SANTÉ MENTALE : LES GRANDES ERREURS DE DIAGNOSTIC


Dans un rapport paru en octobre 2001, le Dr Gro Harlem Brundtland, Directeur Général de l’OMS annonçait que « les troubles mentaux ou neurologiques affecteront une personne sur quatre dans le monde à un moment ou l’autre de leur vie ». 20 ans plus tard, 450 millions de personnes souffrent de troubles mentaux, ce qui place ces pathologies dans les causes principales de morbidité et d’incapacité à l’échelle mondiale.

Selon les spécialistes, il existe pourtant des traitements efficaces pour toutes ces maladies. Aujourd’hui, bien que certaines de ces pathologies soient chroniques ou de longue durée, les personnes souffrant de troubles mentaux peuvent vivre des vies productives et jouer un rôle essentiel dans leur communauté si elles suivent un traitement adéquat qui associe les médicaments et les psychothérapies adaptées. Or, près des deux tiers des personnes que l’on sait souffrir d’une pathologie mentale, ne vont jamais se faire soigner auprès d’un professionnel de la santé. Le rejet social, la discrimination, le manque de formation des médecins, les préjugés et les négligences de toutes sortes empêchent ces malades de bénéficier des traitements.

Dans son nouveau rapport intitulé « Nouvelle conception, nouveaux espoirs », l’organisme des Nations Unies chargé de la santé tente de briser ce cercle vicieux et exhorte les gouvernements à chercher, en matière de santé mentale, des solutions abordables à leur disposition. Toujours selon l’OMS, ils devraient éviter d’avoir recours aux grands établissements spécialisés pour intégrer la santé mentale dans les soins de santé primaires et le système général de santé.

Spécialiste du trouble de la personnalité borderline, le psychothérapeute Pierre Natas a répertorié ci-après quelques pathologies mentales dont les symptômes ont été exacerbés par la situation liée à la pandémie du COVID-19.      

 

Les grandes erreurs de diagnostic en santé mentale

1- Une maladie qui fait peur : La schizophrénie

La schizophrénie concerne environ 0,7% de la population mondiale et touche près d'une personne sur cent en France.

Prononcer le nom de cette maladie suscite immédiatement l’effroi. Associée à la violence, voire à des actes meurtriers, la schizophrénie souffre toujours de préjugés qui entraînent une stigmatisation qui empêche certains malades d’adhérer à leur traitement. Aujourd’hui, on considère qu’être diagnostiqué schizophrène réduit l’espérance de vie de près de 20 ans. Il est pourtant avéré que les rechutes peuvent disparaître pour plus de 80 % des schizophrènes après un an de traitement par des neuroleptiques associés à une intervention familiale.

Pour une personne schizophrène, le confinement, ainsi que les gestes barrière et autres distances de sécurité, peut favoriser la perception d’une hostilité chez l’autre, ou l’impression d’être persécuté. Il est donc important de lui faire comprendre que les personnes qui s’éloignent ou se détournent quand on les croise ne font que respecter les distances de sécurité nécessaires pour réduire le risque de transmission du virus, et n’expriment pas d’hostilité par ces gestes.

Les personnes schizophrènes présentent des symptômes d’isolement social et le repli sur soi qui peuvent être aggravés par le confinement. Il est vital de garder contact et de communiquer régulièrement avec ces personnes en souffrance par tous les moyens disponibles : téléphone, messages, etc.

Plus que pour les autres personnes, une personne schizophrène, le confinement est source de multiples émotions négatives : anxie?te?, cole?re, lassitude, ennui, perte de l’envie, de la motivation ou difficultés de projection dans l’avenir. Il peut conduire également a? une perte de repères. Il est important de se rappeler qu’il s’agit d’une situation temporaire.        

 
2- De la dépression au burn-out : la tentation d’en finir

En France, on estime que près d’une personne sur cinq a souffert ou souffrira d’une dépression au cours de sa vie. Selon l’OMS, « les troubles dépressifs se placent en quatrième position dans la charge mondiale de morbidité et atteindra le deuxième rang d’ici 2020 ». Les troubles dépressifs représentent aujourd’hui le premier facteur de morbidité et d’incapacité sur le plan mondial, juste après les cardiopathies ischémiques et avant toutes les autres maladies.

La dépression est une maladie qui touche tous les âges, depuis l’enfance jusque très tard dans la vie. En 2010, 7,5 % des 15-85 ans ont vécu au moins un épisode dépressif, avec une prévalence deux fois plus importante chez les femmes que chez les hommes (1).

