immunothérapie ont présenté une « réponse durable », contre seulement 11 % chez ceux qui ont reçu une autre famille de traitements (chimiothérapie ou thérapie ciblée). Si ces médicaments sont prometteurs, ils ne sont malheureusement pas efficaces pour tous les patients et il est donc nécessaire d’identifier d’autres mécanismes qui régulent la destruction des cellules cancéreuses par les lymphocytes tueurs. Les recherches en cours cherchent donc à identifier et étendre les patients répondeurs aux immunothérapies.

Le CD226, une molécule indispensable
Grâce à des approches complémentaires, impliquant des échantillons de 177 patients atteints de divers cancers (poumon, sein, ovaire et myélome) et des modèles expérimentaux de tumeurs, l’équipe de recherche du Dr Ludovic Martinet et du Pr Hervé Avet-Loiseau a récemment identifié une molécule indispensable pour les fonctions des lymphocytes tueurs: le CD226. Elle permet aux lymphocytes tueurs de reconnaitre les cellules cancéreuses, une étape nécessaire à la destruction de ces dernières.

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1Le Centre de physiopathologie de Toulouse Purpan (CPTP - CNRS/Université Toulouse-III - Paul-Sabatier/INSERM) et le Centre international de recherche en infectiologie (CIRI - INSERM/CNRS/ENS Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1), Centre méditerranéen de médecine moléculaire (C3M – INSERM/Université Nice Sophia Antipolis, CHU de Nice et l’Institut universitaire du Cancer (IUCT) ont également participé à ces travaux.
2 Inserm, Université Toulouse III - Paul Sabatier, CNRS
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Les travaux de cette équipe de recherche ont également mis en évidence que la molécule CD226 était fréquemment absente à la surface des lymphocytes tueurs des patients atteints de cancer. L’absence de la molécule CD226 est un frein qui empêche les lymphocytes tueurs de fonctionner normalement, cette absence étant associée à un mauvais pronostic dans diverses pathologies malignes telles que les mélanomes, les cancers du sein, du poumon ou du foie.

En collaboration avec des chercheurs australiens (équipe du Pr Smyth, QIMR Berghofer) l’équipe toulousaine a pu observer que l’expression de la molécule CD226 était nécessaire pour permettre aux immunothérapies de réactiver les lymphocytes tueurs et le niveau d’expression de la molécule CD226 semble être un indicateur de réponse à ce type de traitement dans le mélanome métastatique. Ces observations paraissent donc démontrer que l’absence de CD226 représente un mécanisme clé de résistance des tumeurs au système immunitaire. Cette molécule conditionne la réponse aux immunothérapies actuelles.

A terme, ces découvertes pourraient conduire à la mise au point de nouveaux traitements afin de rendre plus performante l’action des immunothérapies actuelles et de guérir un plus grand nombre de patients atteints de cancer. Cela ouvre également des perspectives d'autres types de pathologies telles que les maladies virales dont on sait que les lymphocytes tueurs sont les principaux effecteurs.

Ces travaux ont pu être réalisés grâce à l’aide de La Fondation ARC, l'Institut National du Cancer, le Cancer Research Institut (Bristol-Myers Squibb CLIP Grant) et la Fondation Toulouse cancer santé (IUCT-O translational research program).

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* « Eomes-dependent loss of the co-activating receptor CD226 restrains CD8+ T cell anti-tumor functions and limits the efficacy of cancer immunotherapy »
Publié le 13 octobre 2020 dans Immunity
DOI : https://doi.org/10.1016/j.immuni.2020.09.006
Marianne Weulersse1,10, Assia Asrir1,10, Andrea C. Pichler1,10, Lea Lemaitre1, Matthias Braun2, Nadège Carrié1, Marie-Véronique Joubert1,3, Marie Le Moine4, Laura Do Souto1,3, Guillaume Gaud5, Indrajit Das2, Elisa Brauns4, Clara M. Scarlata1,3, Elena Morandi5, Ashmitha Sundarrajan2, Marine Cuisinier1,3, Laure Buisson1,3, Sabrina Maheo1,3, Sahar Kassem1, Arantxa Agesta5, Michaël Pérès1,3, Els Verhoeyen6,7, Alejandra Martinez1,3, Julien Mazieres1,3, Loïc Dupré5,8, Thomas Gossye1, Vera Pancaldi1,9, Camille Guillerey2, Maha Ayyoub1,3, Anne Dejean5, Abdelhadi Saoudi5, Stanislas Goriely4, Hervé Avet-Loiseau1,3, Tobias Bald2 , Mark J. Smyth2 and Ludovic Martinet1,3.
1- Cancer Research Center of Toulouse (CRCT), Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM) UMR 1037, Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Université Paul Sabatier (UPS), Toulouse, France
2- QIMR Berghofer Medical Research Institute, Herston, Queensland, Australia
3- Institut Universitaire du Cancer, CHU Toulouse, France
4- Université Libre de Bruxelles, Institute for Medical Immunology (IMI), Gosselies, 6041 Belgium and UCR-I (ULB Centre for Research in Immunology)
5- Centre de physiopathologie de Toulouse Purpan (CPTP), INSERM UMR 1043, CNRS UMR 5282, UPS, Toulouse, France
6- Université Côte d’Azur, INSERM, C3M, Nice, France
7- CIRI, Université de Lyon, INSERM U1111, ENS de Lyon, CNRS UMR 5308, Lyon, France
8- Ludwig Boltzmann Institute for Rare and Undiagnosed Diseases (LBI-RUD), Vienna, Austria
9- Barcelona Supercomputing Center, Barcelona, Spain
10- These authors contributed equally

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