Portrait du manipulateur pervers narcissique

Le pervers narcissique est un individu, homme ou femme, qui s’est construit sur le vide laissé par une structure émotionnelle totalement immature. C’est à partir de cette réalité, sur laquelle il n’a lui-même aucune prise, que le pervers narcissique doit réussir à bâtir une personnalité puissante qui le protégera du vide sidéral de ce Moi qui n’a jamais pu devenir adulte.
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Le pervers narcissique est un individu, homme ou femme, qui s’est construit sur le vide laissé par une structure émotionnelle totalement immature. C’est à partir de cette réalité, sur laquelle il n’a lui-même aucune prise, que le pervers narcissique doit réussir à bâtir une personnalité puissante qui le protégera du vide sidéral de ce Moi qui n’a jamais pu devenir adulte.

De cette immaturité découle un comportement à 100 % centré sur lui-même, justifié par le fait que sa survie psychique en dépend.


UN PERVERS NARCISSIQUE EST UN INDIVIDU AYANT UNE STRUCTURE ÉMOTIONNELLE TOTALEMENT IMMATURE ET QUI EST À 100 % ÉGOCENTRÉ.
IL TENTE D’ÉLABORER UNE PERSONNALITÉ ARTIFICIELLE AUTOUR DU VIDE SIDÉRAL D’UN MOI QUI N’A JAMAIS PU SE CONSTRUIRE


La manipulation, les mensonges, le narcissisme, les mystifications, les dissimulations, les contraintes et autres ruses du manipulateur pervers ne sont que des moyens indispensables à la survie même de ce personnage qu’il s’est créé et qui est totalement artificiel. Ce sont les seuls moyens qu’il ait à sa disposition pour se protéger du vide qui l’engloutirait s’il avait conscience de sa condition réelle. Son destin est donc une tentative, aussi désespérée qu’inconsciente, pour éviter le vide, donc la mort.

Cette réalité permet de mieux comprendre pourquoi il lui est totalement impossible de se remettre en question. Le moindre doute sur lui-même, sur son fonctionnement, le projetterait dans son vide sidéral et disloquerait son esprit pour le rendre immanquablement fou. La violence psychologique ou physique, les colères, les insultes et les autres crises psychotiques sont les conséquences et l’expression de sa peur viscérale ressentie lorsqu’est mise en danger son image protectrice. Lorsqu’il ressent l’imminence de l’effondrement du monde qu’il s’est construit, le pervers narcissique peut basculer dans une rage narcissique où toutes les limites disparaissent au seul bénéfice de sa propre survie. C’est dans ce cas extrême, pulsionnel et difficilement contrôlable que le « passage à l’acte » devient possible (le passage à l’acte est un geste pulsionnel d’une extrême violence pouvant provoquer la mort de la personne visée, de manière intentionnelle ou accidentelle).

Le développement émotionnel du pervers narcissique semble s’être figé à un âge qui se situerait entre ses 3 et 6 ans (selon les auteurs), lors de la phase qui précède celle de la construction de son développement psycho-émotionnel. Du décalage entre l’immaturité émotionnelle et la poursuite du développement cognitif (de ses connaissances) découle un comportement d’adolescent caractériel typique du pervers narcissique.

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Pour mieux comprendre
Rappelons les différents stades de développement psycho-émotionnel de l’enfant :
• 0 à 12 mois : stade de l’oralité – impulsivité et émotion
• 12 mois à 3 ans : stade sensorimoteur et projectif
• 6 à 7 ans : stade de construction de la personnalité et de l’opposition presque systématique
• 7 à 11 ans : période de latence
• 11 à 16 ans (adolescence) : période de remise en question
de ce que l’enfant a vécu entre 0 et 7 ans que Piaget et Wallon appellent le « stade de réversibilité neuropsychologique » : tout ce qui était abstrait pour l’enfant avant 11 ans devient alors possible.
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Le pervers narcissique a la réflexion émotionnelle d’un petit enfant et le comportement d’un adolescent caractériel, pulsionnel, belliqueux et incapable de gérer ses frustrations et de reconnaître la moindre de ses failles. Tel un adolescent rebelle et caractériel, il est incapable d’assumer la responsabilité de ses actes. Il n’est pas plus capable de se remettre en question car ce serait pour lui une atteinte à son sentiment de toute-puissance ainsi qu’une mise en danger de sa construction pro- tectrice de personnalité. Reconnaître une faille reviendrait à se confronter à lui-même, à reconnaître sa faiblesse, son impuissance, tout en regardant en face sa peur la plus profonde, celle de la dislocation dans son vide intérieur. S’il se sent mis en cause dans une situation négative, il la retournera habilement pour en rendre l’autre responsable. Il a une vision de la réalité totalement biaisée par le filtre qui le protège de son vide intérieur. Son habilité à retourner les situations est telle que sa victime en arrivera à douter de son propre bon sens et même de sa santé mentale plutôt que de remettre en question son honnêteté.

