Lorsque l’enfant présente des difficultés à s’alimenter

Lorsque l’enfant présente des difficultés à s’alimenter, toute la famille s’expose à une période de stress au moins trois fois par jour. En effet, l’action de manger exige le traitement de nombreuses stimulations sensorielles, incluant le bruit des conversations et des ustensiles dans les assiettes ainsi que la texture, l’odeur et les différents goûts des aliments. Sur le plan moteur, l’activité nécessite une bonne dextérité pour bien manipuler les ustensiles et une coordination adéquate pour mastiquer les aliments et les avaler.

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Lorsque l’enfant présente des difficultés à s’alimenter, toute la famille s’expose à une période de stress au moins trois fois par jour. En effet, l’action de manger exige le traitement de nombreuses stimulations sensorielles, incluant le bruit des conversations et des ustensiles dans les assiettes ainsi que la texture, l’odeur et les différents goûts des aliments. Sur le plan moteur, l’activité nécessite une bonne dextérité pour bien manipuler les ustensiles et une coordination adéquate pour mastiquer les aliments et les avaler.

Lors des repas, les problèmes les plus fréquents concernent l’enfant qui se tortille sur sa chaise ou qui se lève constamment2. En fait, ces deux comportements peuvent indiquer qu’il ne présente pas un état de calme optimal pour la tâche et qu’il a besoin de stimulations vestibulo-proprioceptives (par ex.: sortir dehors pour courir, danser sur de la musique rythmée, sauter sur un petit trampoline) avant de manger. Elles l’aideront à se centrer sur l’activité à venir. Ces comportements dérangeants peuvent aussi signifier que l’enfant tente d’éviter certaines stimulations aversives associées au repas.

En effet, les refus alimentaires sont une des difficultés associées à la modulation sensorielle qui survient fréquemment lors des repas2. Les causes les plus fréquentes de ce comportement concernent la texture ou la température de l’aliment, la nourriture mélangée ou le fait qu’un aliment en touche un autre. De façon plus exceptionnelle, des enfants peuvent refuser un plat en fonction de sa couleur, son goût, son odeur, sa marque ou sa forme3. Cette manière d’agir — soit de refuser plu- sieurs aliments ou d’avoir un répertoire très restreint — est appelée la sélectivité alimentaire. Celle-ci peut avoir des effets négatifs sur l’apport nutritionnel de l’enfant (par ex.: faible poids, anémie) et sur la qualité de vie de la famille4.

L’introduction des aliments solides chez le bébé représente un enjeu important pour plusieurs parents. Il est actuellement recommandé d’intégrer les aliments riches en fer et souvent peu sucrés (par ex. : céréales pour bébé, viandes et substituts) avant les fruits et les légumes. Or, le sucré est le goût le plus apprécié chez le jeune poupon. Pour que celui-ci apprivoise les aliments riches en fer, les parents doivent persévérer et lui présenter le même aliment des dizaines de fois, malgré ses réactions parfois négatives. Il peut être tentant de camoufler l’aliment ou de faire des mélanges. Néanmoins, cette façon de faire doit être utilisée avec prudence.

Parfois, l’enfant réagit fortement aux aliments nouveaux qui lui sont présentés (par ex. : cris, pleurs, rejet de l’aliment, haut-le-cœur). Cette néophobie alimentaire* est souvent liée à des particularités dans le traitement des stimulations orales*5. D’un point de vue sensoriel, un aliment nouveau comporte beaucoup de caractéristiques à assimiler, de son apparence dans l’assiette jusqu’à la sensation en bouche. Ainsi, les enfants qui refusent les aliments en fonction de leur couleur3 et qui présentent des difficultés sur le plan du goût et des odeurs6 mangeraient moins de fruits et de légumes. La néophobie alimentaire est également associée à une restriction dans la diversité des aliments consommés et à une faible consommation de légumes5. C’est pourquoi elle préoccupe les parents.

La texture est la raison la plus fréquente de refuser des aliments. Il ressort que les enfants qui tolèrent moins les stimuli tactiles sur leur corps (et y réagissent négativement) repoussent souvent les aliments qui ont une texture particulière, comme une sauce à spaghetti ou un mijoté7. Cette association entre ces deux comportements est encore plus importante si l’enfant est jeune. Voilà pourquoi il est nécessaire de bien distinguer les types d’aliments et les catégories de textures qui peuvent poser problème. En effet, une purée granuleuse (par ex. : patate et viande hachée) peut être moins appréciée qu’une purée lisse (par ex. : aliments broyés). Il faut aussi considérer que la texture de l’aliment se modifie lors de la mastication. Avec l’action de la salive, celui-ci se transforme alors en bouillie. Il est parfois nécessaire que le parent goûte l’aliment pour bien percevoir les sensations qu’il procure en bouche. Il peut ainsi déterminer la cohésion de l’aliment, c’est-à-dire le fait que celui-ci forme un tout et que ses différentes parties restent liées même s’il est croqué (par ex. : du pain). Cette propriété le rend plus facile à mastiquer et à avaler comparative- ment aux morceaux qui se retrouvent un peu partout dans la bouche (par ex.: une carotte crue). Le phénomène de cohésion explique, entre autres, pourquoi manger une viande hachée dans une sauce est plus aisé que sans la sauce. Celle-ci permet de coller les particules de viande entre elles. D’autres aliments peuvent aussi laisser des résidus qui adhèrent aux parois de la bouche, c’est- à-dire à l’intérieur des joues et sur les dents. Cette situation peut expliquer pourquoi certains enfants n’aiment pas la peau des grains de maïs ou des légumineuses, par exemple.