Chaque année, près de 800 000 suicides dans le monde sont imputables à la dépression. Ce qui est alarmant c’est qu’elle ne concerne pas que les adultes. La prévalence des troubles dépressifs est estimée entre 2,1% à 3,4 % chez l’enfant et à 14 % chez l’adolescent. Le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les 15-29 ans. A condition qu’ils soient diagnostiqués à temps, il est aujourd’hui possible de guérir jusqu’à 60 % des cas de dépression en associant judicieusement les antidépresseurs et la psychothérapie.

Le burn-out n'est pas répertorié par l'ouvrage de référence en psychiatrie, le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-V.) et n'est donc pas considéré comme une maladie mentale. Les spécialistes s'interrogent encore pour savoir s’il s’agit d’une forme particulière de dépression, d’une forme aiguë de stress, d’un mélange des deux ou une nouvelle maladie mentale. Quoi qu’il en soit, le burn-out est un processus insidieux qui s’exprime par trois symptômes : l’épuisement émotionnel, l’isolement social, et la perte de l'estime de soi, qui peuvent conduire à un suicide.

En France, 12,6 % de la population active risque d’être victime d’un burn-out, soit plus de trois millions d'actifs, selon un sondage réalisé en 2013 par le cabinet Technologia. Dès qu’il est avéré, il nécessite l'intervention du médecin qui outre la prescription d'un arrêt de travail, évaluera le risque suicidaire et proposera la mise en place d’un suivi psychothérapeutique qui peut être long.        


3- Être HPI (haut potentiel intellectuel) et/ou souffrir du syndrome d’Asperger : un réel handicap pour prendre sa place dans la société

Les surdoués ou personnes à haut potentiel intellectuel (HPI) représentent 2,2% de la population. Une des principales difficultés des surdoués est la tendance à faire de nombreuses associations d'idées en même temps et ce à une vitesse très rapide. Il n'y a pas une pensée mais plusieurs en même temps, et ces mêmes pensées activent elles-mêmes d'autres pensées, images et sensations. Cela engendre inévitablement des décalages dans la communication quel que soit le contexte : scolaire, social, professionnel et familial.

Le Syndrome d'Asperger fait partie des 6 troubles psychiques les plus confondus avec le Haut Potentiel. Nombre de personnes qui ont un Haut Potentiel Intellectuel (HPI) ont aussi un Syndrome d'Asperger. Souvent, la détection de la surdouance se fait dans un premier temps, mais ne semble expliquer que partiellement ce que la personne ressent, la façon dont elle vit ses relations aux autres, sa difficulté à trouver sa place parmi les autres. La détection du Syndrome d'Asperger dans un second temps permet une compréhension plus fine de son fonctionnement psychique.

Il est beaucoup plus rare d'être HPE (haut potentiel émotionnel) et Asperger, car si le Haut Potentiel Emotionnel correspond à une intelligence émotionnelle extrêmement élevée, elle est souvent peu élevée chez les personnes qui ont un Syndrome d'Asperger et qui éprouvent des difficultés à percevoir les mouvements du visage, de la main et du corps de l'interlocuteur pour savoir quelles émotions l'autre personne ressent.

Le Syndrome d'Asperger ne se soigne pas d’un point de vue médical ou psychiatrique, mais il peut être maitrisé si le diagnostic est précoce et si tous les moyens (éducation spécialisée, etc.) sont mis à disposition des personnes touchées. Même s'ils sont toujours perçus comme  bizarres en société, la plupart des malades diagnostiqués arrivent à vivre normalement arrivés à l'âge adulte, à avoir un travail qui met en valeur leurs talents particuliers.           


4- Trouble Borderline ou/et trouble bipolaire : attention aux erreurs de diagnostic

La peur de l’abandon, un insatiable besoin d’être aimé et un sentiment de vide intérieur irréparable sont à l’origine de colères subites, inattendues et souvent disproportionnées, contre soi ou contre les choses. Les comportements à risques, les addictions, les automutilations et les tentatives de suicides font partie du quotidien des personnes borderline. Même s’ils présentent des différences comportementales, comme les deux troubles précédents, le trouble de personnalité borderline et le trouble affectif bipolaire possèdent en commun certains symptômes qui peuvent compliquer la détermination du diagnostic, en particulier avec le trouble bipolaire type II. Certains patients répondent aux deux diagnostics alors qu'ils ne sont souvent perçus par le clinicien que comme des patients ne répondant qu'aux critères d'un trouble affectif bipolaire. Cette confusion est aujourd’hui encore, à l’origine de nombreuses erreurs diagnostiques dont les conséquences peuvent être préjudiciables à la personne.