De cette immaturité émotionnelle découlent une quantité de comportements déroutants et de phénomènes d’évitements.

“Pour se donner une belle image extérieure, une image de bienveillance et de générosité, Pierre a accepté un partage des biens équitable dans notre procédure de divorce à l’amiable. Le jour où nous devions nous rendre chez le notaire pour la signature de notre accord, il n’a pas voulu s’y rendre sous un prétexte fantaisiste, et en plus, il a tenté de me contraindre à annuler pour lui le rendez-vous !”

Étant totalement incapable de gérer les frustrations qui génèrent chez lui immanquablement une angoisse profonde, le pervers narcissique met toute son énergie à organiser sa vie de sorte à ne pas devoir y faire face. Et si, malgré tous ses stratagèmes, il s’y trouve confronté, il se déchaîne dans une panique pulsionnelle qui le pousse dans ses retranchements.

“Petit, c’était un enfant roi pris entre un père qui ne lui a jamais dit qu’il l’aimait et était toujours très négatif et une mère ultra-protectrice qui rabaissait sans arrêt son père. Adulte, il est toujours le petit chéri infantilisé par sa mère. C’est lui qui « dirige » ses parents, ses frères et ses sœurs envers lesquels il est très critique. Quand on ne lui donne pas raison, monsieur fait sa colère ! Et il ose me dire que c’est moi l’enfant gâtée et capricieuse. Et comme une andouille, j’ai des doutes ! Il est très fort pour semer la zizanie dans ma tête !”

Dans ce dernier témoignage, l’enfant s’est construit de manière à préserver coûte que coûte le lien privilégié et presque abusif qu’il entretenait avec sa mère. En grandissant, il a pris la place symbolique du père tandis que le père réel a été réduit au silence par sa femme. Il a pris le pouvoir, mimant dans un premier temps le comportement qu’aurait dû avoir son père pour ensuite prendre encore plus l’ascendant sur toute la famille, n’hésitant pas à en écraser les membres pour se sentir puissant. L’enfant s’est trouvé piégé dans une hypervigilance vitale et constante afin de préserver « l’image illusion » à laquelle il s’identifie. Ce système d’autoprotection a généré chez lui une profonde angoisse qui l’a entraîné implacablement dans une paranoïa plus ou moins importante suivant l’intensité de son anxiété liée à ce sentiment d’insécurité personnelle.

 

LA COMPRÉHENSION PARFAITE DE CE MÉCANISME DE SURVIE MIS EN PLACE PAR LE PERVERS NARCISSIQUE
INDUIT LA MANIÈRE DONT LA VICTIME VA POUVOIR Y FAIRE FACE



Bien évidemment, le cas de la mère surprotectrice n’est qu’un exemple parmi d’autres qui peuvent expliquer la mise en place de ce fonctionnement perverti. Il peut également provenir de l’adaptation de l’enfant maltraité par son père qui cherche désespérément à lui plaire, à se faire « pardonner », à correspondre à son attente pour éviter de provoquer des crises. L’enfant va ainsi modeler son tempérament afin d’être capable de s’adapter en permanence à ce père tyrannique. Également dans un stress constant, avec une estime de soi qui ne peut être solide, il sera contraint d’utiliser des stratagèmes manipulateurs pour se donner une illusion d’existence.

 

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