Lire : Quand les mères craquent

« Ce matin, la directrice de l’école de mes enfants m’accueille sur le pas de la porte avec son habituel air revêche : “Madame, vous êtes en retard, j’allais fermer la porte...” Cette phrase, je l’ai déjà entendue des dizaines de fois depuis la rentrée. Alors cette fois, je craque et je lui rétorque : “Oui, Madame, je sais que je suis en retard. De toute façon, je le suis dès que je me réveille le matin. Un peu de pitié pour les mamans tout de même !” Car ce que la directrice ne semble pas soupçonner, c’est que l’angoisse m’envahit dès que j’ouvre l’œil. J’ai déjà en tête l’ampleur des tâches qui m’attendent ! Il faut que je dépose les enfants à l’école puis que je coure prendre le métro (en croisant les doigts pour qu’il n’y ait pas de souci sur la ligne parce que j’ai une réunion importante au travail) ; ce midi, pas de pause déjeuner car il faut que je passe à la CAF régler quelques formalités ; et ce soir, c’est à nouveau la course parce que le grand a rendez-vous chez le dentiste, et puis il y a les devoirs à superviser, le repas à préparer, le salon à ranger car des amis viennent dîner demain... Pas une minute à perdre, et pas une minute pour souffler non plus ! Sans compter qu’avec les enfants, c’est une sorte de bataille permanente, un face- à-face sans  fin : “Non, je ne veux pas mettre de manteau aujourd’hui, il fait trop chaud” (Léonie, 3 ans et demi, en plein hiver) ; “Maman, c’est moi qui décide si je vais dormir ou pas chez Léo, pas toi” (Niels, 7 ans). Résultat : je suis tellement fatiguée que, souvent, j’en arrive à me dire que la vie aurait été tellement plus simple sans enfants... »
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« Ce matin, la directrice de l’école de mes enfants m’accueille sur le pas de la porte avec son habituel air revêche : “Madame, vous êtes en retard, j’allais fermer la porte...” Cette phrase, je l’ai déjà entendue des dizaines de fois depuis la rentrée. Alors cette fois, je craque et je lui rétorque : “Oui, Madame, je sais que je suis en retard. De toute façon, je le suis dès que je me réveille le matin. Un peu de pitié pour les mamans tout de même !” Car ce que la directrice ne semble pas soupçonner, c’est que l’angoisse m’envahit dès que j’ouvre l’œil. J’ai déjà en tête l’ampleur des tâches qui m’attendent ! Il faut que je dépose les enfants à l’école puis que je coure prendre le métro (en croisant les doigts pour qu’il n’y ait pas de souci sur la ligne parce que j’ai une réunion importante au travail) ; ce midi, pas de pause déjeuner car il faut que je passe à la CAF régler quelques formalités ; et ce soir, c’est à nouveau la course parce que le grand a rendez-vous chez le dentiste, et puis il y a les devoirs à superviser, le repas à préparer, le salon à ranger car des amis viennent dîner demain... Pas une minute à perdre, et pas une minute pour souffler non plus ! Sans compter qu’avec les enfants, c’est une sorte de bataille permanente, un face- à-face sans  fin : “Non, je ne veux pas mettre de manteau aujourd’hui, il fait trop chaud” (Léonie, 3 ans et demi, en plein hiver) ; “Maman, c’est moi qui décide si je vais dormir ou pas chez Léo, pas toi” (Niels, 7 ans). Résultat : je suis tellement fatiguée que, souvent, j’en arrive à me dire que la vie aurait été tellement plus simple sans enfants... »

Sophie, maman de Niels et Léonie

Le cas de cette maman est loin d’être isolé. Aujourd’hui, de nombreuses mères vivent peu ou prou la même chose, et beaucoup se reconnaîtront dans le quotidien que décrit Sophie. Ce e jeune femme présente certains signes de ce que l’on appelle aujourd’hui le « burn-out maternel ». Un épuisement aussi bien physique que psychologique, résultat d’une accumulation de fatigue et de stress, qui amène à ne plus savoir comment gérer sa progéniture, à se sentir en permanence sous l’eau jusqu’à douter du bien-fondé d’avoir fait des enfants ! Selon un sondage de La Ligue des familles datant de décembre 2016, « près d’un parent sur quatre ressent souvent, voire en permanence, le besoin de lâcher prise, de laisser tomber et d’échapper à ses responsabilités parentales. »

De nos jours, de plus en plus de femmes sont victimes de ce syndrome d’épuisement, de ce « burn-out » que l’on pensait jusqu’alors réservé au monde du travail et à ses salariés. Certaines mères en parlent entre elles sur un ton fataliste, se disant épuisées par les multiples contraintes de la vie familiale et la nécessité de devoir penser à tout en permanence, fatiguées par le fait de devoir courir sans cesse, éreintées par les multiples imprévus à gérer (une nounou absente, un enfant malade, une maîtresse en grève...), stressées par le manque de soutien et d’aide de leur conjoint ou de leur propre famille, dépitées de n’avoir jamais aucun temps pour souffler ou tout simplement pour penser à elles... Résignées, elles culpabilisent souvent de ce qu’elles ressentent et elles continuent d’accumuler semaine après semaine les sources de stress, n’imaginant à aucun instant qu’il puisse exister des solutions pour se sortir de ce cercle infernal. Jusqu’au jour où elles craquent. Leurs nerfs lâchent, leur santé se dégrade, et leur entourage en subit les conséquences (enfants, conjoint, patron, collègues...).

Si vous avez acheté ce livre, c’est sans doute parce que vous aussi, vous vous sentez concernée. Ce sujet, pourtant, reste encore largement tabou. L’idée qu’une femme ne puisse pas s’épanouir grâce à la maternité – pire, que son rôle de mère l’épuise – est loin d’être acceptée au sein de nos sociétés. Peu de chiffres existent pour décrire l’ampleur du phénomène, mais la réalité est bien là. Selon une étude menée par le réseau Maman travaille2, 63 % des mères qui travaillent se disent épuisées. Il n’existe malheureusement pas de chiffres mesurant l’épuisement des mères au foyer mais il est fort probable que l’on obtiendrait un résultat similaire.

Il est urgent de mettre des mots sur cette problématique, de dire aux femmes qu’elles n’ont aucune raison de culpabiliser de se sentir épuisées et dépassées, qu’elles ne sont pas coupables, et surtout qu’elles ne sont pas les seules dans ce e situation. Il est également urgent d’agir car, comme le stress professionnel, le stress maternel est une spirale infernale qui tire vers le fond, vers la dépression ou d’autres maladies psychosomatiques. Il est urgent de réagir avant qu’il ne soit trop tard.


Etty Buzyn


 

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