Qu’est-ce que le burn-out ?

Le terme de « burn-out » est utilisé pour la première fois en psychologie dans les années 1970 pour désigner la conséquence d’un stress chronique au travail. Le premier à l’employer et à le décrire est le psychologue et psychothérapeute américain Herbert Freudenberger (1926-1999). « Je me suis rendu compte que les gens sont parfois victimes d’incendie, tout comme les immeubles. Sous la tension produite par la vie dans notre monde complexe, leurs ressources internes en viennent à se consumer comme sous l’action des flammes, ne laissant qu’un vide immense à l’intérieur, même si l’enveloppe externe semble plus ou moins intacte », écrit-il dans L’Épuisement professionnel : la brûlure interne (traduction littérale du mot anglais burn-out), en 1980. Depuis, d’autres définitions sont venues compléter son approche.
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Le terme de « burn-out » est utilisé pour la première fois en psychologie dans les années 1970 pour désigner la conséquence d’un stress chronique au travail. Le premier à l’employer et à le décrire est le psychologue et psychothérapeute américain Herbert Freudenberger (1926-1999). « Je me suis rendu compte que les gens sont parfois victimes d’incendie, tout comme les immeubles. Sous la tension produite par la vie dans notre monde complexe, leurs ressources internes en viennent à se consumer comme sous l’action des flammes, ne laissant qu’un vide immense à l’intérieur, même si l’enveloppe externe semble plus ou moins intacte », écrit-il dans L’Épuisement professionnel : la brûlure interne (traduction littérale du mot anglais burn-out), en 1980. Depuis, d’autres définitions sont venues compléter son approche.

« État d’épuisement physique émotionnel et mental lié à une longue exposition à des situations exigeant une implication émotionnelle importante. »
Source : Career Burnout: Causes and Cures, Ayala Pines et Elliot Aronson, Free Pr, 1989.

« Écartèlement entre ce que les gens sont et ce qu’ils doivent faire. [Le burn-out] représente une érosion des valeurs, de la dignité, de l’esprit et de la volonté – une érosion de l’âme humaine. C’est une souffrance qui se renforce progressivement et continûment, aspirant le sujet dans une spirale descendante dont il est difficile de s’extraire... »
Source : The Truth about Burnout, Christina Maslach et Michael P. Leiter, Jossey-Bass, 1997.

Les trois phases qui mènent au craquage
Dans les années 1990, la psychologue américaine Christina Maslach montre que le burn-out professionnel, que l’on appelle aussi aujourd’hui syndrome d’épuisement professionnel, est un phénomène à trois dimensions, lesquelles peuvent, selon les cas, se suivre ou être concomitantes. Ces trois face es ou phases de l’épuisement au travail se retrouvent de manière quasi identique dans le burn-out maternel.

Le premier aspect du burn-out est l’épuisement. Dans le monde du travail, le premier symptôme du burn-out est la fatigue ressentie par le salarié. Celui-ci a la sensation d’être totalement vidé de ses ressources en raison de ses horaires de travail, de ses heures de transport, des conditions de travail très exigeantes auxquelles il est soumis... Les temps de repos classiques (soirs, week-ends, vacances...) ne su sent alors plus pour éponger ce e fatigue, qui devient aussi psychique et émotionnelle. Chez la mère victime de burn-out, le processus est le même. D’abord physique, l’épuisement devient très rapidement psychologique. La mère se sent fatiguée, au bout du rouleau. Comme si les semaines, les mois et les années écoulés l’avaient totalement vidée de ses forces, comme si toutes ses ressources avaient été épuisées par tant d’investissement. Les journées paraissent interminables, et la moindre tâche quotidienne est vécue comme un effort insurmontable, générateur de stress et d’angoisse : préparer le repas, donner le bain aux enfants, faire les courses, les emmener à l’école... Un « manège infernal qui ne s’arrêterait jamais », dit Marianne, qui a élevé seule sa fille. Même se lever le matin (avec l’impératif de préparer les enfants pour l’école) relève d’une épreuve physique digne d’un marathon, qu’il faut remporter dans un temps record. C’est ce dont parle parfaitement Sophie dans le témoignage retranscrit dans l’introduction de cet ouvrage.

