Pour une reconnaissance de la boulimie


Sait-on que les désordres alimentaires accroissent le risque de tentative de suicide chez les 18-25 ans ? C’est ce qu’indique une enquête menée sur soixante- dix-sept campus américains1. Certes, se donner la mort ou tenter de le faire est toujours un geste complexe à analyser car il combine plusieurs facteurs. Mais « 50 à 90 % des personnes qui se sont suicidées souffraient d’un ou de problèmes de santé mentale », nous apprend par ailleurs le site infosuicide.org.

Et la boulimie relève de la santé mentale ! En a-t-on vraiment conscience ?
En France, selon la Haute Autorité de santé2, 1,5 % des 11-20 ans en sont atteints, essentiellement des filles (dans les trois quarts des cas). Plus fréquente, l’hyperphagie boulimique, qui concerne les personnes ayant des crises de boulimie sans pour autant tout faire pour éviter de grossir (vomir, jeûner, prendre des médicaments ou pratiquer un exercice physique excessif), touche 3 à 5 % de la population et presque autant d’hommes que de femmes. Le plus souvent, c’est à l’âge adulte qu’elle est diagnostiquée.

Comment se fait-il qu’en France comme ailleurs, on ne sache toujours pas prendre en charge ces personnes démunies, en proie à une souffrance extrême et qui se cachent du mieux qu’elles peuvent ?

Dans une société où les apparences sont tout, je suis contente d’entendre des voix plus honnêtes décrier les diktats de la beauté dans le paysage médiatique. La loi interdit en France de faire défiler des mannequins anorexiques depuis 2017. Des mouvements s’élèvent contre les fausses réalités des réseaux sociaux et s’emploient à convaincre que l’on peut être quelqu’un et s’aimer indépendamment du nombre de likes sur une photo postée sur Instagram. On commence enfin à éduquer la jeunesse à l’importance du bien-être et de l’épanouissement personnel ! Je m’en réjouis. On parle aussi davantage de santé mentale. Et c’est un signe encourageant.

Pour autant, mon expérience personnelle le prouve : le corps médical semble encore ignorer ce qu’est la boulimie. Du moins, il ne paraît pas suffisamment sensibilisé, pas correctement informé.
Les témoignages que je reçois par mon site font écho à cette carence. Quand on est à bout, que l’on sent sa santé physique menacée et qu’enfin, on trouve la force d’en parler à son médecin, ce dernier vous regarde d’un air désemparé quand il ne prend pas le problème à la légère ou même, ignore ce que vous lui dites. Jamais je n’ai été bien reçue. Jamais je n’ai véritablement été comprise et aidée par un médecin. Comme beaucoup d’autres personnes boulimiques, la réponse que j’ai entendue le plus souvent était : « Vous êtes allée voir un nutritionniste ? »
Dans l’esprit d’un médecin comme dans l’esprit collectif, le boulimique est simplement quelqu’un qui mange trop goulûment.

Alors oui, vous allez consulter des nutritionnistes qui vous disent qu’il faut manger plus de légumes verts, manger régulièrement, manger calmement... Et puis de retour chez vous, vous vous sentez désem- paré. Vous tâchez de respecter les règles. Un jour, deux jours, trois jours et le quatrième, les crises reprennent, encore plus intenses qu’avant. Le cercle infernal.

Ils n’ont pas compris. Les gros problèmes auxquels sont confrontés les personnes en proie à la boulimie ou à l’hyperphagie boulimique, tout comme à l’anorexie, sont la peur et la honte. Les boulimiques se cachent, et leurs symptômes sont la plupart du temps invisibles, ce qui rend l’assistance à ces personnes extrêmement complexe. Si peu de médecins pensent à les orienter vers une psychothérapie ou, quand il existe, vers un centre susceptible d’apporter une aide appropriée. Au moment même où elles cherchent à s’en sortir, elles se sentent seules. Le paysage thérapeutique ou d’aide morale est déroutant. Un vrai labyrinthe. Allez savoir si jeune s’il vous faut voir un psychiatre, un psycho- logue, un psychothérapeute, un hypnothérapeute...

Comment ne pas être choqué par le manque total d’informations sur ce trouble de la part du premier soignant censé vous apporter de l’aide ? La formation aux soins à apporter aux personnes boulimiques est visiblement insuffisante.

C’est pour expliquer au plus grand nombre comment s’installe ce trouble et comment on le vit au quotidien que j’ai écrit le livre présenté ci-dessous.

C’est pour montrer à tous, médecins et thérapeutes compris, qu’il n’y a pas une, mais de multiples voies de guérison que je livre mon témoignage.

C’est parce que les personnes qui souffrent d’un désordre alimentaire ont besoin de compréhension, de compassion et de développer l’amour de soi que je m’engage à mettre en lumière leur souffrance.

Écoutez-les ! Aidez-nous à sortir la boulimie de l’ignorance !

1. Lipson, S. K., Sonneville, K. R., « Understanding Suicide Risk and Eating Disorders in College Student Populations: Results from a National Study ». International Journal of Eating Disorders, 2019.
2. has-sante.fr, 12 septembre 2019.

Sophie Ludmann

 
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