Si le parent modifie la texture de l’aliment apprécié par l’enfant, ce dernier peut le refuser. Néanmoins, l’ajout d’un aliment ayant une couleur ou un goût différents provoque moins fréquemment cette réaction8. Ainsi, votre enfant risque davantage de refuser un yogourt auquel vous avez ajouté une pomme râpée qu’un autre dans lequel il y a une purée de pomme lisse. Il faut porter une attention particulière aux textures que l’enfant aime et bien graduer leur intégration pour varier son répertoire alimentaire. La participation de l’ergothérapeute peut être nécessaire pour bien évaluer les particularités sensorielles et alimentaires de l’enfant, en plus d’analyser les caractéristiques de l’aliment (par ex. : couleur, température, densité). Un nutritionniste peut aussi recommander des aliments en lien avec les textures que l’enfant tolère afin qu’il acquière un régime alimentaire qui réponde à ses besoins nutritionnels. Cela signifie qu’il faut amener l’enfant à manger des aliments qui fournissent les calo- ries et les éléments nutritifs essentiels à son développe- ment. Dans le cas où la mastication des aliments et leur contrôle dans la bouche sont difficiles, l’orthophoniste peut contribuer à améliorer les habiletés orales-motrices de l’enfant.

L’alimentation des enfants qui présentent des diagnostics tels que la déficience intellectuelle, le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) et le trouble du spectre de l’autisme (TSA) a fait l’objet de plusieurs études. Par exemple, il s’avère que l’enfant ayant une déficience intellectuelle refuse davantage que les autres de manger certains aliments9. S’il est sensible aux saveurs et aux odeurs, il est plus à risque de présenter une sélectivité alimentaire9. De son côté, l’enfant ayant un TDAH et des comportements d’opposition peut avoir plus de difficulté à accepter un nouvel aliment. Il pré- sente souvent un répertoire alimentaire plus restreint10.

Il faut préciser que la sélectivité alimentaire est le problème de nature nutritionnelle le plus fréquent chez l’enfant ayant un TSA11. Plus les manifestations du TSA sont importantes, plus le risque de présenter une sélectivité alimentaire est grand11. Dans les faits, l’hypersensibilité sur les plans tactile, oral, olfactif et gustatif peut expliquer une partie de la sélectivité alimentaire de l’enfant ayant un TSA. Néanmoins, d’autres éléments doivent être considérés, comme les problèmes de comportements, les préférences alimentaires des parents et le déroule- ment du repas en famille12. Dans ce contexte, l’enfant qui joue, s’éloigne de la table ou ne se concentre pas sur la nourriture est moins susceptible d’explorer l’aliment nouveau qui lui est présenté. Il faut aussi observer la présence de tels comportements chez les enfants aux développements typiques. Parfois, le parent propose une diversion, comme une tablette électronique ou un jouet. Cette stratégie peut être utile à court terme, mais elle n’encourage pas l’enfant à prendre plaisir à manger. Il est essentiel que les aliments demeurent au premier plan lors du repas. Il est donc recommandé de ne pas regarder la télévision pendant que la famille est à table afin que l’enfant n’associe pas le repas à ce divertissement. Il doit apprendre à apprécier les aliments qui lui sont présentés dans un environnement calme.

Afin de vous aider à identifier les stratégies gagnantes en fonction des comportements de votre enfant, plusieurs situations sont présentées dans les pages suivantes. Elles vous permettent d’éviter les pièges dans lesquels plusieurs parents tombent quand vient le temps d’agir aux repas. Ces interventions quotidiennes peuvent toutefois devenir rapidement éreintantes. Voilà pourquoi il est recommandé de bien les graduer et de rester constant. Un enfant qui mange uniquement 20 aliments différents ne parviendra pas à augmenter son répertoire à 100 aliments en quelques semaines. Il est essentiel de vous fixer des objectifs réalistes et de prendre conscience des progrès, aussi minimes soient-ils. La patience et l’attitude positive demeurent la clé de la réussite, peu importe le problème de votre enfant.

Règles de base au repas
Mettre en place un horaire régulier.
› Conserver une ambiance agréable.
Servir idéalement le même menu à toute la famille.
Montrer l’exemple comme parent.
Encourager les bons comportements et ignorer les autres.
Ne jamais forcer un enfant à manger.

   Myriam Chrétien-Vincent, Sylvie Tétreault et Emmanuelle Rossini-Drecq

 

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