Le deuxième aspect du phénomène est la distanciation. Dans le monde professionnel, le salarié devient cynique vis-à-vis de son travail et de ses collègues. Il se désengage, se désinvestit, prend ses distances. La mère victime d’épuisement adopte inconsciemment le même com- portement : en raison de sa fatigue physique et psychologique, elle n’a plus les ressources ni la capacité d’accorder à ses enfants (et souvent même à son conjoint) l’attention qu’ils demandent. Petit à petit, elle devient comme absente de la relation. Elle ne parvient plus qu’à assurer le minimum vital de ses enfants, non par plaisir mais par devoir : les nourrir, les habiller, les soigner quand ils sont malades. Mais tout le reste disparaît : les moments de jeu et de complicité se font de plus en plus rares, tout comme les émotions partagées. Comme s’il y avait une forme d’anesthésie affective. Une neuro-scientifique, Tania Singer, directrice du département des neurosciences sociales à l’institut Max- Planck à Leipzig, définit d’ailleurs le burn-out comme un épuisement émotionnel dû à une « fatigue de l’empathie ».

Cette distanciation, ce désinvestissement de son rôle de mère, Cécile, institutrice et maman de trois enfants, les vit au quotidien.

Depuis quelque temps, Cécile sent que quelque chose a changé : elle n’arrive plus à s’impliquer comme avant, aussi bien dans son travail qu’à la maison, vis-à-vis de ses enfants. Elle se sent tellement épuisée qu’elle en arrive à être indifférente à tout ce qui l’entoure, quel que soit le contexte. « Lorsque je pars de chez moi le matin, je n’en peux déjà plus, confie-t-elle. C’est ce que j’expose de moi à mes élèves ! À l’inverse, lorsque je quitte l’école, c’est la saturation que j’ai ressentie tout au long de la journée avec mes élèves que j’importe à la maison ! Dans les deux cas, je me sens coupable “d’être là sans y être”, et de ne pas faire face comme je le devrais à mes responsabilités. C’est insoluble : je ne supporte plus l’attente légitime de tous ces enfants, les miens comme les autres, car tous dépendent d’une manière ou d’une autre de ma capacité à les prendre en charge. À tel point que je me surprends parfois fugitivement à les détester ! Cela me fait culpabiliser chaque jour davantage parce que je ne me sens plus crédible nulle part, encore moins à mes propres yeux. » Il est à noter qu’au quotidien, son mari, totalement centré sur sa carrière professionnelle, l’aide peu. Selon lui, il est le pilier du bien-être matériel de sa famille et ne peut pas se permettre d’avoir des « états d’âme ». Un jugement sans appel pour sa compagne qui se plaint à juste titre d’être en permanence dévalorisée.

Le troisième et dernier aspect du burn-out est celui du reniement. Le salarié en burn-out a le sentiment d’être dans une impasse : il se sent totalement inefficace et dévalorisé dans son travail, avec l’impression de ne pas être à la hauteur de ce que l’on attend de lui. Ce e phase peut intervenir avant ou après la distanciation, voire, parfois, en même temps. Comme le salarié en burn-out, la mère épuisée en vient à douter de ses propres capacités. Elle se persuade qu’elle est une mauvaise mère, et pas faite pour avoir des enfants, que « si elle avait su », elle n’en aurait jamais eus, que « c’était mieux avant ». Elle qui a l’impression de ne plus être autre chose qu’une mère ne peut même plus se sentir épanouie dans ce rôle qui l’enferme. L’enfant devient alors la cause de ce mal-être, l’ennemi à neutraliser si l’on veut retrouver un semblant de vie : « Je ne peux plus les supporter, je les déteste, qu’est-ce qui m’a pris de faire des enfants ? »

 

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BURN-OUT MATERNEL : LES SIGNES D’ALERTE
Le syndrome d’épuisement maternel est un ensemble de signes cliniques qui apparaissent de manière progressive. Pour savoir si vous êtes concernée par ce problème, ou si une personne de votre entourage l’est, soyez attentive à ces différents signaux.

• Les manifestations physiques sont les plus fréquentes, et souvent parmi les premières à apparaître et à être remarquées par la victime du burn-out mais aussi par son entourage : fatigue chronique, troubles du sommeil, douleurs dans le dos ou dans le cou, perte d’appétit, nausées, vertiges, perte ou prise de poids... Il faut être prudent car ces manifestations d’origine psychosomatique peuvent mener, à terme, à de vraies pathologies physiques. On sait aujourd’hui que le stress joue le rôle de déclencheur dans de très nombreuses maladies : rhume, maladies de peau, migraine, hypertension, maladies cardiovasculaires, cancer...
• Les manifestations émotionnelles se traduisent par une humeur triste, une hypersensibilité ou, au contraire, une absence d’émotions, une tolérance réduite au minimum.
• Les manifestations cognitives marquent souvent le début de la dépression : fautes, oublis, difficultés à se concentrer ou à faire plusieurs choses à la fois...
• Les manifestations comportementales sont différentes selon les individus : isolement, agressivité, déclin de l’empathie, saturation par rapport à l’environnement social, indisponibilité, addictions (médicaments comme les tranquillisants et les somnifères, tabac, alcool, drogue...).

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Les différences entre le burn-out professionnel et le burn-out maternel
Si le burn-out maternel est semblable en bien des points au burn-out professionnel, il faut noter quelques petites différences. Contrairement au salarié, la mère n’a pas la possibilité de prendre des vacances ni de se mettre en arrêt maladie pour souffler, se reposer, reprendre des forces. De se faire muter pour un poste davantage en accord avec ses a entes et ses objectifs. Et encore moins de démissionner pour aller chercher ailleurs un travail plus propice à son épanouissement. Le travail de mère serait en quelque sorte un CDI à perpétuité et non négociable !

Autre différence importante : le syndrome d’épuisement professionnel est aujourd’hui bien connu, voire reconnu par les instances officielles, la médecine du travail, les salariés... Au moment où nous écrivons ces lignes, il fait même l’objet d’une proposition d’un groupe de députés qui souhaitent l’inscrire comme une maladie professionnelle, qui serait donc suje e à une indemnisation pour les salariés qui en sont victimes. Si ce e recommandation aboutissait, le syndrome d’épuisement professionnel deviendrait offciellement la 99e maladie professionnelle en France, inscrite dans la liste juste après la sciatique. En revanche, qu’en est-il du syndrome d’épuisement maternel ? Un sujet inexistant pour la plupart des personnes qui ne sont pas directement concernées, et tabou dans la plupart des cas pour les premières intéressées. Nous sommes encore très loin d’une quelconque reconnaissance !

PLUS DE STRESS À LA MAISON QU’AU TRAVAIL !
Selon une étude menée par une équipe de l’université de Pennsylvanie3, les femmes expérimenteraient plus de pression à la maison que dans le cadre de leur travail ! Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont suivi une centaine de personnes et mesuré leur taux de cortisol, hormone libérée par les glandes surrénales en cas de stress chronique (d’où son surnom d’hormone du stress). Ils ont constaté que, de manière générale, celui-ci est plus élevé en famille qu’au travail.

La chercheuse qui a dirigé l’étude avance que, dans le cadre professionnel, certaines conditions sont réunies pour faire baisser le niveau de stress : « être concentré sur le moment présent, absorbé par une tâche, terminer des projets, sociabiliser avec des collègues. » Autant de conditions qui, si on y regarde d’un peu plus près, ne se retrouvent pas à la maison. Quand on a des enfants, il paraît souvent très difficile de rester concentré sur le moment présent et de ne faire qu’une chose à la fois. Quant aux projets, ils ne sont jamais terminés : chaque journée est un éternel recommencement ! Et on ne parle même pas des moments de socialisation avec d’autres adultes, réduits comme peau de chagrin quand on devient parent. Sauf à se contenter des discussions avec les autres parents rencontrés au parc, discussions au cours desquelles on parle uniquement... des enfants bien sûr ! Sans oublier que, dans nos sociétés, le travail rémunéré (au bureau) est plus valorisé que le travail domestique et donc gratuit (à la maison).

Et les hommes dans tout ça ? L’étude a montré que chez eux aussi les niveaux de cortisol sont plus élevés à la maison qu’au travail. Mais la différence se fait dans leurs déclarations : si les femmes se déclarent en majorité plus heureuses au travail qu’à la maison (!), c’est l’inverse pour les hommes qui disent se sentir plus épanouis en famille qu’avec leurs collègues.


Etty Buzyn


 

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